Policiers atteints de la tuberculose en banlieue : ces vieilles maladies qui regagnent du terrain dans les zones défavorisées<!-- --> | Atlantico.fr
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Deux policiers ont contracté la tuberculose à Asnières-sur-Seine.
Deux policiers ont contracté la tuberculose à Asnières-sur-Seine.
©Pixabay

Mal-lèpre

Deux policiers ont contracté la tuberculose à Asnières-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, à trois mois d'intervalle. Les conditions de vie de certains quartiers étant de plus en plus précaires, des maladies que l'on pensait éradiquées du sol français se redéveloppent, principalement à cause du manque d'hygiène des habitants.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Deux policiers ont contracté la tuberculose à Asnières-sur-Seine, pourquoi cela devient-il difficile de travailler dans ces zones. Ces territoires sont-ils devenus dangereux ? 

Stéphane Gayet :D'une façon schématique, les villes conjuguant une forte densité de population et un faible revenu fiscal médian par ménage sont des communes où il faut s'attendre à trouver plus souvent qu'ailleurs des personnes ayant des conditions de vie de médiocre qualité. On peut ainsi essayer de comparer plusieurs villes des Hauts-de-Seine ayant une population comprise entre 60.000 et 90.000 habitants, en calculant un indice obtenu en divisant la densité de population (habitants par km2) par le revenu fiscal médian par ménage (euros) et en multipliant le tout par 100. On obtient ainsi les indices suivants : Rueil-Malmaison 12,1, Nanterre 12,9, Antony 14,8, Le Plessis-Robinson 21,0, Colombes 34,6, La Garenne-Colombes 39,1, Asnières-sur-Seine 51,3, Courbevoie 51,6, Clichy 70,5 et Montrouge 82,2.

C'est très schématique, mais cet indice très simple a le mérite de donner un aperçu grossier du risque de trouver des personnes vivant en promiscuité et en précarité, qui sont des facteurs favorisants pour le développement d'une tuberculose active. On s'attend à trouver, dans les villes à fort indice, des quartiers défavorisés où la probabilité de rencontrer des personnes atteintes de tuberculose active est plus grande qu'ailleurs. Cela s'inscrit dans tout un contexte sanitaire à risque augmenté de dénutrition, d'alcoolisme, de tabagisme, de toxicomanie, de sida, de tuberculose maladie, sans oublier la gale et la pédiculose (poux). On y voit en effet de tels états pathologiques avec une fréquence plus élevée qu'ailleurs, et il est certain que des policiers en contact étroit et répété avec ce type de population sont très exposés. De la même façon, les conditions d'exercice des médecins généralistes, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, aides-soignantes, auxiliaires de vie, etc., sont difficiles et non sans risques. L'hygiène ou plutôt l'hygiène microbienne est une branche de la médecine dont l'objet est la prévention des maladies infectieuses : elle comporte de nombreux volets, parmi lesquels la vaccination, une alimentation saine, diversifiée et suffisante, les mesures d'asepsie dans les gestes de la vie courante pour éviter la transmission interhumaine des microorganismes, etc. Les règles d'hygiène sont en général très mal suivies quand les conditions de vie sont précaires, et cela se comprend facilement ; il s'en suit une probabilité élevée de contracter diverses maladies.

Comment expliquez-vous que cette maladie sévisse encore ?

La tuberculose est une maladie infectieuse contagieuse, à déclaration obligatoire, due à une bactérie appartenant au genre Mycobacterium (mycobactérie). Les bactéries qui appartiennent à ce genre sont très petites, ont une croissance lenteet intracellulaire et elles exigent de l'oxygène. L'espèce tuberculosis (Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch, BK) est le plus souvent en cause, les espèces bovis et africanum beaucoup plus rarement. Cette maladie doit son nom aux nodules (sortes de petits tubercules dont le centre se nécrose et se ramollit) qui se développent chez le sujet atteint par cette maladie.Les poumons sont les organes préférentiellement touchés(oxygène), mais la tuberculose peut atteindre également les os, les articulations, le tissu nerveux, le foie, l'appareil génital, etc. Cette maladie évolue de façon épidémique : les bacilles tuberculeux (minuscules bâtonnets de diamètre inférieur à 0,5 micron ou millième de millimètre) peuvent être transmis d'un individu à l'autre par voie aérienne, lors de la toux. A peine 10 %des sujets contaminés développent la tuberculose maladie : le risque est augmenté en cas de précarité socio-économique et d’immunodépression, notamment liée au virus du sida.

