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Paris brûle-t-il ? : les Gilets jaunes face au "mépris" d’Emmanuel Macron
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Bonnes feuilles

Michel Onfray publie "Grandeur du petit peuple : Heurs et malheurs des Gilets jaunes" aux éditions Albin Michel. La France est plus que jamais coupée en deux : non pas la droite et la gauche, non pas les libéraux et les anti-libéraux, mais d'une part ceux sur lesquels s'exerce le pouvoir (le peuple), et d'autre part ceux qui exercent le pouvoir (les élites). Extrait 2/2.

Michel Onfray

Michel Onfray

Michel Onfray est philosophe. Particulièrement intéressé aux questions liées à la politique, la morale, l'athéisme et l'histoire de la philosophie, il est l'auteur de nombreux ouvrages.

Parmi les plus récents, on trouvera notamment La passion de la méchanceté : Sur un prétendu divin marquis (Autrement / 2014), Les Freudiens hérétiques (Grasset / 2013), Rendre la raison populaire (Autrement / 2012) ou encore L'ordre libertaire (Flammarion / 2012).

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On l’aura désormais bien compris, en matière de crise des Gilets jaunes, Macron joue le pourrissement… C’est bien sûr une option éminemment dangereuse. C’est celle de la ville dont le prince est un enfant… Elle peut sembler rentable à cet enfant-roi qui sait que, dans la logique binaire installée par ses grands prédécesseurs, tout a été fait pour qu’aux présidentielles le choix final oppose un candidat maastrichtien et un autre qui ne l’est pas – le premier présentant le second comme  le chaos fasciste. De ce fait, pareille logique contraint à porter au pouvoir n’importe quel homme lige de l’Europe maastrichtienne. Il est l’un des serviteurs de ce pouvoir-là et s’en sait fort. Mais c’est la force d’un domestique.

Voilà pour quelles raisons, dans le chaos actuel, la liste macronienne arrive malgré tout en tête des intentions de vote aux prochaines élections européennes. De sorte qu’après dix-huit semaines de mépris, d’insolences, d’insultes, de désinformation, de fausses nouvelles, de morgue, d’injures, d’offenses, d’affronts à l’endroit des Gilets jaunes, Macron persiste dans une communication dont il sait qu’elle lui est profitable : pendant que Paris brûle, que des banques sont incendiées, que le Fouquet’s est en flammes, qu’un feu allumé par les casseurs dans un immeuble menace de faire périr ses habitants, que les échauffourées sont démultipliées, que des leaders pilotés en sous-main par des politicards appellent désormais à l’insurrection violente, que les mêmes souhaitent une convergence des luttes entre black blocs et « gens des cités » sous prétexte de Gilets jaunes, que l’arrivée en masse de black blocs est annoncée par le ministère de l’Intérieur sans que rien ne soit fait en amont pour les empêcher de nuire, Emmanuel Macron skie… Le roi fait du ski ! En compagnie de sa femme, de sa famille, de ses amis, peut-être même avec son ami Benalla, il fête la vie à grand renfort de raclette et de fendant ! Tout va bien à Versailles…

Pourquoi en effet devrait-il se ronger les sangs ? 

Car, si la dissolution de l’Assemblée nationale avait lieu, Macron sait bien qu’il resterait président de la République. Son obligation constitutionnelle et politique se limiterait à nommer un Premier ministre issu de la nouvelle majorité… qui ne manquerait pas d’être macronienne !

Si, par une très improbable extravagance, le Rassemblement national arrivait en tête de ces élections législatives après cette hypothétique dissolution, Macron nommerait Marine Le Pen à Matignon. Le premier travail de cette dame serait de faire du Chirac des années 1980, en prenant bien soin de ne toucher ni à l’euro, ni à l’Europe libérale, ni à Maastricht, et de n’envisager en aucun cas un Frexit – elle a déjà prévenu… Ajoutons à cela que, conditionnée par des années de propagande, la rue refuserait cette nomination après que les médias aux ordres auront fait fuiter le projet : Macron aurait alors la rue pour lui… Pour éviter pareil scénario, il pourrait alors préférer Dupont-Aignan, qui arriverait en courant pour occuper le poste. La réélection de Macron lors de la présidentielle suivante serait assurée.

