Petite liste des entreprises aujourd'hui les plus stratégiques pour la France<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le symbole de l'entreprise Michelin.
Le symbole de l'entreprise Michelin.
©Reuters

Substantifique moelle

Alors qu'Alstom est au centre du débat ces dernières semaines, la France compte un certain nombre de grandes entreprises historiques comme Total, EDF, Michelin ou encore le groupe Dassault, hautement stratégiques et vitales pour l'avenir économique du pays.

Christian Harbulot

Christian Harbulot

Christian Harbulot est directeur de l’Ecole de Guerre Economique et directeur associé du cabinet Spin Partners. Son dernier ouvrage :Les fabricants d’intox, la guerre mondialisée des propagandes, est paru en mars 2016 chez Lemieux éditeur.

Il est l'auteur de "Sabordages : comment la puissance française se détruit" (Editions François Bourrin, 2014)

Voir la bio »

Atlantico : Tous les regards sont portés sur Alstom, qui pourrait se défaire de sa partie énergie. Le gouvernement prend la question très au sérieux car il s’agit d’un secteur hautement stratégique pour le pays. Au-delà de ce dossier, quelles sont les autres entreprises vitales pour l’économie française ?

Christian Harbulot : Avant de mentionner une quelconque entreprise, il convient de s’interroger sur ce qui est vital aujourd’hui pour le développement de la France et sa consolidation économique en termes d’infrastructures industrielles. A partir de là, trois axes de réflexion se posent :

- Est vital tout ce qui concerne le fonctionnement de ce pays, et ce que sa population cherche à obtenir en habitant sur ce territoire. Cela signifie que l’agroalimentaire, l’économie électrique, les télécommunications, les transports, l’approvisionnement énergétique sont et font partie du périmètre vital à la vie et au bien être du peuple français. Ce premier axe, tout politique devrait l’examiner à la loupe avant même de commencer une démarche de gouvernance. Un politique qui ne sait pas répondre à ces questions-là au moment de la campagne présidentielle ne devrait pas être président de la République. 

- La France, aujourd’hui, est dépendante d’un certain nombre de choses. Il faut se demander quelles sont les dépendances supportables, insupportables, et dangereuses. Par exemple, l’Allemagne fabrique les munitions de son armée, alors que la France, elle, a délaissé progressivement la fabrication d’une partie. S’agit-il d’une dépendance dangereuse…?
Et si je fais une distinction entre l’insupportable et le dangereux, c’est parce que, par exemple, il est impossible de dépendre d’un seul fournisseur de gaz si on se brouille avec ce pays.

- La France doit absolument préserver ses avantages dans les domaines où elle est dominante et conquérante. L’économie électrique et notamment les réseaux électriques intelligents, l’industrie nucléaire, de l’eau, l’aéronautique, le secteur spatial … autant de secteurs dans lesquels il n’est pas possible de céder des positions en termes de stratégie de puissance.

Il est absolument vital que la France ait une stratégie de conquête par rapport à ce que le monde immatériel est en train de devenir. L'économie numérique n'est qu'un des volets de ce nouvel espace marchand dans lequel nous avançons à tâtons sans vision globale des enjeux. L’approche de ce monde n’est pas seulement technique, juridique ou marchande, elle est stratégique, qu’elle soit le fait d’une petite, moyenne ou grande puissance. Par le biais de son politique, la France doit définir sa stratégie de puissance dans le monde immatériel, que ce soit par rapport au stockage ou à la production de connaissance, ou le développement de l’ensemble des technologies liées. Or il se trouve que la France n’a pas de stratégie en la matière, et ne sait même pas définir ce qu’est, en termes stratégiques, le monde immatériel pour la France. On en est resté au passage de la machine à écrire à l’informatique, ce qui, à gauche comme à droite, et le niveau zéro de la pensée politique. 

De par son espace maritime, la France doit aussi devenir conquérante dans l'exploitation des fonds marins, ce qu'elle n'a jamais su faire pour l'instant par manque d'écoute des industriels engagés dans cette voie.


Au regard de ces trois axes, quelles sont aujourd’hui les entreprises essentielles à la France au plan stratégique ? Peut-on citer les exemples les plus parlants ?

Total, GDF Suez, EDF

Ces entreprises de l’énergie sont vitales car elles répondent aux logiques de fonctionnement d’un pays comme le nôtre. En matière de transport de l’électricité notamment, on oublie souvent de préciser que la France a 15 ans d’avance sur les États-Unis. Ce sont des entreprises que le politique doit non pas reprendre sous son contrôle direct, mais impérativement ramener dans le giron d’une pensée stratégique sur la puissance de la France. Mais quand j’entends parler le PDG de Total, je me dis que ce n’est pas gagné. 


Michelin

Il n’y a pas que l’énergie, il y a aussi les "entreprises symboles" de par leurs résultats. La France ne peut pas perdre Michelin, car cette entreprise a démontré qu’elle pouvait être le numéro un mondial, et a su le rester. En tant qu’entreprise de combat par excellence de l’économie française, elle sert de guide en termes d’innovation, de management, de recherche et développement et de culture de l’information. Même si c’est une entreprise privée, en partie familiale, il est impossible de laisser partir Michelin. C’est un symbole mille fois plus important que l’entreprise Renault, car elle a su se hisser au premier rang mondial sans le soutien de l’Etat, en ayant une culture de l’ancrage territorial, une vision presque culturelle de la France, et tout cela sans oublier ce qu’elle doit à la France. Voilà pourquoi on ne peut pas la perdre.


Dassault Systèmes

Voilà une entreprise qui fait partie de celles qui ont décidé de défier le monde américain dans ce qu’il a de plus fort et stratégique, à savoir l’économie de la connaissance. Rien que pour cela, on ne peut pas se permettre de perdre des entreprises comme celle-ci, car la France doit impérativement occuper une place stratégique au sein du monde immatériel. Leur créativité, leur capacité à lier l’industriel, le sociétal et le culturel sont immenses, à tel point qu’on ne mesure pas leur potentiel d’innovation.


Les services

Il existe toute une superstructure de services indispensables au bien-être des Français. Je pense à la grande distribution, et aussi à l’industrie du luxe, car c’est de cette dernière qu’émanent un certain nombre de savoir-faire qui profitent à tout le monde. Et sur ce terrain, la vision politique n’est pas suffisante. 


Quelles autres entreprises la France ne doit-elle pas "lâcher", pour reprendre vos mots ?

L'industrie de la Défense dans son ensemble car elle est et doit rester le garant de notre liberté et de notre capacité à réagir face aux menaces du mon de à venir.
Les pépinières d'entreprises qui gravitent dans l'univers des bio et des nanotechnologies.
Le champ productif du monde éducatif et culturel qui est pour l'instant considéré comme un patrimoine à défendre alors qu'il doit devenir l'aiguillon d'une économie de combat au sens américain du terme.

Propos recueillis pas Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !