Pap Ndiaye sera-t-il le ministre de l'autorité bienveillante et de la transmission ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a accordé deux entretiens dans la presse.
Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a accordé deux entretiens dans la presse.
©Ludovic MARIN / AFP

Des couleurs, on ne discute pas

Et c’est lui qui le dit !

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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« Confier le ministère le plus emblématique de la République et l’éducation des enfants à un homme noir qui ne renie pas ses convictions en matière de lutte contre les discriminations peut être vécu par certains comme un affront. » a affirmé Pap Ndiaye dans les colonnes du Monde. Aussi, nous nous proposons de lui répondre.

Monsieur, sachez tout d’abord que de votre couleur de peau, peu nous chaut. Ce ne sont que vos postures, fleurant bon l’imposture qui sont de nature à irriter bon nombre de vos concitoyens. Quant à vos projets pour l’école, ils nous semblent particulièrement inquiétants. Les interviews que vous venez de donner au Monde et au Parisien ne sont pas de nature à nous rassurer. Voyons plutôt. 

Sur un plan politique, tout d’abord, vous vous drapez dans le costume d’Obama, taillé bien trop large pour vous. Au cas, où, petit, on n’en disconvient pas, mais pas Poucet pour autant, vous prétendriez aussi chausser les bottes d’Obama, gardez quand même en mémoire qu’il fait du 47.

Ainsi, vous affirmez dans Le Monde : « Le woke a une âpreté et une manière de cliver, de dire qui a le droit de prendre la parole, il revêt un moralisme qui n’est pas le mien. Je préfère me dire cool, formule que j’emprunte à Obama. » Why not ? Nous en acceptions avec joie l’augure. 

Oui, mais voilà, vous avez, « en même temps », pompeusement proclamé dans Le Parisien : « Il n’y a pas de compromis à avoir avec le Front national. C’est ma boussole politique. (…) Ce n’est pas parce que le Front national parle de République qu’il est républicain. Lorsqu’on propose la préférence nationale, on sort de la République telle qu’elle a été pensée, telle qu’elle est affirmée dans la Constitution. (…) » 

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Vous n’avez pas oublié non plus, toujours dans Le Parisien, sortantl’artillerie rhétorique lourde et convenue, de mettre en garde contre le péril brun : « la question gravissime de l’accession du Front national au pouvoir ne relève plus de la fantasmagorie. L’heure est grave. » 

Curieux hiatus entre ces deux déclarations et mépris total pour les électeurs du Rassemblement national. (Vous avez oublié que le parti de Marine le Pen a changé de nom ?) Quid de LFI ? Vous n’en parlâtes point, nous le déplorons.

Pourtant, dans Le Monde, vous affirmâtes : « Il n’y a pas de racisme d’État, mais il peut y avoir du racisme dans l’État : », ce qui nous éclaira, s’il en était besoin, sur votre vision de la société et vos « affinités électives » avec les Insoumis. 

Venons-en maintenant à l’école. Elle est moribonde. Vous le savez puisque vous avez préféré confier vos enfants à l’École alsacienne. Est-il normal qu’un ministre de L’Éducation nationale mette sa progéniture dans le privé ?

Ce diagnostic posé, nous ne sommes pas sûr du tout que, pour l’instant, vous proposiez quoi que ce soit qui permette de la sauver. 

Vous avez dit au Parisien : « L’école française ne réussit pas sur tout, en particulier du point de vue des inégalités scolaires. (…) Est-ce que oui ou non on admet les inégalités scolaires ? C’est donc une priorité, à laquelle s’ajoute la question l’environnement. » 

Nous nous permettons de vous suggérer, comme gage de réussite, le rétablissement de l’autorité (ça n’est pas un gros mot). De grâce, réhabilitez la transmission et dans les établissements, le calme sans lequel elle ne peut avoir lieu. Vous verrez alors fondre les inégalités. L’école redeviendra le sanctuaire où tout le monde pourra développer son esprit critique et aiguiser son intelligence.

Sachant lire, écrire, compter et surtout penser, c’est en sortant de l’école que les élèves seront à même de s’occuper utilement de l’environnement, comme du reste, d’ailleurs. 

J’ai, en effet, tristement en mémoire, un nombre incalculable d’heures de français définitivement perdues au nom de louables causes.

Alors que, par exemple, je m’évertuais à expliquer laborieusement que Flaubert n’était pas raciste quand il employait le mot « négresse » dans « l’Éducation sentimentale », pas plus que Camus quand il parlait de « l’Arabe», dans « L’Étranger », souvent, une paire d’élèves frappait à la porte pour collecter les piles usagées. Dix minutes plus tard, d’autres duettistes se présentaient pour expliquer où se trouvait le bac à compost du lycée, jetant au passage un regard peu amène sur la bouteille d’eau qui trônait sur mon bureau. Ils ne se privaient pas, alors, de me morigéner, sous les ricanements de la classe, aux anges : « Pas très écologique, Madame, votre bouteille en plastique. Il faudrait prendre une gourde. » Et pan, dans les dents. 

Chaque interruption étant, bien sûr, suivie de questions posées aux zélateurs des bonnes causes puis d’un brouhaha difficile à juguler. Il s’avère toujours compliqué de remobiliser les troupes, heureuses de se soustraire au travail.

Dans ces cas-là, Flaubert et Camus sont définitivement estampillés comme racistes notoires et moi, au passage, comme ennemie de la planète. Je ne suis pas sûre que la cause environnementale ait avancé d’un poil pour autant. Par contre, à raison de ce genre de show deux fois par semaine, je sais que celle du français est définitivement perdue.  

Monsieur le Ministre, de plus, pour trouver de bonnes volontés susceptibles de participer à ce cirque alors que les concours de recrutement sont boudés (Qui a envie de se ruiner la santé et de perdre toute estime de soi en combattant l’ignorance arrogante et brutale ?), vous annoncez dans « Le Parisien »la hausse de la rémunération des enseignants. Soit. Jusque-là, on ne trouve rien à redire. 

Mais, vous ajoutez : « Nous mettrons en place une part salariale conditionnée à des tâches nouvelles. Il s’agit de mieux rémunérer les enseignants, et d’ajouter un bonus à ceux qui voudraient aller plus loin. » Plus loin dans quoi ? L’enseignement des fondamentaux, on en doute. Dans celui de l’art du compost, peut-être ?   

Surtout, enfin, on redoute que l’école ne devienne définitivement le creuset d’une fragmentation sociétale irréductible à force de distinguer et d’encenser des minorités rendues, par là même, de plus en plus vindicatives. 

Dans Le Monde, vous dites : « Le problème, ce sont les islamistes qui portent un projet de destruction de la République. Ce sont les terroristes et pas une maman qui met un fichu sur la tête pour accompagner une classe. » On est bien d’accord avec vous, mais alors, pourquoi employer le terme « fichu » ? Il s’agit d’un voile, Monsieur le ministre. Après, on en fait ce qu’on en veut. On trouve, du reste, tout à fait louable que des mères (et non pas des « mamans » : cette édulcoration du monde commence à nous fatiguer), s’investissent dans les sorties scolaires. 

Monsieur le Ministre, on a presque envie de vous dire : « Dessine-moi un mouton. » c’est-à-dire : rendez-nous ce qui a fait ses preuves : autorité bienveillante et transmission. L’école pourra enfin renaître et l’ascenseur social fonctionner à nouveau.` 

Pour l’instant, c’est le chaos qui prévaut, celui que Platon, déjà, décrivait dans «  LaRépublique »: « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. » 

Isabelle Larmat, professeur de Lettres modernes.

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