Si Macron démissionnait, ne rêvons pas, il sait également que ni le Parti socialiste, qui à cette heure confie les clés européennes du parti de Jaurès à Raphaël Glucksmann qui n’en a pas même la carte, ni la France insoumise, qui a montré en boucle sur les médias un Mélenchon psychiquement problématique, ni le parti de Wauquiez, qui tente de survivre en exhibant une chimère politique faite d’un jeune philosophe catholique flanqué de quelques chevaux de retour du sarkozysme guère encombrés par la morale catholique, ne sont à même de lui succéder à l’Élysée.

Tout va donc très bien pour lui.

Choisir le pourrissement, parce qu’on sait qu’il fera notre affaire, même si tout cela dessert le petit peuple, les pauvres, les miséreux, les sans-grade et tous ceux qui constituent le fond ontologique de la rébellion des Gilets jaunes, c’est agir comme Attila ou n’importe quel autre chef barbare : c’est opter pour la politique de la terre brûlée. Après moi, ou sans moi, ou hors de moi, le déluge !

C’est donc prendre en otages les Français en croyant qu’ils sont là pour nous et non qu’on se trouve là pour eux. Cet homme qui fait semblant de placer son quinquennat sous les auspices de Jupiter et du général de Gaulle le place finalement sous celui de Peter Pan, cet enfant qui ne veut pas grandir.

Pour qui prend-il les gens ?

Il a d’abord méprisé les maires, puis il a prétendu qu’ils étaient le sel de la démocratie, avant de partir à leur rencontre pour leur faire la leçon comme un instituteur d’antan avec sa classe d’élèves en blouse et aux ordres. Les premiers magistrats, choisis et triés sur le volet par les préfets payés pour relayer la politique du président, ceints de leur écharpe tricolore, n’en sont pas revenus que le chef de l’État daigne monologuer devant eux pendant des heures.

Il a ensuite méprisé les Français – des Gaulois rétifs à la nouveauté, des râleurs éternellement rebelles, des crétins incapables de comprendre la nécessité des changements voulus par Sa Majesté, au contraire des peuples luthériens du nord de l’Europe –, avant d’organiser de faux débats, vrais monologues, tout en délaissant son métier qui est de présider la France et non de militer pour lui-même, sa cause et son succès aux prochaines élections européennes.

Il a enfin méprisé les intellectuels qui ne lui léchaient pas les bottes avant d’en inviter une soixantaine soigneusement sélectionnés – il est intéressant d’ailleurs de voir qui a été convié. Frédéric Lordon, gauchiste en chef, mais subventionné par le contribuable via le CNRS où il est directeur de recherche, l’aurait été et a bruyamment fait savoir qu’il n’irait pas. Michel Wieviorka, « sociologue », mais est-ce vraiment le cas pour ce monsieur qui affirme sans barguigner sur Canal+ que le A entouré d’un cercle est un symbole d’extrême droite, fait bien sûr partie des élus. Après avoir dit qu’il n’y avait pas de culture française, Macron invite donc six dizaines de ses représentants pour débattre avec eux sur France Culture, haut lieu de liberté intellectuelle s’il en est. Gageons que débattre avec soixante personnes à la fois le contraindra à une performance longue d’une quinzaine de jours non stop, à défaut, cette rencontre ne sera rien d’autre qu’une danse du ventre présidentielle devant une assemblée captive. À moins qu’on lui offre la grille d’été sur cette chaîne du service public, le créneau est disponible, je crois, après qu’il a été occupé pendant seize années par un philosophe viré par ses soins.

Il méprise les Gilets jaunes depuis le début et traite leur souffrance par l’insulte : antisémites, homophobes, racistes, xénophobes, incultes, illettrés, avinés, fascistes, lepénistes, vichystes, pétainistes, tout est bon qui permet de dire à ceux qui se sont contentés de manifester leur souffrance sociale qu’ils sont des salauds de pauvres. Cette maladie sociale que sa politique maastrichtienne brutale diffuse comme une épidémie foudroyante est traitée par lui avec arrogance, suffisance, provocation. À quoi bon, sinon, s’afficher en train de boire un coup avec ses amis en terrasse dans une station de ski à l’heure même où Paris brûle ? Plus cynique que cela, tu meurs…

Extrait du livre de Michel Onfray, "Grandeur du petit peuple : Heurs et malheurs des Gilets jaunes", publié aux éditions Albin Michel

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