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Pourquoi l’Ile de France et Paris gagneraient beaucoup à une suppression des départements de la Petite Couronne
©AFP

Bonne idée ?

Emmanuel Macron envisage de supprimer la Petite Couronne. Une bonne nouvelle, en particulier pour la Seine-Saint-Denis à qui cette suppression pourrait permettre la disparition de la réputation qui lui colle à la peau.

Atlantico : Alors qu'Emmanuel Macron souhaite développer la métropole du Grand Paris, et ce, sans exclure la suppression des départements franciliens, 700 élus et entrepreneurs se réunissaient hier à Versailles pour "manifester leur attachement aux départements franciliens". Historiquement parlant, quel a a été le processus de construction des départements de la région ? Quelle est la rationalité de l'ensemble actuel ?

Laurent Chalard : Contrairement à certains autres départements français, dont les périmètres géographiques, fixés à la Révolution, répondent à des logiques historiques, les départements de Petite Couronne parisienne sont des créations artificielles récentes, qui remontent à une cinquantaine d’années, issus d’une décision purement technocratique. En effet, lors de leur mise en place, il ne s’agissait nullement de faire émerger des territoires administratifs répondant à des logiques géographique, économique ou encore historique, mais d’instaurer une nouvelle organisation politique de la région parisienne. Dans ce cadre, l’Etat central, tout puissant à l’époque, avait deux principaux objectifs en tête. Le premier était de fragmenter politiquement la région parisienne, pour éviter l’émergence d’une entité administrative du Grand Paris, puissante politiquement, potentiel concurrent de l’Etat central, dans un contexte de macrocéphalie. Cela explique le choix de la balkanisation qui a été fait, puisque nous sommes alors passés de trois départements, la Seine, la Seine-et-Oise et la Seine-et-Marne à huit départements, dont trois en Petite Couronne (les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne) et quatre en Grande Couronne. Le second objectif concernant les territoires de ce qui allait devenir les départements de Petite Couronne, associés à l’époque à la « ceinture rouge », était d’isoler sur le plan administratif les territoires communistes du reste de la région, d’où le périmètre de la Seine-Saint-Denis. Il s’agissait de briser politiquement la « ceinture rouge », tout en regroupant dans le même ensemble les communes « bourgeoises » de l’ouest pour préserver leur caractère.

En 2017, la rationalité des périmètres départementaux de Petite Couronne est totalement inexistante. Comme nous l’avons vu, ils ne répondent à aucune logique historique, économique ou géographique, et la situation n’a pas évolué au fur-et-à-mesure du temps, malgré les tentatives des dirigeants politiques des différents départements d’unifier leur territoire. Les communes constitutives de ces départements ont plus de lien avec Paris intra-muros et les communes limitrophes qu’avec le reste de leur département (par exemple, dans les Hauts-de-Seine, aucun lien n’unit Gennevilliers à Antony). La seule logique, qui peut éventuellement ressortir aujourd’hui, est une logique sociale, dans le sens que la Seine-Saint-Denis s’est fortement paupérisée, le phénomène ayant touché la quasi-totalité du département, du fait d’une mauvaise réputation qui a rejailli sur l’ensemble des communes du département, y compris celles qui étaient plus aisées à l’origine. Par exemple, le secteur du Raincy/Villemomble, au caractère « bourgeois » affirmé dans les années 1960, a vu son profil social se dégrader sensiblement depuis.  

Quels seraient les avantages à attendre de la suppression des départements ? Quelle serait la nouvelle forme d'organisation qui verrait alors le jour ?

La suppression des départements de Petite Couronne aurait plusieurs avantages. Tout d’abord, dans le millefeuille administratif francilien (région Ile de France, métropole du Grand Paris, départements, intercommunalités, communes), la disparition d’un échelon serait un élément très positif, avec pas mal d’économies à la clef pour les finances publiques car il y en a beaucoup trop aujourd’hui ! Ensuite, leur suppression permettrait de réfléchir à un aménagement plus global, gommant la traditionnelle coupure est/ouest, opposant les communes bourgeoises aux communes populaires, qui empêche d’aller de l’avant jusqu’ici. Un autre avantage de leur suppression serait la fin des baronnies locales, qui ont accentué les processus de ségrégation socio-spatiale, déjà préexistants à la création des départements de Petite Couronne, avec une politique orientée vers les populations aisées dans les Hauts-de-Seine et vers les classes populaires en Seine-Saint-Denis ainsi que dans le Val-de-Marne. Enfin, last but not least, la disparition de la Seine-Saint-Denis, englobée dans un ensemble plus grand, la métropole du Grand Paris, signifierait la fin de la mauvaise réputation qui colle à la peau à toutes les communes de ce département, leur permettant de renforcer l’attractivité de leur territoire pour les actifs franciliens, ces derniers ayant encore des réticences à s’y installer, alors que certaines communes offrent un cadre urbain attractif. De même, pour les habitants de Seine-Saint-Denis, il serait plus facile de trouver un emploi ailleurs, avec la fin de l’étiquette départementale. Dans ce cadre, l’idéal serait que la métropole du Grand Paris récupère le numéro 92, qui s’appliquerait à toutes les communes en faisant partie.

La nouvelle organisation administrative, qui verrait le jour, reposerait sur trois échelons. A un niveau supérieur, il y aurait une métropole du Grand Paris couvrant l’ensemble de la Petite Couronne et Paris intra-muros, définissant les stratégies globales d’aménagement et de développement économique. A un niveau intermédiaire, les intercommunalité et, au niveau de base, les communes, qui continueraient d’assurer des compétences locales.

Quels sont les freins existants à une telle refonte ?

Les principaux freins à la refonte de l’organisation administrative de la Petite Couronne sont essentiellement d’ordre politique. Les « baronnies locales » ne souhaitent pas disparaître, chaque parti politique s’étant taillé un fief, l’UMP dans les Hauts-de-Seine, le Parti Communiste dans le Val de Marne et le Parti Socialiste en Seine-Saint-Denis. Leur disparition mettrait fin à un système clientéliste, dont la tête est constituée par le conseil départemental. Par ailleurs, pour le Parti Communiste, il en va aussi de sa survie politique, car il refuse de perdre le dernier département francilien qu’il dirige, le Val de Marne, ayant très peu de chances de récupérer la direction de la métropole du Grand Paris.

Si les principaux freins sont incontestablement politiques, il peut cependant aussi exister un frein social, les populations aisées des Hauts-de-Seine pouvant s’opposer à leur inscription dans un ensemble beaucoup plus hétérogène socialement. Cependant, jusqu’ici, la perspective de la disparition des départements de Petite Couronne n’a pas suscité de réel mouvement d’indignation des populations car les questions administratives, comme nous l’avons vu en 2014 pour le redécoupage des régions, ne mobilisent guère les foules, qui paraissent très attentistes sur ces questions.

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