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Peter Thiel, ce milliardaire de la Silicon Valley persuadé que boire le sang de jeunes gens le rendra immortel est loin d'être le premier dans l'histoire
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THE DAILY BEAST

Le milliardaire de la tech qui soutient Trump veut utiliser le sang de jeunes personnes pour vivre éternellement. Comme les Grecs de l'Antiquité et Léonard de Vinci.

Candida Moss

Candida Moss

Candida Moss est professeure, enseignant à l'Université de Notre-Dame dans les matières "Nouveau Testament" et "Christianisme des débuts".

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Copyright The Daily Beast - Auteure Candida Moss

Peter Thiel, le milliardaire qui a fait fortune dans la tech, a révélé son intérêt bizarre pour le sang de jeunes humains. Comme d'autres milliardaires de la Silicon Valley, il rêve de prolonger son espérance de vie, et d'échapper à la mort. Mais contrairement au projet Calico de Google, ou à la fondation destinée à lutter contre le vieillissement du fondateur d'Oracle Larry Elison (430 millions de dollars de dotation), Peter Thiel montre un intérêt particulier pour une forme médicale du vampirisme. Cet intérêt, a-t-il précisé, est avant tout personnel.

Par le passé, il a pris des hormones de croissance humaines et expérimenté avec des régimes alimentaires très restrictifs. Aujourd'hui, il s'intéresse à la parabiose. Dans son cas, il s'administre des transfusions de sang d'individus jeunes dans l'espoir d'augmenter sa longévité. Dans un interview donnée à Inc magazine, on a appris qu'un membre de son fonds de capital-risque avait contacté Ambrosia, une entreprise de Monterey, en Californie. Ambrosia a récemment conduit des études sur "les biomarqueurs du vieillissement et les transfusions de plasma de donneurs de sang jeunes”, par l'injection de sang d'individus de moins de 25 ans à des individus de plus de 35 ans. Il est demandé 8000 dollars pour participer à l'étude. Dans les milieux médicaux, on reconnait la possibilité que le sang, ou du moins certains types de sang, puissent ralentir le vieillissement. En 2006, la revue médicale Nature a publié un article intitulé “Cellules souches, vieillissement et quête de l'immortalité", expliquant comment certaines cellules souches pouvaient être utilisées dans la guerre contre la mort. La recherche en parabiose a débuté dans les années 1950 mais c'est maintenant seulement qu'elle commence à prendre pied dans la recherche universitaire. Outre l'étude conduite par Ambrosia, des tests plus avancés ont lieu en Corée et en Chine.

Ce qui ressemble à du vampirisme moderne a déjà un long passé. Au cours de l'hiver 1668, un voyageur anglais du nom de Edward Browne visitait Vienne. Il assista à plusieurs exécutions publiques, qu'il relatait dans son journal, peut-être en raison du fait que la méthode d'exécution était inhabituelle : les condamnés étaient décapités assis. Aussitôt après une des exécutions, Browne raconte qu'un homme s'était précipité avec un récipient.  Il remplit le récipient avec le sang jaillissant du cou de l'homme, le but, et s'enfuit. Browne n'en fut pas plus ému que ça. Il nota avec nonchalance : “Il fit cela comme remède contre l'épilepsie. J'ai lu des choses sur certains qui louaient ce traitement et j'ai entendu parler d'autres qui ont fait la même chose en Allemagne.” Ce dont Browne fut témoin était un exemple de la "médecine des cadavres" (l'utilisation de corps humains pour guérir des maladies et prolonger la vie). Ces pratiques naissait de la croyance très répandue que le sang humain ou animal était doté du pouvoir de donner la vie et, encore plus important, de la préserver. Le sang était considéré comme le véhicule de l'âme et prisé comme un remède particulièrement efficace dans la médecine de l'Antiquité, du Moyen Age et dans les premiers temps de la médecine moderne.

Le sang des gladiateurs et des vierges étaient préférés en Grèce antique, tandis que celui des jeunes hommes était plus recherché durant la Renaissance en Europe. Léonard de Vinci est l'un des plus célèbres praticiens de la "médecine des cadavres". Il avait un jour déclaré que “nous préservons notre vie avec la mort des autres”. Les pauvres, qui ne pouvaient se permettre des recettes d'apothicaires élaborées avec les meilleurs ingrédients se réunissaient autour des sites des exécutions et payaient le bourreau de petites sommes pour des tasses de sang encore chaud pour leur usage personnel. L'ingestion était le seul moyen de profiter des pouvoirs du sang. Aussi répugnant que cela puisse sembler, ces traitements n'étaient pas suivis uniquement par les pauvres, les supersticieux ou les "docteurs" peu scrupuleux qui pillaient les tombes. Même les riches et le clergé se soignaient ainsi. Une recette d'un apothicaire franciscain, datée de 1679, donne la marche à suivre pour faire de la confiture de sang. Les théories médicales ont varié et se sont développées durant cette période. Le point commun à toutes était qu'un sang fraichement tiré d'un corps fort ou pur était le plus efficace. Dans son interview, Peter Thiel reconnait que le manque d'intérêt pour la parabiose dans le milieu médical est souvent du au malaise que soulève cette pratique dans la société. Peter Thiel souhaiterait que cela change mais elle est enracinée non seulement dans le dégout, mais aussi dans la crainte de l'abus de pouvoir et de l'exploitation. Comme l'article de Inc. le souligne, imaginer un business model pour la parabiose à grande échelle provoque un malaise. Ambrosia peut se fournir en sang auprès des banques de sang parce qu'il s'agit d'une étude, mais comment, et de qui, viendrait le sang si la parabiose était plus pratiquée ? On peut craindre qu'il vienne non pas d'adolescents altruistes mais de pauvres, d'exclus de la société et de donneurs vivant dans les pays en développement. L'inquiétude grandit face à des techniques de prolongement de la vie qui seraient réservées aux riches mais dont le coût serait supporté par tous. En 2013, dans une étude du Pew Research Center, 79% des personnes interrogées estimaient que nous devrions tous pouvoir bénéficier de traitements radicaux pour prolonger la vie, mais 66% du même échantillon pensaient qu'ils ne seraient disponibles que pour les personnes riches. Le même pourcentage s'inquiétait du poids que ferait peser une vie plus longue sur les ressources naturelles. Même si le sang des jeunes peut prolonger la vie des personnes âgées et riches, nous devrions nous demander si cela est souhaitable.

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