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Pourquoi  Facebook en sait beaucoup plus sur vous que ce qu’il consent à vous révéler dans ses conditions générales d’utilisation
©Reuters

Facebook is watching you

Le réseau social Facebook collecte un nombre conséquent de données sur ses utilisateurs, le portrait qu'il fait de nous est assez précis. En effet, Facebook sait beaucoup plus de choses sur nous que ce que nous pouvons imaginer. L'utilité ainsi que l'utilisation de cette data par le réseau social reste cependant relativement obscure. Voici ce qu'ils en font vraiment.

Jean-Paul Pinte

Jean-Paul Pinte

Jean-Paul Pinte est docteur en information scientifique et technique. Maître de conférences à l'Université Catholique de Lille et expert  en cybercriminalité, il intervient en tant qu'expert au Collège Européen de la Police (CEPOL) et dans de nombreux colloques en France et à l'International.

Titulaire d'un DEA en Veille et Intelligence Compétitive, il enseigne la veille stratégique dans plusieurs Masters depuis 2003 et est spécialiste de l'Intelligence économique.

Certifié par l'Edhec et l'Inhesj  en management des risques criminels et terroristes des entreprises en 2010, il a écrit de nombreux articles et ouvrages dans ces domaines.

Il est enfin l'auteur du blog Cybercriminalite.blog créé en 2005, Lieutenant colonel de la réserve citoyenne de la Gendarmerie Nationale et réserviste citoyen de l'Education Nationale.

Voir la bio »

Atlantico : Il est de notoriété publique que Facebook collecte les données personnelles de ses utilisateurs dans le but de proposer un ciblage publicitaire plus performant à ses annonceurs. Avec quel niveau de finesse le réseau social peut-il reconstituer, à partir de ces données, le portrait d'un utilisateur donné ? Orientation sexuelle, politique religieuse... Tous les traits de personnalité sont-ils de nature à l'intéresser ?

Jean-Paul Pinte : Quand vous êtes connectés, Facebook récupère les données suivantes :

  • Nom et prénoms
  • Adresse mail
  • Liste des contacts
  • Préférences de l’utilisateur à partir de ses activités " Like »
  • Adresse IP
  • Résolution de l’écran
  • Système d’exploitation
  • Version de navigateur
  • Pour chaque site utilisant le plugin Facebook : la date, l’heure et l’url de la page visitée
  • Et quand vous n’êtes pas connecté Facebook ne se prive pas de collecter d’autres données, à travers un cookie " navigateur » identifié à travers un seul code alphanumérique comme :
  • Adresse IP
  • Résolution de l’écran
  • Système d’exploitation
  • Version de navigateur

Pour chaque site utilisant le plugin Facebook : la date, l’heure et l’url de la page visitée.

Ceci vous en dit long sur ce que peut savoir Facebook à votre insu. De même, si vous aimez ou likez sur Facebook c’est pour la vie car rien n’effacera sur les fichiers officiels de ce réseau le fait de ne plus aimer tel ou tel type d’information ou encore d’aimer une photo sur un mur.  A vos yeux tout ceci est transparent. Il faut dire que très peu s’intéressent aujourd’hui au véritable envers du décor de ce réseau social qui, en quelques années, a généré une masse relationnelle dont souvent beaucoup oublient quelques années plus tard la profondeur.

Aujourd’hui, grâce à ces algorithmes il est possible de reconstituer l’ADN numérique d’une personne et d’en prédire au niveau marketing et dans bien d’autres domaines encore comme la santé un profil type utile à toute marque ou tout organisme de notre société. Il en va aussi de notre identité et de notre réputation si nous n’y prenons garde.

Pour vos photos déposées sur ce réseau social il en va de même, rien n’est perdu à ce niveau. Une photo peut parler et en dire beaucoup sur vous, vos goûts, vos hobbies ou encore votre situation familiale. C’est ce qu’un développeur américain a voulu montrer "la quantité d’informations qui sont désormais systématiquement extraites des photographies" par Facebook, depuis que le réseau social associe des labels à chaque cliché publié afin de décrire aux aveugles leur contenu.

Ainsi, depuis avril 2016, le réseau social associe par exemple à chaque photo de ses utilisateurs anglophones des labels qui décrivent ce que l’on y voit. Cette fonctionnalité, rendue possible par les recherches de Facebook sur la vision par ordinateur et l’intelligence artificielle, permet à l’application de proposer une description audio de chaque photo aux aveugles.

Le fait que ce réseau permet aussi l’interconnexion  avec d’autres réseaux de type Twitter provoque la fuite de données qui échappe aux utilisateurs.

