Pénurie de pompistes : vendre de l’essence en France est-il rentable pour qui que ce soit ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Une station essence.
Une station essence.
©Reuters

Or noir, vraiment ?

En 1975, la France comptait près de 47 500 pompes, aujourd'hui il n'y en a plus que 11 600. Dans certaines zones, accéder à une station essence devient tellement problématique que certaines municipalités envisagent d'en prendre la gestion.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

Voir la bio »

La filière de distribution des carburants a longtemps été perçue comme un instrument des compagnies pétrolières pour maximiser leurs marges. Mais tel n’est plus le cas depuis bien longtemps. Sur les 47 500 stations-services de 1975, moins de 3% étaient aux mains de la grande distribution ; sur les 11 600 d’aujourd’hui, plus de 40% lui reviennent, assurant la distribution de plus de 60% du carburant français. Autant dire que les compagnies pétrolières se sont quasiment fait sortir du marché, dans un contexte de contraction régulière du volume global de ventes.D’ailleurs plusieurs enseignes ont déserté le marché français en revendant leurs réseaux, préférant se concentrer sur « l’amont » de leur activité (exploration-production et trading), bien plus lucratif. Seul Total, sous ses différentes enseignes, reste présent sur l’ensemble du territoire. Mais il le fait pour des raisons plus politiques qu’économiques : s’il décidait de vendre son réseau, son image de marque en prendrait un sale coup en France et le gouvernement ne se priverait pas d’enfoncer le clou… Quant aux indépendants, ils sont en voie d’extinction. 

La raison de ce retournement est la politique de marges quasi-nulles de la grande distribution. Pour les grandes en moyennes surfaces (dites GMS), le carburant n’est qu’un produit d’appel destiné à attirer les clients dans ses magasins. Elles ne cherchent pas à « marger » dessus, se contentant de 1 à 2 centime par litre pour financer leurs structures. Face à cette politique, les compagnies pétrolières ont tout d’abord cherché à se démarquer par une offre de services supérieure pour justifier l’écart de prix, qui pouvait atteindre jusqu’à 15 à 20 centimes dans certains cas. Hélas pour eux, à part les professionnels de la route, les clients n’ont pas suivi, préférant faire quelques kilomètres de plus pour bénéficier des tarifs imbattables des grandes surfaces. Les pétroliers se sont alors rabattus sur la stratégie de ces dernières : marges basses, gros volumes et stations-services automatisées (Esso Express, puis Total Access). 

Malheureusement pour les indépendants, il leur était impossible de s’aligner. Leurs tarifs élevés s’expliquent par des coûts fixes importants amortis sur de faibles volumes. Dès lors, il ne leur était permis ni de s’aligner sur les prix des GMS, ni d’investir dans des stations modernes alignant 15 pompes. Pour compléter le tableau, il faut encore ajouter à cela une règlementation sanitaire et environnementale de plus en plus stricte, imposant aux exploitants de coûteux investissements, qu’ils ne peuvent bien souvent pas assumer. Aujourd’hui, ils ne subsistent qu’en de rares points de vente délaissés par les réseaux. 

Si on veut maintenir ces points de vente, à l’instar des autres petits commerces que l’on cherche à encourager dans les centres-villes, il sera nécessaire de leur assouplir les règles, à la fois financières (charges sociales, investissements imposés, charges foncières) et administratives. Leurs prix ne pourront pas pour autant s’aligner sur ceux des grandes surfaces, mais un différentiel assez faible pourrait suffire à maintenir une clientèle de proximité. 

Quant à la distribution d’électricité comme substitut, oublions-la : elle sera automatique et ne génèrera donc pas d’emplois de service. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !