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Pourquoi l’affaire Benalla a le potentiel d’une vraie affaire d’Etat
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Feuilleton de l'été

L’Elysée est frappé de tétanie et compte sur la lassitude et les vacances pour s'en sortir. Mais, puisque le tour de France ne passionne plus les foules et que le Mondial est fini, l'affaire Benalla aura du mal à s’apaiser.

Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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Plus encore que le soutien de l’oligarchie administrative et des patrons du CAC 40, qui ont financé son émergence médiatique, Emmanuel Macron bénéficiait d’être le « dernier espoir » des classes moyennes supérieures, éduquées et insérées dans des carrières stables, qui forment l’armature de la bourgeoisie française.

Peut-être tenaient-elles enfin le « Joker » qui allait gérer en douceur l’énorme dette française dont Bruxelles et Francfort fixent les conditions de remboursement ? Peut-être parviendrait-on, grâce à Macron, à réinsérer dans la communauté nationale les millions de musulmans qui s’en éloignent peu à peu, plus enclins aux effets intégrateurs du mode de vie coranique qu’aux règles parfois anxiogènes de la société ouverte, capitaliste et libérale ? Peut-être allait-on remettre la CGT et les beuglards de la fonction publique syndicalisée à leur juste place ? Peut-être la fermeté jupitérienne allait-elle redonner dignité à la fonction présidentielle et autorité à l’Etat régalien ? Le tout sous les regards attendris des magazines « people » et de la presse internationale redécouvrant la France comme marque glamour.

Les observateurs les plus affutés ont vite compris qu’il ne s’agissait que d’une vaste entourloupe médiatique. Quelques réformettes du droit du travail ou du statut de la SNCF ne suffisent pas, après un an, à qualifier une véritable entreprise refondatrice. La « bande des quatre » qui affaiblissent la République : grands corps de l’Etat, bureaucratie européenne, intégristes communautaires et donneurs d’ordres médiatiques, prospèrent comme jamais car il n’a nullement été dans le projet de Macron de les affronter, bien au contraire.

La pratique macronienne du pouvoir apparaît donc de plus en plus comme ce qu’elle est : une aventure personnelle qui, coup de chance pour lui, a rencontré et servi les intérêts bien compris de quelques camarillas.

Mais le poisson, c’est bien connu, pourrit par la tête. Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument. C’est donc dans l’entourage le plus proche du chef de l’Etat que cette ivresse, que ce narcissisme infantile projeté à tout un entourage, que cet effet de « tour d’ivoire » se font le plus cruellement et le plus vite sentir.

Comme certains rejetons de la bourgeoisie sont fascinés par le monde des loubards et de la castagne, Macron est parti s’enivrer au contact de quelques petites frappes jouant les gros bras. Et c’est ainsi, par un phénomène aussi désolant que banal, que des individus à la psyché hasardeuse se retrouvent à graviter autour du soleil, comme des astéroïdes lugubres mais inflammables.

L’histoire ne se répète pas si ce n’est en se caricaturant et Benalla n’est certes pas un nouveau Vidocq mais une sorte de videur installé sur le paillasson de l’Elysée.

Le sentiment d’impunité a ceci de dangereux qu’il ne permet pas de développer une culture de la riposte quand les affaires prennent mauvaise tournure. L’Elysée est frappé de tétanie et compte sur la lassitude et les vacances pour s’en sortir. Mais, puisque le tour de France ne passionne plus les foules et que le Mondial est fini, le cirque médiatique a besoin d’un nouvel agenda.

Il lèche, il lâche, il lynche : Benalla est en train de lui fournir par son nom les deux derniers « l » de la séquence.

Il est clair et quasiment établi par les témoignages des caciques de l’Elysée que Macron a couvert son factotum quand le récit de sa petite équipée flico-sadique a été porté à sa connaissance. Comment du reste pourrait-il en être autrement ? Un très proche collaborateur dans une pareille embrouille : le chef est immédiatement informé dans n’importe quel milieu professionnel. Et la sanction infligée n’était que poudre aux yeux.

Désormais, de deux choses l’une. Soit le fil Benalla est tiré, montrant la bobine d’un président sous l’influence d’un comité de barbouzes hors-sol qui le servent et s’en servent pour tout et pour rien. Déjà Tout Paris bruit de rumeurs ambiguës sur le garde trop proche du corps. Ce sera alors pour Macron au mieux le pourrissement et au pire un climat propice à quelques émeutes dans un discrédit complet.

Soit Macron, comme naguère Chirac, trouve sa Christine Albanel, un conseiller presse qui lui cisèle une formule qui claque, l’abracadabrantesque ou le pschiit de l’affaire Méry,  qui met les rieurs de son côté et détourne l’attention des gazettes.

Alors, fort de son immunité présidentielle, les choses progressivement se calmeront et la servilité retrouvera son cours. Il ne faut pas oublier que le fol espoir de voir Macron traiter en douceur le mal français continue d’habiter ceux qui l’ont soutenu et qui ont voté pour lui. Macron ou le chaos, pensaient-ils. Macron c’est le chaos est un rapprochement qu’ils ne sont pas encore en état mental d’accepter. Tel est bien l’ultime et plus solide bouclier de ce président de fin de cycle.

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