Otages d'In Amenas : pourquoi il serait contre-productif d'accabler le gouvernement algérien<!-- --> | Atlantico.fr
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Le soutien français à Bouteflika s’explique avant tout parce que l’armée française engagée au Mali a besoin de savoir que plus au nord, l’Algérie joue le jeu en tentant de contrôler sa frontière avec le Mali.
Le soutien français à Bouteflika s’explique avant tout parce que l’armée française engagée au Mali a besoin de savoir que plus au nord, l’Algérie joue le jeu en tentant de contrôler sa frontière avec le Mali.
©Reuters

A contre-courant

Alors que David Cameron et Shinzo Abe ont tenu des propos très durs envers le gouvernement algérien après la morts de plusieurs ressortissants étrangers sur le site gazier d'In Amenas, François Hollande a déclaré qu'il ne fallait pas condamner l'intervention.

Bernard Lugan

Bernard Lugan

Bernard Lugan est expert auprès du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). Il anime un blog www. bernard-lugan.com et il édite par internet une revue mensuelle l’Afrique réelle. Il vient de faire paraître Les guerres d’Afrique des origines à nos jours, 400 pages, 70 cartes et planches en couleur. Le Rocher, 2013.

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Atlantico : Après que François Hollande a parlé d'une intervention "adaptée", Barack Obama a déclaré dimanche qu'il souhaitait rester "en contact étroit avec le gouvernement algérien [...] afin de travailler ensemble pour éviter de telles tragédies". Comment s'explique ce soutien au président Bouteflika après la mort de plusieurs dizaines d’otages ?

Bernard Lugan : Le foyer de déstabilisation libyen, le désordre tunisien et le naufrage égyptien, fruits de l'aveuglement de ceux qui ont cru au "printemps arabe", font qu'il est devenu impératif de soutenir les derniers Etats stables de la région et l'Algérie, en dépit de la gestion autoritaire de la prise d’otages du 16 janvier dernier.

Le soutien français à Bouteflika s’explique avant tout parce que l’armée française engagée au Mali a besoin de savoir que plus au nord, l’Algérie joue le jeu en tentant de contrôler sa frontière avec le Mali et en faisant circuler des informations via la coopération entre services de sécurité. De plus, si Alger fermait son espace aérien aux avions français, cela compliquerait considérablement certaines opérations.

Quant aux Etats-Unis, ils ne peuvent pas laisser tomber un partenaire très important qui constitue presque le pivot de leur diplomatie dans la région : l'Algérie est un partenaire militaire et un indispensable acteur-relais dans leur politique maghrébine qui vise à un rapprochement avec leur autre allié qui est le Maroc.

Peut-on en déduire que la stabilité de l'état algérien est clairement menacée ?

Plusieurs questions se posent en effet avec, en arrière plan la question du pouvoir en Algérie. Depuis que le président Bouteflika semble vouloir briguer un quatrième mandat, la lutte en coulisse des clans qui aspirent à sa succession a changé de nature et il est certain que tout ce qui peut affaiblir l’actuel président peut servir certains d’entre eux. Il est donc clair que sa gestion sécuritaire de cette prise d’otages va être critiquée. De là à dire que la stabilité de l’Etat algérien est menacée est selon moi exagéré.

Il faut bien voir que l’actuel état-major opérationnel algérien est formé des officiers qui, sur le terrain, ont mené la lutte contre les islamistes lors de la guerre civile de la décennie sanglante des années 1990. Certains parmi ces  officiers reprochent au président Bouteflika sa politique de « concorde civile » qui a notamment abouti à la remise en liberté de très nombreux terroristes et ils n’avaient pas l’intention de laisser les preneurs d’otages dicter une ligne de conduite à l’Etat. D’autant plus que le risque, pour Alger, était de devoir subir les pressions des pays dont des ressortissants étaient détenus par les preneurs d’otages. Ils ont craint des pressions qui allaient déboucher sur l’enlisement et sur des négociations, donc sur une victoire des preneurs d’otages, d’où la gestion musclée de l’affaire d’In Amenas. De plus, ces militaires sont des nationalistes sourcilleux et ils ont très mal pris la proposition britannique d’envoyer une unité commando pour intervenir à leurs côtés, cela étant vécu comme une ingérence de l’Occident dans une affaire interne.

Quels enseignements tirer de cet épisode ?

Les preneurs d’otages venant de Libye, le premier enseignement est que ce pays a échappé à tout contrôle. Un nouveau sanctuaire pour Aqmi est d’ailleurs en phase de constitution dans la partie sud de ce pays. Les problèmes qui vont se poser vont être autrement plus complexes que ceux que nous avons à traiter au Mali en raison de la proximité de vieux foyers de déstabilisation : Darfour, Toubou, Boko Haram au Nigeria etc.

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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