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Pain blanc, riz, bagels… ces glucides apparemment inoffensifs qui augmenteraient le risque de cancer du poumon autant que la cigarette
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En travers de la gorge

Une nouvelle étude, dirigée par le Dr Stephanie Melkonian de l'Université du Texas MD Anderson Cancer Center, a révélé que les personnes ayant une alimentation à l'indice glycémique élevé ont 49% de chances de plus que les autres de contracter un cancer du poumon, et ce même chez les non-fumeurs.

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau est nutritionniste diplômée d'Etat, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. 

Parmi ses livres figurent notamment La True Food aux Editions du Moment,  dans lequel elle explique comment déguster ses produits préférés en toute lucidité, 101 restos, 0 kilo, coécrit avec Nathalie Helal et Catherine Roig (Hachette, mars 2013), Mince Alors ! (Odile Jacob, Juin 2011), Des mots sur les maux du cancer  (Mango, 2009) avec le Professeur David Khayat et Wendy Bouchard, et  Le vrai régime anti-cancer  (Odile Jacob, 2010) avec le Professeur David Khayat et France Carp.

Elle a fondé en 2000 l'agence conseil en nutrition Evidence Santé, qui travaille avec l'Agence nationale de sécurité alimentaire sur la sécurité alimentaire, et le plan national nutrition santé, ainsi qu'avec plusieurs entreprises du secteur agro-alimentaire.

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Pr David Khayat

Pr David Khayat

Le Professeur David Khayat est Cancérologue. Ancien chef de Service à la Pitié Salpêtrière, 1er président de l’Inca (Institut National du Cancer). Il est l'auteur de nombreux ouvrages pour nous permettre d’adopter de meilleurs comportements en prévention des cancers (alimentation, activité physique et addictions )

https://www.bizet-cliniques-paris.fr/les-specialistes/pr-david-kayat/

Son dernier ouvrage chez Editions PLON

https://www.fnac.com/a17650821/David-Khayat-Votre-meilleure-ordonnance-est-dans-votre-assiette

Co autrice Nathalie Hutter Lardeau, Nutritionniste

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Une nouvelle étude (voir ici) démontre qu'avoir un indice glycémique élevé augmente de 49% les chances d'avoir un cancer du poumon, et ce même pour les non-fumeurs. Quels sont les principaux aliments qui font augmenter notre indice glycémique ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : L'indice glycémique correspond à la capacité d'un aliment à augmenter le taux de glucose pendant les 2 à 3 heures après le repas. La charge glycémique prend en compte à la fois l'indice glycémique des aliments consommés et la quantité consommée. On classe généralement les aliments en trois catégories d'indice glycémique : faible, modéré, élevé. Le glucose est à 100. Certains fruits, par exemple, ont un indice glycémique bas, comme l'abricot ; d'autres ont un indice glycémique élevé, comme le melon.

Les principaux aliments qui ont un indice glycémique élevé sont : les biscuits apéritifs, les céréales et dérivés (céréales du petit-déjeuner type riz soufflé ou corn-flakes, pain blanc), certains produits de panification,ou encore la purée de pomme de terre. Ils ont un indice glycémique élevé, mais ils ne font pas forcément augmenter notre glycémie.

Il faut prendre en compte l'intégralité d'un repas et la méthode de cuisson (par exemple pour les pâtes, al-dente ou très cuites). Les fibres auraient, par exemple, un impact sur la glycémie, en ralentissant la vitesse de vidange gastrique : prendre des fibres en début de repas pourrait permettre de limiter une augmentation de la glycémie.

Comment expliquer ce lien de cause à effet entre nutrition et cancer du poumon ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : Les auteurs expliquent que l'augmentation de la glycémie provoquée par ces aliments a pour conséquence d'augmenter l'insuline dans le sang (NB : l'insuline est une hormone régulatrice du glucose), ce qui déclencherait la sécrétion en grande quantité d'un certain type d'hormones, les Insulin-Like Growth Factors (IGFs). Plusieurs études antérieures auraient montré un lien entre les IGFs et le cancer du poumon. Une autre étude datant de 2012 avait déjà cherché le lien entre IG, CG et cancer du poumon mais n'avait aboutit à aucun lien significatif.

