PLF 2023 : ou la preuve que le gouvernement navigue à vue en matière budgétaire <!-- --> | Atlantico.fr
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Olivier Dussopt, Bruno Le Maire et Gabriel Attal à l'issue du Conseil des ministres.
Olivier Dussopt, Bruno Le Maire et Gabriel Attal à l'issue du Conseil des ministres.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Dérapage à l'horizon

Le dérapage du déficit budgétaire l'an prochain risque d'être bien plus élevé que ne le prévoit le gouvernement.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Emmanuel Macron a récemment évoqué la « fin de l’abondance » : « Ce que nous sommes en train de vivre est de l’ordre d’une grande bascule ou d’un grand bouleversement ».

Il y a de quoi éprouver un sentiment de scandale face à une telle annonce. Qui vit de nos jours dans l’abondance, dans l’insouciance, dans l’évidence, à part les classes sociales les plus fortunées, de plus en plus riches, et de moins en moins nombreuses du fait de la disparition progressive des classes moyennes ? Confronté à un été catastrophique sur le plan climatique, sur fond de guerre entre la Russie et l’Ukraine, avec en arrière-plan la crise du Covid qui menace toujours, le président de la République a appelé les Français à faire des efforts.

A notre domicile, préservé jusqu’à présent des turpitudes géopolitiques et économiques, il nous est recommandé aujourd’hui de chauffer sa salle de séjour à 19 degrés, d’utiliser nos appareils ménagers la nuit, d’enfiler des pulls, de préférence à col roulé. L’Etat s’invite même jusque dans notre chambre à coucher où la température doit être de 17 degrés. Une ingérence politique dans la sphère privée qui pourrait être perçue comme une perte de « souveraineté domestique ». Si la situation dans les stations-service est en passe de redevenir « normale », ce n’est qu’un problème de moins pour les ménages français qui doivent gérer les absences de certaines denrées alimentaires dans les rayons des grandes surfaces. Dire qu’il n’y a pas si longtemps, la question de l’accès, à tout moment de la journée, à toutes sortes de biens et services, ne posait pas.

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Aujourd’hui plus qu’hier, la consommation des ménages est devenue politique. Auparavant, elle était une validation de la réussite sociale. Avec la sobriété actuelle, les Français découvrent l’inconfort et le sentiment de régression par rapport au confort acquis au fil des générations. La crise des Gilets Jaunes en a été la première illustration. De plus en plus de ménages constatent leur perte d’autonomie financière en devant faire face à des « dépenses contraintes » dont ils ne maîtrisent pas le coût (alimentation, carburant, énergie) ou imposées par la norme sociale (téléphones portables…).

Afin de limiter la possible montée de la grogne sociale, l’Etat joue un rôle d’assureur. Car il faut bien saisir que nous ne vivons pas le retour d’un interventionnisme de l’Etat (keynésianisme). Le gouvernement est en train de fermer une parenthèse (« Quoi qu’il en coûte » visant à protéger les ménages et les entreprises) avant de continuer les réformes structurelles annoncées de l’assurance chômage et des retraites. Nous voici, revenus à la case départ !

Sans parler de la « dette Covid » que les Français devront payer. Depuis 2017, l’endettement public de la France s’est creusé pour atteindre 115% du Produit intérieur brut (PIB). Or, la guerre en Ukraine et le dopage des économies notamment, ont entraîné le plus important regain inflationniste depuis quarante ans, contraignant les banques centrales à remonter leurs taux. Chaque 1% de hausse des taux d’intérêt représente, à terme, un coût annuel supplémentaire de près de 40 Mds EUR, soit presque le budget actuel de la Défense. Il serait donc irresponsable d’engager notre avenir sur le pari, déjà dépassé, d’une dette à coût zéro ou très faible.

Si le gouvernement a bénéficié jusqu’à présent de recettes fiscales inattendues, notamment de TVA grâce à la hausse des prix, pour contenir le déficit budgétaire, qu’en sera-t-il en 2023 ? A ce jour, dans un contexte où l’inflation restera élevée, les projections concluent à un moindre dynamisme de la croissance en volume, donc moins de consommation. Les produits fiscaux s’en ressentiront. Plusieurs aides seront appelées à diminuer. Le bouclier tarifaire plafonnera la hausse de l’énergie à 15% contre 4% aujourd’hui, la « ristourne carburants » doit disparaitre au profit d’une aide ciblée sur les « gros rouleurs ».

Ainsi, il y a de grandes chances, à ce jour, qu’il y ait, l’an prochain, un dérapage du déficit budgétaire, plus élevé que ne le prévoit le gouvernement. Déjà, le Haut conseil des finances publiques souligne que sa prévision est marquée par une grande incertitude et semble un peu sous-estimée.

Emmanuel Macron a raison d’attirer notre attention sur la fin peut-être pas de l’abondance, mais sûrement de l’insouciance et des évidences. La question est moins de savoir quelle politique économique mène-t-il mais pour qui conduit-il celle-ci ? Serait-il alors véritablement le « président des riches » ? Alors que le plan de relance aurait dû être l’occasion de construire un monde plus juste et plus durable, il n’en est rien. En France, moins de 1% du plan de relance a été dédié à la lutte contre la pauvreté.

Dès lors, comment vivre dans une crise permanente ? Gardons à l’esprit que si le monde n’est que mises en doute, interrogations, soucis, pauvreté ou manques, ce n’est plus un « monde ». Il devient « immonde ».

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