Panne de science anti-Covid : petite question qui fâche sur ce qu’on sait (ou non…) de l’efficacité réelle des rappels de vaccins <!-- --> | Atlantico.fr
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La France est touchée par une nouvelle vague de Covid et le gouvernement recommande la rappel de vaccin.
La France est touchée par une nouvelle vague de Covid et le gouvernement recommande la rappel de vaccin.
©Flickr

Efficacité des rappels de vaccins

Face à la nouvelle vague de Covid qui touche la France, le gouvernement appelle à recevoir un rappel de vaccination. Mais qu'en est-il de son efficacité ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Alors que nous faisons face à une nouvelle vague Covid, le gouvernement appelle les populations à recevoir un rappel de vaccination. Les vaccins à disposition sont-ils en adéquation avec les variants actuellement en circulation ?

Antoine Flahault : Les données sont encourageantes à propos des nouvelles doses de rappel bivalents. Ils avaient été peu évalués cet été par les fabricants sur le plan de leur efficacité clinique et l’on pouvait avoir des doutes à ce sujet. On dispose désormais de données britanniques concernant les vaccins bivalents visant la souche BA.1 et nord-américaines concernant BA.5. Ces données confirment le profil de leur sécurité très satisfaisante et montrent une efficacité additionnelle des vaccins bivalents contre les formes graves par rapport à l’absence de doses de rappel cet automne (données UK) et contre les Covid non sévères par rapport aux vaccins monovalents (données US). 

Dans ces conditions que savons nous à l’heure actuelle de l’efficacité des rappels vaccinaux contre le Covid ?  A quel point l’émergence de sous variants a-t-elle réduit leur efficacité ?

Toutes les recherches rapportées récemment dans la littérature se rapportaient au sous variant BA.5 d’Omicron qui ne circule quasiment plus avec la neuvième vague qui repart actuellement. On ne sait donc pas quelle sera l’efficacité des vaccins bivalents de cet automne sur le nouveau sous-variant BQ.1.1, mais on sait qu’il est un descendant de BA.5, laissant espérer un maintien du surcroît d’efficacité en comparaison des monovalents. Un autre article scientifique paru récemment, va dans le bon sens également. Il montre que les taux d’anticorps neutralisants mesuré chez les patients sont très corrélés avec les risques d’infection Covid : plus les anticorps sont hauts et plus faibles sont les risques dans la population. Ce résultat est important car il apporte désormais une meilleure justification de l’utilisation des anticorps neutralisants comme critères de substitution pour les essais cliniques à venir sur les vaccins, facilitant et raccourcissant leur développement. C’était une stratégie qu’avaient préconisée les laboratoires fabricant des vaccins bivalents cet été. On peut se réjouir que l’avenir leur ait donné raison, tellement la course aux nouveaux variants est difficile et semble même s’accélérer.

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Quand la FDA écrit « les preuves disponibles pour les deux vaccins bivalents actualisés indiquent clairement que les vaccins [Moderna et BioNtech] sont susceptibles de contribuer à fournir une meilleure protection contre la variante actuellement en circulation. » Est-ce un aveu qu’on ne sait pas exactement ce qu’il en est ?

Nous courrons donc tous - et les fabricants avec nous - derrière ces nouveaux variants qui émergent à un rythme devenu effréné. Il y a plus de 500 sous-variants d’Omicron identifiés aujourd’hui et bon nombre d’entre eux semblent tapis à nos portes, prêts à venir occuper l’espace que leur laissent les variants précédents en se retirant à la fin de chaque vague. Face à cette course, il convient de trouver des compromis dans le développement des vaccins et des traitements du Covid. Il convient de rester intransigeants quant à la sécurité et la tolérance de ces produits chez l’humain, mais on devra composer de manière pragmatique sur le plan de l’évaluation exigée de leur efficacité clinique. Sur ce dernier aspect, il conviendra sans doute d’accepter de faire des paris, fondés néanmoins sur de solides arguments scientifiques mais plus indirects, comme les critères de substitution évoqués ici lorsqu’il s’agit de la montée des anticorps neutralisants. 

Que savons-nous des traitements contre les formes sévères de Covid ?

Malheureusement, la situation n’est pas très réjouissante concernant les anticorps monoclonaux. Ces thérapies très innovantes avaient permis de réduire le risque de formes graves chez les personnes sévèrement immunodéprimées - elles sont environ 500’000 personnes en France dans cette situation. Eh bien, plus aucun anticorps monoclonal n’est désormais efficace avec le sous-variant BQ.1.1 d’Omicron, qui circule lors de cette neuvième vague. En revanche, la bonne nouvelle c’est que l’antiviral Paxlovid reste toujours aussi efficace quelle que soit la souche circulante à ce jour.

