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Portugal : victime de l'Europe ?
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Crise économique

Le gouvernement portugais a présenté sa démission mercredi 23 mars. Un événement de taille qui illustre les difficultés économiques que rencontre l'Union européenne.

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Sur le plan économique, le Portugal a réalisé des progrès considérables depuis la Révolution des œillets de 1974 : rattrapage de la productivité et convergence vers la frontière optimale des meilleurs pays de la zone euro actuelle, virage à 90° vers l’industrie des services et pays leader mondial dans l’utilisation des énergies éoliennes par habitant…

De l’Europe, le Portugal attendait de pouvoir bénéficier d’une intégration économique et monétaire dans un grand espace ouvert et interdépendant. Cet espace devait non pas créer des difficultés supplémentaires mais au contraire contribuer à la réalisation d’un plan ambitieux pour tous : l’industrie européenne.

Bien sûr, au Portugal, comme ailleurs, les politiques budgétaires ont été mal conduites, peu préventives et renforcées par des politiques financières, banque et finance, assez peu efficientes. Mais en réalité le cas du Portugal devient symptomatique des difficultés que connait l’Europe dans la gestion des crises conjoncturelles qui la dépassent totalement et dans la création de richesses nouvelles équitablement réparties. La zone Euro n'a finalement créé qu'une Europe à deux vitesses.

Dans ce cadre, bien évidemment qu’un pays fondamentalement plus vulnérable subit de plein fouet, et le premier, une crise internationale fondée sur des déséquilibres. Aux Etats-Unis, personne n’évoque la question de son endettement ! Pourquoi ? Parce-que les Etats-Unis parviennent à créer de la croissance. En Europe, on parle de l’endettement excessif d’un pays mais on oublie que le grand espace tant prometteur n’a pas joué son rôle dans la stimulation d’une croissance équilibrée.  

Comment le Portugal en est arrivé là

La récente crise du subprime a fortement fragilisé son principal partenaire commercial, l’Espagne. Son secteur bancaire avait été frappé de plein fouet par celle-ci. L’Allemagne quant à elle, a vu ses taux obligataires à 10 ans baisser grâce à un plan drastique d’injection de liquidité dans son système bancaire pour le sauver. L’écart entre les taux allemands et portugais a dès lors augmenté.

Dans un premier temps, les investisseurs interprètent la hausse de cet écart comme une hausse du risque du Portugal alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un moindre risque de l’Allemagne. Le bouc émissaire des maux de l’inefficience européenne est parfait. D’autant plus parfait que l'excédent commercial allemand et la fermeture de son marché ont aussi en partie grevé le solde commercial portugais, le rendant ensuite dépendant du financement externe pour ses importations ! Voilà en partie pourquoi les banques privées portugaises se sont retrouvées endettées sur le plan externe en alimentant ainsi la dette publique portugaise incapable de trouver de l’épargne dans son propre système bancaire.

La démission du gouvernement ne va pas arranger les choses. Le Portugal se trouve maintenant dans une situation bien compliquée à très court terme : en effet, se mêlent maintenant des aspects politiques et psychologiques qui poussent les taux d’intérêt à la hausse. Le probable futur Premier Ministre Pedro Passo Coelho leader du PSD devrait normalement accepter une collaboration avec le FMI et l’UE.

Ainsi, le cas du Portugal pose un certain nombre de questions : celui de la prévision économique d’abord : autant que la crise financière, la crise de la dette des Etats européens n'a pas été anticipée alors qu’elle était plus facile à prévoir par l'analyse du respect du Pacte de Stabilité et de Croissance. Ici, nous avions des alertes.

Maintenant doit-on aller jusqu’à sortir de l’euro ?

Pour le Portugal, une dévaluation sur la base d'une dette externe exprimée en euros n’amènerait rien de positif.  La théorie prédit que la politique budgétaire et fiscale est très efficace en taux de change fixe et en quasi parfaite mobilité des capitaux (contrairement à la politique monétaire). Ici au contraire elle a souffert de l’absence de prévention et de qualitatif.

Enfin, le point le plus important : la politique financière bien régulée et préventive dont on sait scientifiquement qu’elle contribue à hauteur de 30 à 50% à la croissance économique sous la forme d’un lien causal a été totalement négligée.

Les banques portugaises par exemple ont assez peu intégré le rôle important qu’elles jouaient dans une économie à taille réduite (la Suisse, le Luxembourg et la Belgique n’ont pas fait cette erreur, ni même les Pays-Bas et le Danemark) ! Il nous semble que le cas du Portugal illustre avec acuité les résultats des promesses politiques non tenues d’une grande Europe, d’une croissance déséquilibrée dans un espace unique intégré, de l’omission séculaire de la banque-finance dans les politiques publiques, surtout la question du trading sur dette publique, à coté de la politique budgétaire et monétaire, du non respect des principes de la collaboration (dilemme du prisonnier) et d’une certaine façon aussi, de la logique sacrificielle à laquelle s’adonne aujourd’hui l’Occident.

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