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Pourquoi l'amnistie sociale pour les syndicats est une caution donnée à la répression stalinienne par une gauche française à la ramasse
©DR

Question de priorité

Alors que le Sénat a adopté la proposition de loi communiste sur l'amnistie sociale, la droite proteste là où Manuel Valls s'est déclaré "sceptique sur le principe" avant d'ajouter que "la colère, la violence ne sont pas possibles dans une démocratie comme la nôtre".

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La loi d’amnistie sociale adoptée par le Sénat le 27 février n’en finit pas de soulever les passions et les polémiques, à grands renforts de mouvements lyriques déployés par notre bon Jean-Luc Mélenchon au nom de la lutte des classes. Comment ne pas s’attendrir en écoutant ces professionnels de la politique pour qui le monde ouvrier est un objet d’étude livresque, et un filon commode pour déployer une vision manichéenne de la société française ?

A lire le texte de plus près, il ne manque pourtant pas de soulever de vraies questions sur la caution extrêmement malsaine que le Front de gauche accorde aux réminiscences du stalinisme. Soulignons en effet que le texte s’ouvre sur la curieuse amnistie accordée aux mineurs condamnés à l’occasion des grandes grèves de 1948 à 1952. Soixante ans plus tard, dans un symbolisme confondant, le Parti communiste et ses supplétifs mélenchoniens ont choisi de fondre dans le même moule la CGT de l’immédiat après-guerre et les syndicalistes condamnés de-ci de-là entre 2007 et 2013.

Quel étrange choix ! Car, comme l’a souligné le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe, élu UDI du Pas-de-Calais, les mineurs CGT en grève au sortir de la guerre étaient loin de se battre pour une cause sociale totalement désintéressée et dictée par la misère ouvrière. Je crois qu’il est salutaire de mentionner les propos que ce sénateur, fils de mineur du Nord, a tenus lors du débat au Palais du Luxembourg: "Mon père, responsable syndicaliste à la CFTC, a été condamné à mort, pour l’exemple, par la section communiste de Bully-les-Mines et par les cégétistes, sentence qui ne témoignait par ailleurs d’aucune pitié envers sa femme et ses enfants. À cet appel, une centaine, voire plus, – vous me pardonnerez, nous n’avons pas compté ! – de syndicalistes, de salariés mineurs, de communistes sont donc venus, au chant de L’Internationale, à notre domicile, dans le coron de la cité minière. Nous ne dûmes notre salut qu’à la fuite : nous nous sommes réfugiés chez des amis, qui nous ont hébergés pendant une semaine, jusqu’à ce que la grève s’achève, à la fin du mois de novembre."

Soyons bien clairs sur ce que signifie cette amnistie. Non, il ne s’agit pas - ou pas seulement - de réparer des préjudices qu’une politique trop autoritaire vis-à-vis de syndicalistes en colère aurait causés. Non, il ne s’agit pas de rétablir un droit violé par un gouvernement obtus, qui aurait pesé sur le destin de victimes innocentes.

Cette amnistie, c’est, au-delà du service rendu à des militants du Front de gauche, une superbe instrumentalisation destinée à restaurer, soixante ans après, ce qu’on déteste aujourd’hui dans l’histoire de la CGT et du mouvement communiste français ! L’intimidation par le nombre, digne de l’extrême droite qui sévit dans l’Europe de 2013. La subordination à l’impérialisme soviétique. Les cautions données à la répression stalinienne par une gauche française à la ramasse, toujours prête à admirer les maîtres et à enfoncer les esclaves.

Car c’était ainsi, la CGT de 1948. On y entretenait la fiction d’une démocratie heureuse et souriante de l’autre côté du rideau de fer, et tous ceux qui esquissaient le moindre doute sur la compatibilité entre Staline et les libertés individuelles étaient fustigés sans indulgence. L’oppression était glorifiée. La déportation en Sibérie admise comme une donnée naturelle de la démocratie populaire.

Assez légitimement, tous ceux qui se souviennent que le mouvement ouvrier ne s’est jamais confondu avec cette infamie ne manqueront pas de s’attrister en voyant quelle utilisation le Front de gauche fait aujourd'hui d’un passé qui ne lui appartient pas.

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