Il s'agit de la première étude qui arrive à montrer un lien entre l'indice glycémique et le cancer du poumon, mais des études complémentaires sont nécessaires pour les raisons suivantes : 

- il s'agit ici d'une étude cas-témoin, qui ne permet pas de déceler si l'indice glycémique élevé est une cause ou un effet du cancer du poumon chez les patients étudiés ;

- absence de données d'études prospectives ;

- l'étude est basée sur un questionnaire alimentaire, donc peu précise ;

- celle-ci ne décèle un lien que chez ceux dont l'indice glycémique est le plus élevé (5ème quintile) mais nous n'avons pas de notion de portion alimentaire. Avant de parler des liens de cause à effet entre nutrition et cancer du poumon, il faut rappeler que le tabac reste le principal facteur de risque. L'alcool en est un également. Le pain blanc ou le riz ne sont donc probablement pas "les nouvelles cigarettes" comme on a pu le lire dans certains médias (Are carbs the new cigarette?).

Comment savoir si notre indice glycémique est trop élevé ?

David Khayat et Nathalie Hutter-LardeauL'indice glycémique est réservé aux aliments, c'est une valeur moyenne calculée. Pour la quantité de glucose dans le sang, on parle de glycémie. Aujourd'hui, seules les personnes suivies médicalement pour une maladie spécifique ont réellement besoin de suivre leur glycémie. Elles ont d'ailleurs un matériel de plus en plus sophistiqué pour mesurer leur glycémie quotidiennement.

Pour les individus sans maladie particulière, il est difficile de savoir que sa glycémie est trop élevé, d'autant que c'est une valeur qui varie "rapidement" dans le temps grâce à l'autorégulation de la glycémie par les hormones. Au lieu d'essayer de savoir si sa glycémie est élevée, on peut éviter les excès par quelques règles d'alimentation très simples : fibres pendant le repas, privilégier céréales complètes, ne pas excéder 1/4 d'assiette de féculents par repas, éviter de grignoter du pain blanc, etc.

Est-il possible de faire baisser un indice glycémique qui est trop élevé ? Si oui, comment ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : Là encore, l'indice glycémique d'un aliment est une notion figée. Il faut penser à la glycémie qui est auto-régulée et qui dépend du repas. Par ailleurs, il y a la notion de charge glycémique. Si l'on a un aliment avec un indexe glycémique élevé, on peut faire en sorte que sa glycémie n'augmente pas trop en diminuant la quantité consommée, ou en mangeant par exemple des fibres en début de repas.

Constatez-vous une augmentation de cette maladie en France, comme cela est le cas en Angleterre selon l'article ? Est-ce un cancer répandu ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : Aux Etats-Unis en 2015, on dénombrait  221 000 nouveaux cas de cancer du poumon, soit 13,3% des nouveaux cas de cancer. les décès liés à ce caner étaient estimés à 158 040, soit 26,8% des décès par cancer. Les chiffres montrent qu’il s’agit du 2ème cancer le plus diagnostiqué derrière le cancer du sein (231 840 nouveaux cas en 2015), mais le cancer le plus meurtrier (devant le cancer du côlon et du rectum : 49 700 décès estimés). Le taux de survie à 5 ans après le diagnostic est à 17,4%.

Selon les données communiquées par Inves, en 2012 en France, tout sexe confondu, on recensait 39 495 cas de cancer du poumon contre 42 152 cas de cancer colorectal. Concernant les décès, on dénombrait 29 949 décès par cancer du poumon contre 17 722 pour le cancer colorectal. Ainsi, en France le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France, soit 20,2% de l’ensemble des morts par cancer.

A l'échelle mondiale, selon les chiffres de l'Institut national du cancer, le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde.

