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Politique monétaire : ce que François Hollande ferait bien de dire ENFIN à Mario Draghi pour construire une Europe "forte et prospère"
©REUTERS/Philippe Wojazer

On peut toujours rêver

Imaginons un autre univers. Perdu pour perdu, Hollande pourrait (qui sait) faire un geste dans le bon sens, pour une fois dans sa vie, et peut-être éviter le ridicule en 2017 par la même occasion.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Le CDD de François Hollande s’achève dans un an, sans que ses qualifications ne se soient beaucoup améliorées. Le précédent stagiaire, Nicolas Sarkozy, avait eu sa planche savonnée par la déflation organisée par Jean-Claude Trichet, et il n’est même pas certain qu’il ait vraiment pris conscience du vrai responsable de sa fin de contrat. La déflation a continué sous Mario Draghi, et il est fort peu probable que Hollande puisse faire analytiquement le lien entre la politique monétaire et ses échecs sur le front de la croissance et de l’emploi : n’est-ce pas lui qui insistait sur le rôle des taux "bas", sur l'"alignement des astres" et autres bouffonneries ? Comment un pouvoir composé d’énarques sexagénaires victimes de l’illusion monétaire la plus crasse pourrait-il s’apercevoir de quoi que ce soit, du QE trop timide et trop tardif à la dangerosité du désencrage des anticipations, de la cherté de l’euro depuis le début de la crise au caractère parfois surréaliste et souvent consanguin de la supervision des banques par la BCE? Un pouvoir qui se dit de gauche et qui n’a pas eu un mot et un geste en quatre ans pour un nouveau management monétaire, pour une nouvelle cible d’inflation, pour plus de transparence, pour une annulation partielle des dettes les plus improductives et les plus odieuses, ou pour un QE vers le peuple... 

Mais bon. Imaginons un autre univers. Perdu pour perdu, Hollande pourrait (qui sait) faire un geste dans le bon sens, pour une fois dans sa vie, et peut-être éviter le ridicule en 2017 par la même occasion. Imaginons ce qu’il pourrait dire à son chef Mario Draghi, dans un sursaut inouï de lucidité et de courage :

"Cher Mario, cher boss,

 Avant de revenir tâter le cul des vaches en Corrèze, je voudrais vous dire que vous n’avez pas été très gentil avec moi et avec mon pays. Certes, vous ne m’avez pas mis à la porte comme un vulgaire Papandreou ou un méchant Berlusconi, mais après avoir été une carpette pendant des années vis-à-vis de Francfort j’espérais un meilleur traitement. Et surtout j’ai l’impression que vous m’avez dissimulé quelques petites choses ; comme si je n’étais capable que de réaliser des synthèses entre diverses tendances du PS. Après être tombé par hasard à la fin de mon mandat sur des articles d’Atlantico que mes conseillers m’avaient savamment caché, j’ai compris qu’un taux peut-être trop haut même à 0% (la « japonisation"), qu’un QE de 1000 milliards d’euros n’est pas grand-chose quand les banques commerciales réduisent leur bilan de 2000 milliards, et puis j’ai relu le Traité (vous savez, ce vieux truc à l’unanimité des 51%), j’ai aussi passé quelques heures sur le blog de Scott Sumner entre deux croissants beurre, et enfin j’ai poussé l’audace jusqu’à répudier pour quelques jours nos plus grands penseurs de la chose monétaire, Attali & Artus, pour découvrir les écrits d’un jeune outsider (Milton Friedman) ; d’ailleurs je me rend compte désormais que la réintroduction forcée des taux de changes fixes entre des pays foncièrement différents n’était peut-être pas une idée géniale et en direction des plus faibles (qui réalise concrètement pendant des années l’ajustement que l’on ne peux plus faire en quelques minutes ?), et puis j’ai réalisé au passage que confier les pouvoirs monétaires à des gens à la fois très indépendants et fort peu experts des questions monétaires n’était peut-être pas le design institutionnel le plus efficient et le plus social. Bref je suis un homme nouveau, et plus du tout normal : j’ai ouvert les yeux. Alors je vous demande, j’exige en fait, non mais, un QE plus agressif, une forward guidance (comme on dit à Tulle) enfin franche et affirmée, bref un engagement immédiat vers la parité avec le dollar (au minimum). Si vous préférez continuer le « dialogue" avec la Bundesbank et avec Berlin, vous allez voir que j’ai changé : politique de la chaise vide, révélation au grand jour de vos petites magouilles (l’absence de votes au sein de votre comité de politique monétaire, par exemple, ou le traitement de faveur réservé aux banques régionales allemandes), et manipulations médiatiques s’il le faut (un peu ce que nous faisons en ce moment au sujet du traité transatlantique, en agitant les poulets au chlore). Ah bien sûr c’est un peu téléphoné, à 12 mois de la présidentielle, sur un terrain que j’ai laissé pendant des années à Mélenchon et à Le Pen, mais j’ai fais bien pire par le passé et j’ai des milliers de bouches socialistes à nourrir. Schroeder n’avait pas été réélu sur un bon bilan ou en promettant des réformes, mais en attisant l’anti-américanisme, moi-même je dois beaucoup au coup peu glorieux des 75% de taxation marginale sup, je peux être réélu grâce à une reprise de dernière minutes (les français n’ont pas de mémoire m’avait confié mon ancien mentor qui était aussi le père de cette monnaie que vous faites semblant de gérer), donc donnez moi cette reprise ou je fais un malheur, faites avec la France dans les mois qui viennent comme avec l’Espagne entre 2012 et 2015, manipulez les données et les marchés, sinon je pique une crise, des millions de gens savent que je peux être très pénible. Amitiés, signé François."

Hum. Il paraît que dans un univers moins parallèle, la conversation en format SMS donnerait plutôt ceci :

"Mario, ici François. Oui, François de Paris. Merci pour tout, tous ces efforts pour la stabilité monétaire, bravo. Nous sentons que la reprise est là en France, et que la courbe du chômage va s’inverser. Michel Sapin me confirme que c’est pour bientôt. Merci encore, et à bientôt, cordialement."

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