Pour les curieux, vos photos, vidéos, messages, mentions, événements auxquels vous avez participés, appareils utilisés… tout est regroupé dans une "archive" à télécharger depuis les paramètres de votre compte (voir le tutoriel vidéo). Une fois téléchargée sur votre ordinateur, il suffit de fouiller...  Vous y trouverez l’essentiel. De même Facebook classe certains de vos messages en indésirables. Pour les retrouver voici une astuce pour accéder aux messages cachés de Facebook.

Par ailleurs, plusieurs médias et institutions indépendantes (voir ici) observent le fait que Facebook ne se contente pas de collecter les données à partir des comportements sur son réseau social, il les achèterait également auprès de "data brokers". Qui sont-ils concrètement, et auprès de quelles autres entités se procurent-ils ces données ?

Les voyageurs qui se rendent aux Etats-Unis sont désormais invités à déclarer leurs comptes sur les réseaux sociaux. Derrière cette nouvelle forme de surveillance se cache sûrement une nouvelle volonté d’accroître l’obtention puis le recoupement de données stratégiques d’internautes.  Dans un autre genre, Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube – filiale de Google/Alphabet – ont annoncé lundi 5 décembre un partenariat à l’échelle mondiale visant à identifier plus rapidement les " contenus à caractère terroriste » sur leurs plates-formes, et ainsi freiner leur diffusion. Les quatre entreprises américaines ont ainsi prévu de créer une base de données commune comprenant les " empreintes digitales » numériques de photos ou vidéos de propagande et de recrutement retirées de leurs plates-formes.

Vous vous souvenez probablement de la décision polémique de WhatsApp, prise il y a quelques semaines, de partager les données qu’il détient sur chacun de ses utilisateurs avec Facebook. Les pays du G29, à l’unanimité, ont demandé que la messagerie cesse immédiatement le partage d’informations avec le réseau social. Le groupe de Mark Zuckerberg voudrait ainsi construire une plateforme de marketing relationnel très puissante sur mobile, et certains experts de se demander alors ce que Facebook pourra faire de la data de Whatsapp…

Tous ces lieux où l’on se dit que l’on s’aime sont devenus de puissants aspirateurs puis calculateurs de données.

Facebook est également impliqué dans des activités, que de nombreux utilisateurs considèrent souvent comme une invasion de la vie privée. Il connu que Facebook utilise les informations de votre profil pour afficher des annonces pertinentes, mais peu encore sont conscients du fait qu'il rassemble également beaucoup d'informations à partir de courtiers de données hors ligne. Le réseau social a en effet des contrats avec divers courtiers de données qui offrent des informations sur la vie en ligne des utilisateurs. Cet échange d'informations comprend les lieux où vous aimez dîner, combien d'argent vous dépensez et surtout le nombre de cartes de crédit que vous détenez.

Les données concernant votre vie hors connexion sont aussi utilisées par Facebook pour peaufiner davantage son placement stratégique d'annonces en ligne. Mais l'inconvénient est que les utilisateurs sont totalement gardés dans l'obscurité sur ce détournement de la vie hors connexion des utilisateurs comme je le précisais au début.

Facebook achète aussi mots de passe volés sur le marché noir pour protéger votre compte.

Lors de l’étude de la plate-forme publicitaire de Facebook pour analyser lequel des paramètres identifiés attire les acheteurs d'annonces pour cibler une annonce on a retiré environ 600 catégories qui apparemment été fournis par un tiers. La majorité des catégories identifiées étaient liées aux attributs financiers des utilisateurs et aucune d'elles n'a été incluse dans la liste crowdsourcing des utilisateurs. Les annonceurs sont également attirés vers Facebook parce qu'il permet aux spécialistes du marketing de déterminer étroitement le profil de l'utilisateur en fonction d'une variété de paramètres tels que les intérêts partagés, l'âge, les tendances politiques et le type d'appareil mobile utilisé.

Ce qui est le plus inquiétant à propos de cette recherche, c'est que Facebook prétend généralement être une plate-forme transparente où la vie privée des utilisateurs vient en premier et les gens peuvent l'utiliser sans aucune appréhension.

Je vous invite à faire un petit tour dans les préférences de Facebook et vous serez surpris !

Pour en savoir plus sur les Data Brokers de Facebook c’est ici.

D'un point de vue éthique, Facebook ne devrait-il pas mettre à disposition de ses utilisateurs les informations qu'il détient sur eux ? Les législations sur le respect de la vie privée verrouillent-elles suffisamment le problème selon vous ?

Si vous vous y intéressez vraiment, Facebook met à votre disposition un ensemble d’informations concernant votre compte qui, avec un peu de curiosité, vous permettrait d’en savoir un peu plus sur votre présence sur Facebook et son rayonnement. L’exemple d’Algopol en est une des preuves. Algopol (voir ci-dessous) est une application qui vous permet de visualiser votre réseau d’amis sur Facebook sous la forme d’une carte interactive et d’explorer ce réseau en fonction de l’histoire de votre compte Facebook ou des différents groupes d’amis qui vous entourent. Cette application a été  réalisée dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’agence nationale de la recherche, sur la " politique des algorithmes » (http://app.algopol.fr/info - ANR-12-CORD-018).

