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Pourquoi la police a besoin de bien plus que d'effectifs pour son offensive "anti-racaille"
©Reuters

Une autre culture

En pleine colère des forces de l'ordre, l'idée d'une augmentation des effectifs policiers semble faire son chemin parmi le monde politique. Pourtant, la situation de certaines de nos banlieues requerrait bien plus que cela.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Ce jeudi, le député PS de l'Essonne Malek Boutih a appelé à une "vraie politique anti-racaille" dans les banlieues françaises. Mais alors que, face à la colère des forces de l'ordre, on parle déjà d'augmentation d'effectifs, dans quelle mesure celle-ci – sans doute nécessaire – sera forcément insuffisante pour faire face à la situation ?

Eric Verhaeghe : La question des effectifs et des moyens est évidemment une question non pas fausse, mais mal posée. Pour deux raisons majeures.

Première raison : la question n'est pas seulement d'avoir le bon nombre d'effectifs policiers en France, mais elle est surtout de les affecter au bon endroit et aux bonnes missions. Si l'on recrute des policiers pour leur demander de rester en faction devant des ambassades dans les beaux quartiers parisiens au lieu de les affecter dans les zones difficiles, cela n'a évidemment pas de sens. C'est pourtant ce qui se passe majoritairement aujourd'hui. Les zones non criminogènes sont globalement surdotées en effectifs policiers et les zones criminogènes sont en sous-effectif. Ce qui nous amène à la deuxième question. Le problème de la police nationale n'est pas prioritairement un problème de moyens, mais un problème de management. La politisation du commandement fait que ce sont des courtisans, des intrigants, qui prennent les postes-clés de décision, et non les gens les plus compétents. On en paie le prix aujourd'hui. Les policiers qui défilent ne se plaignent pas de leur manque de moyens, mais du mépris et de l'incompétence de leur hiérarchie, non seulement ministérielle, mais directe. La crise à laquelle nous assistons n'est pas une crise de moyens, mais une crise de commandement et d'autorité. Sur ce point, l'arrogance avec laquelle le directeur général de la police nationale s'est comporté avec la troupe sous l'oeil des caméras est à la fois symbolique, illustratif et cataclysmique.

En quoi la "culture de l'excuse" que nous pouvons constater dans certaines institutions comme la justice ou l'éducation plombe-t-elle actuellement toute intention – aussi louable soit-elle – de s'attaquer au problème des banlieues en France ?

C'est évidemment le grand problème des policiers, qui est évoqué en creux dans leurs revendications. Ce que les policiers refusent aujourd'hui (et qui illustre leur attachement à l'intérêt général malgré leur hiérarchie), c'est d'endosser la culture de l'excuse et du vivre ensemble que leur impose le commandement. Au nom de cette culture, le commandement demande en effet de verbaliser les gens qui ne font pas de vagues, et d'assurer une impunité large aux voyous qui risquent d'aller à la bavure. Pour le policier de base, la situation est intenable. D'une part, il sait qu'il exerce un métier absurde, dans la mesure où il laisse les racailles prospérer alors qu'il s'est souvent engagé pour les combattre. D'autre part, il endure la critique des citoyens paisibles qui ne comprennent pas pourquoi ils sont persécutés quand les voyous courent en liberté. Le problème est le même à l'Education nationale, et on ne devrait pas tarder à voir les enseignants suivre le pas des policiers. Il est incompréhensible qu'au nom de l'excuse et de sa culture, 10% d'éléments marginaux parviennent à imposer leur loi à l'ensemble de la population, parce que l'institution a renoncé à se battre et à faire triompher l'intérêt général. Soyons clairs : les déséquilibres sont tels aujourd'hui que le pire est à craindre.

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