La tuberculose est l'une des premières causes de mortalité par maladie infectieuse dans le monde (à côté du sida et du paludisme) et touche surtout les populations aux conditions de vie très difficiles, en particulierdans les pays en développement (notamment l'Afrique subsaharienne). Elle est toujours bien présente en France,en dépit de sa très importante régression depuis plusieurs décennies (grâce aux antibiotiques et à l'hygiène) et son incidence hexagonale reste inférieure à 10 nouveaux cas pour 100.000 habitantset par an (mais elle augmente en cas d'infection par le VIH). Le bacille tuberculeux, comme beaucoup de bactéries, devient résistant aux antibiotiques, et parfois multi-résistant (cette résistance est plus élevée en Afrique et en Asie). Le vaccin BCG est une protection de modeste efficacité et qui porte d'avantage sur les atteintes non pulmonaires ; son rôle dans la régression de la maladie a sans doute été faible et son intérêt réel est aujourd'hui discuté. Ainsi, la tuberculose reste pleinement d'actualité en France, et la prise en charge épidémiologique (et thérapeutique en cas de résistance aux antibiotiques) des nouveaux cas est complexe, en raisonde son caractère insidieux (période d'incubation de un à trois mois, début souvent discret sur le plan des signes et symptômes présentés) et de son fort potentiel de dissémination par la toux.

Quelles sont les populations les plus à risques ? 

Les sujets fragiles, très jeunes ou très âgés, les personnes dénutries, immunodéprimées ou vivant dans la précarité, la promiscuité, sont d'une façon générale les individus à risque de tuberculose. Mais on a plus précisément identifié les situations favorisantes qui suivent : infection à VIH, surtout au stade dusida maladie, greffe d’organe solide avec traitement immunosuppresseur, traitement par anti-TNF-alpha (voir plus loin), traitement par corticostéroïdes(corticoïdes dérivés de la cortisone) avec plus de 10 mg d’équivalent prednisone par jour et pendant au moins trois semaines, hémopathie maligne (leucémie, lymphome), cancer de la tête, du cou ou du poumon, gastrectomie, anastomose (court-circuit fait chirurgicalement) entre le jéjunum et l'iléon, silicose, insuffisance rénale chronique, hémodialyse, diabète sucré, tabagisme, consommation excessive d’alcool, déficit pondéral (maigreur) et enfin âge inférieur à 5 ans.

Par ailleurs, les migrants en provenance des continents africain et asiatique sont à risque, pour plusieurs raisons, notamment la fréquence de la tuberculose dans leur pays et leurs conditions de vie souvent très défavorables. Le TNF-alpha est le "tumour necrosis factor" alpha (facteur de destructiondes tumeurs) ; il est présent à l'état normal dans notre organisme et contribue à lutter contre les cancers (c'est un élément de notre système immunitaire). Au cours de certaines maladies inflammatoires, dites dysimmunitaires, comme la spondylarthrite ankylosante, l'activité du TNF-alpha est beaucoup trop élevée. Or, on a réussi à fabriquer des anti-TNF alpha, substances qui s'opposent à son action inflammatoire et qui constituentde ce fait un traitement efficace, prescrit dans certaines formes.

D'autres maladies peuvent-elles proliférer dans ces zones où les conditions sanitaires sont mauvaises ?

Certaines maladies infectieuses épidémiques ont disparu du sol français. Elles ont sévi au cours de siècles précédents et ont marqué l'histoire des épidémies meurtrières. C'est le cas de la peste, du choléra, de la variole, du typhus exanthématique, de la poliomyélite antérieure aiguë et de la syphilis, mais cette liste ne saurait être exhaustive. Ces maladies étaient en partie liées aux conditions d'hygiène qui étaient alors vraiment mauvaises. La fièvre typhoïde et la grippe sont également favorisées par une mauvaise hygiène (mais attention à ne pas assimiler de façon simpliste l'hygiène à la propreté, car ce n'est pas le cas).

Aujourd'hui, lorsque les conditions sanitaires et l'hygiène, tant individuelle que collective, sont mauvaises, le risque de survenue de certaines maladies infectieuses contagieuses augmente et cela est aujourd'hui assez bien connu. Il faut citer la gale, la pédiculose (les poux), l'infestation par les puces, les maladies sexuellement transmissibles ou MST(la syphilis, les infections à gonocoque, chlamydia, herpès), les streptococcies cutanées (impétigo, érysipèle) ou pharyngées (angine), les staphylococcies cutanées (furonculose, anthrax staphylococcique), les infestations par les punaises de lit, et d'autres encore.

A la différence des grandes épidémies historiques citées plus haut, ces infections contagieuses de la peau et des muqueuses n'ont pas une grande gravité, mais elles constituent néanmoins un sérieux problème de santé publique. Elles ont une fâcheuse tendance à la récidive, mettant dans l'embarras les médecins et les autres soignants.

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