Le tabac est le principal facteur de risque du cancer. On estime qu’environ 85% des cancers du poumon chez les hommes sont imputables au tabac. Ce chiffre descend à 69% chez les femmes (qui fument moins). Si on prend tous les types de cancer, le tabac serait responsable à lui tout seul d’1/3 des cas de cancers ! Il s’agit d’un des cancers les plus communs. En France c’est le 4ème cancer le plus fréquent. L’incidence du cancer chez les hommes baisse depuis 2005 mais augmente chez les femmes. Pour ces dernières, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année a été multiplié par 7 depuis 30 ans ! C’est principalement lié au tabac…Voici ce que dit d'ailleurs le site de tabac Info Service sur l'évolution du tabagisme en France : " Dans la population masculine, la proportion de fumeurs réguliers a baissé depuis les années 1960, passant de 57% à 32% aujourd’hui, même si la tendance est à la stabilité entre 2005 et 2010. En revanche, dans la population féminine, la proportion de fumeuses régulières a augmenté sur le long terme, passant de 10 à 26% aujourd’hui, avec une reprise particulièrement importante entre 2005 et 2010 après une période de stabilité, voire de baisse depuis les années 1990. La différence de comportement vis-à-vis du tabac entre les hommes et les femmes s'est donc fortement atténuée. Parmi les adolescents, le tabagisme est aujourd'hui au moins aussi répandu chez les filles que chez les garçons ". Aux Etats-Unis, le cancer du poumon est le 2ème cancer le plus fréquent, et l’incidence globale semble légèrement baisser (voir données du pdf - attention, chiffres de 2012). Il ne faut pas non plus négliger l’impact de la pollution atmosphérique : en Chine les cas de cancers du poumon explosent, à la fois à cause de la cigarette et de la pollution qui fait tant parler dans les médias depuis quelques années maintenant.

Le cancer du poumon est-il un cancer "plus mortel" que les autres ? Si oui, pourquoi ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : S’agissant des poumons qui reçoivent directement les produits de la combustion du tabac, on peut imaginer les dégâts provoqués par ces substances cancérigènes au niveau du tissu pulmonaire… Par ailleurs, la précocité du dépistage impacte positivement sur les chances de survie à 5 ans après le diagnostic. Selon les données américaines, pour le cancer du poumon, 15,6% des cancers des poumons et des bronches sont diagnostiqués à un stade local (la tumeur ne s’est pas propagée) et les chances de survie sont alors de 54,8%. Malheureusement, il est souvent diagnostiqué à un stade plus avancé (régional ou distal) faute de dépistage précoce et systématique. Un espoir demeure : au niveau de la prévention du cancer, l’émergence de substituts à la cigarette traditionnelle peut représenter un espoir de diminuer les risques de cancer du poumon pour les plus gros fumeurs, dépendants, qui n’arrivent pas à arrêter de fumer. Au niveau du traitement médical, les progrès récents de l’immunothérapie permettent de traiter plus efficacement les tumeurs métastasiques résistantes aux chimiothérapies classiques. L’espoir réside dans l’immunothérapie et dans les traitements de plus en plus ciblés.

Y a-t-il d'autres aliments à éviter qui seraient liés au développement d'autres formes de cancer ?

David Khayat et Nathalie Hutter-Lardeau : Difficile de répondre de manière concise tellement la question est vaste et dépend à la fois des qualités intrinsèques d’un aliment, des habitudes alimentaires associées et des individus (sexe, âge, génétique, origine ethnique). Certains aliments peuvent présenter des risques, plus ou moins étayés par la littérature scientifique. En aucun cas, il s’agit d’exclure un aliment de son alimentation.

Mais il est vrai que certains nutriments apportés en excès peuvent être liés au développement de certains cancers. Si on prend à nouveau l’exemple du cancer du poumon, les aliments riches en b-carotène (carotte, poivron, potiron, tomate, etc.) ne devraient pas être pris en excès par les fumeurs et les anciens fumeurs, car ils favoriseraient le développement du cancer du poumon. Ces individus doivent aussi et surtout éviter les compléments alimentaires contenant du b-carotène (voir étude SU.VI.MAX). Concernant le cancer colorectal, on conseille d’éviter la consommation trop fréquente et excessive d’aliments riches en acides gras saturés comme les charcuteries, et de favoriser la consommation de fibres qui facilitent le transit intestinal. De manière plus positive, il existe des aliments à privilégier pour prévenir le développement du cancer : l’ail, le curcuma, la grenade, le brocoli…

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