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Même avec une efficacité réduite, le booster vaccinal ou les traitements, sont-ils toujours mieux que rien ? 

Les pouvoirs publics, en privilégiant la vaccination des personnes âgées et à risque, n’ont pas misé sur l’efficacité qu’auraient pu avoir les vaccins bivalents sur la transmission, car ce sont plutôt les jeunes qui sont les moteurs des vagues épidémiques. Les autorités ont plutôt cherché la protection des personnes vulnérables vis-à-vis des formes graves et des hospitalisations. L’élargissement des possibilités de prescription du Paxlovid participe aussi de la même démarche qui constitue à protéger les personnes les plus vulnérables. Les premières données sur l’efficacité des vaccins bivalents confortent plutôt les décisions de leur homologation qui ont été prises par la FDA et l’EMA. L’inconnue concernant les Français réside désormais sur l’impact sur l’hôpital que pourrait entraîner la faible couverture vaccinale de cette nouvelle dose de rappel bivalent (à peine plus de 10% des plus de 80 ans). Combiné à l’effondrement du recours aux tests, de nombreuses personnes à haut risque se retrouvent peu protégées contre les formes graves. Le résultat du test conditionne le déclenchement de la prescription de Paxlovid. Sans test, les personnes âgées ou immunodéprimées ne recevront pas de Paxlovid, et pourraient perdre des chances cet hiver. Si l’on a un peu oublié le Covid, lui en tout cas ne nous oublie pas.

Benjamin Mazer, médecin spécialisé dans la pathologie et la médecine de laboratoire, estime que "COVID Science Is Moving Backwards". Partagez-vous ce constat ? 

Ce billet d'humeur du médecin US Benjamin Mazer déconstruit de nombreuses idées reçues sur la pandémie. Il nous rappelle que les vaccins du COVID19 ont certes changé la donne, fait s'effondrer la mortalité, transformé la gestion de cette pandémie. Mais il nous rappelle aussi qu'ils sont arrivés sur le marché avec une efficacité sur les formes symptomatiques du COVID19 de plus de 95%. Des vaccins exceptionnels, mais que sont-ils devenus? Cette efficacité est tombée à 30% avec Delta et pratiquement à 0 avec Omicron...

Les rappels bivalents se targuent d'augmenter les taux d'anticorps neutralisants. N'est-on pas devenus désormais trop peu exigeants pour ces rappels semestriels? Un récent papier montre une efficacité modeste sur les formes symptomatiques de BA4/BA5, quid pour cet hiver?

D'ailleurs à quel rythme faut-il se faire revacciner? Bon on accepte ce même degré d'ignorance - assez crasse aussi il faut le reconnaître - pour le vaccin contre la grippe saisonnière. En tous cas, il n'y a pas de dossier scientifique très solide autour de ces questions.

Le Paxlovid réduisait les cas graves de 89% dans les premiers essais. Le prescrirait-on à Joe Biden s'il était réinfecté? Probablement oui, à 80 ans, 5 doses vaccinales, son médecin voudra le protéger au mieux. Mais quel niveau d'efficacité attendre dans cette situation?

En fait, nous explique Mazer, on a évalué tous nos outils pour la riposte dans une phase de la pandémie où la plupart de l'humanité n'avait pas rencontré le coronavirus et on entend les utiliser à une période où nous avons presque tous une forte immunité hybride.

Que subsiste-t-il aujourd'hui des gains annoncés par les fabricants de vaccins, d'antiviraux, d'anticorps monoclonaux? Pour ces derniers plus aucun, pour les autres des gains amoindris. Tout cela ne questionne-t-il pas le rapport bénéfice/risque de ces produits proposés?

Derrière ces doutes, un mouvement d'humeur, vis-à-vis des fabricants de ces produits, aux bénéfices juteux malgré les incertitudes, et peu enclins à s'engager dans de nouveaux essais cliniques évaluant l'évolution de l'efficacité de leurs produits. Qu'auraient-ils à gagner ? Mazer en appelle à la puissance publique, qui a été au rendez-vous lorsqu'il s'est agi de stimuler la R&D de ces vaccins dans l'urgence de la crise. Si les pharmas ne font pas le service après-vente, que le secteur public l'exige d'eux ou alors le fasse, pour le bien commun

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