Les cookies continuent à agir lorsque l'utilisateur est déconnecté. Ainsi, le réseau social peut collecter les données de navigation des internautes, savoir sur quels sites ils se sont rendus et proposer de la publicité ciblée. Les "plugins sociaux", c'est-à-dire les boutons "like" ou "partager" qui sont sur de nombreux sites, permettraient notamment de faire remonter ces informations à Facebook.

Plus gênant encore, le rapport révèle que même si un individu n'a jamais été inscrit sur le réseau social, il peut également être concerné. Car il suffit de consulter une des pages du site accessible à tous, comme celle d'un chanteur célèbre après une recherche par exemple, pour que le réseau social "greffe" ses cookies.

La législation en place est loin de répondre à toutes les attentes des utilisateurs en quête de sécurité de leurs données mais je vous invite à faire un tour  via ce site Internet qui vous donnera quelques clés utiles pour la protection de votre vie privée.

Facebook travaille sur un nouveau programme intitulé Building 8. Le réseau social n'a pas livré beaucoup d'informations si ce n'est que ce projet sur deux ans visera à mettre en place un outil qui devrait être capable de lire nos pensées, analyser nos réactions face aux images qui défileront lorsque nous serons sur Facebook dans un premier temps. En quoi va consister cet outil ? Facebook sera-t-il en mesure de lire nos pensées dans le futur ? 

Facebook a toujours axé son développement sur la construction de nouveaux produits pour faire progresser sa mission de connecteur du monde. Ces développements réunissent aujourd’hui des experts de calibre mondial autour de la réalité augmentée et virtuelle comme pour l’intelligence artificielle et tout autre moyen intelligent de connectivité.

Parmi ces projets innovants figure celui du nouveau laboratoire de Regina Dugan  "Building 8". Auparavant, Regina Dugan travaillait chez Google et au sein d'une agence scientifique de l'armée américaine et avait été embauchée dans ce cadre en tant que chef de projet DARPA. L’intéressée officiait aussi auparavant au sein de l’équipe en charge des projets avancés (ATAP – Advanced Technology And Projects) pour le compte de la firme de Mountain View. Elle en était la vice-présidente et devait, par conséquent, chapeauter des programmes plus ou moins futuristes comme ARA (smartphone modulaire), TANGO (modélisation de l’environnement) ou JACQUARD (textiles intelligents).

Mark Zuckerberg a mis en évidence les grandes lignes de son avenir parfait pour Facebook. Un avenir qui inclut juste de faire rayonner vos pensées dans votre entourage, vos amis et à la famille. Nous avons utilisé beaucoup le texte sur la toile et maintenant nous publions beaucoup avec des photos. Dans le futur, la vidéo sera encore plus importante que les photos. Après cela, des expériences immersives comme VR deviendront la norme. Nous aurons vite le pouvoir de partager notre expérience sensorielle et émotionnelle complète avec les gens quand nous le voudrons.

Mark Zuckerberg pense et dit qu’un jour, nous serons capables d'envoyer des pensées pleines et riches les uns aux autres directement en utilisant la technologie. Vous pourrez simplement penser à quelque chose et vos amis seront immédiatement en mesure de partager l'expérience aussi si vous le souhaitez. Ce serait pour lui ce que l’on appelle la technologie de communication ultime.

Facebook n’en est pas à ses débuts sur la question et a déjà fait un travail conséquent de poser les bases, au moins aussi bien que la technologie moderne le permet. Les algorithmes de Facebook, bien que secrets et mystérieux, peuvent déjà faire un bon travail de filtrage de pépites d'information pour vous, essentiellement apprendre à lire vos pensées en ce qui concerne ce que vous voulez. Oculus appartenant à Facebook sera sans aucun doute celui qui aidera les gens à partager non seulement des images, des mots, des vidéos et des sons, mais aussi des espaces réels que vous pourrez explorer tout en interagissant avec. On se rapprochera ainsi très vite des pensées et des souvenirs des gens.

Facebook connaît déjà beaucoup de choses à partir de votre saisie, et peut prédire vos préférences recueillies par les cookies mais  s'il était possible d'envoyer une pensée entière à quelqu'un que vous aimez dans 10 ans à partir de maintenant, ce serait un exploit impressionnant et extrêmement puissant outil de communication. 

On imagine déjà les applications possibles dans notre société comme dans les domaines de la santé.pour la psychologie par exemple, les métiers de la prédiction qu'ils soient économiques ou sociétaux voire encore les rencontres de personnes (agences matrimoniales)

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