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La pandémie et son dernier avatar l’omicron vont-ils être au coeur de l’élection présidentielle?
La pandémie et son dernier avatar l’omicron vont-ils être au coeur de l’élection présidentielle?
©Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Gestion de la crise sanitaire

La pandémie de Covid-19 et le variant Omicron s'immiscent de plus en plus au coeur de l’élection présidentielle. La perception de la crise sanitaire a évolué chez les Français. Le renforcement des mesures, via le passe vaccinal, va-t-il permettre d'entretenir l'espoir d'une amélioration sur le plan sanitaire sans menacer l'équilibre politique et économique du pays ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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La pandémie et son dernier avatar l’omicron vont-ils faire l’élection présidentielle? Il est certain que l’hypothèse n’est pas théorique. La question est plutôt de savoir dans quelle proportion. Ce qui a changé c’est la perception de la pandémie. Tout est lié, les Français n’achètent plus les narratifs "alternatifs", ils savent que c’est une pandémie, qu’elle a tué beaucoup de Français, que ce n’est pas fini, que la sortie se fera par une longue surveillance. La réalité revient en cette accalmie comme un boomerang. Ils ont aussi très bien compris que nous avons besoin des autres, individuellement et comme nation. Les protections personnelles (masques, mais aussi toutes celles qu’utilisent les personnels médicaux) doivent être produites, achetées avant d’être utilisées; l’isolement est très utile quand on est positif mais sans assistance aux frontières ou à l'intérieur c'est une mauvaise blague; les médicaments, les vaccins, sont des biens qu’il faut acheter majoritairement à l’étranger car notre couple innovation développement est en panne. Enfin chacun sait au fond de lui même que  nous avons aussi besoin de nous secouer puissamment pour faire face aux défis de l’après pandémie; l’absentéisme record, le quoi qu’il en coûte, les conséquences médicales de la pandémie dans les familles, sont de puissants facteurs de désorganisation économique et de coût. L’Etat a emprunté massivement, il faut rembourser. Ces considérations sont politiques et font le lien avec l’élection et l’économie.

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Au moins 600 000 patients ont été hospitalisés pour Covid 19 en France depuis le début de la pandémie. Officiellement le nombre de décès Covid-19 est de 127 716 décès soit 2 pour mille habitants. Chaque Français connait entre 300 et 600 personnes et peut même reconnaitre 5000 visages, c’est pourquoi la plupart des Français connait un patient hospitalisé pour Covid-19. Il est ainsi facile de comprendre que les ultra-minoritaires négateurs de la pandémie hurlent dans le désert. La plupart des Français en ont marre d’être pris pour des cruches. Marre qu’on leur dise que ce qu’ils constatent n’est pas vrai. Marre que des individus montés en épingle dans les médias pour faire de l’audience viennent raconter le contraire de ce que l’on a observé la veille ou que l’on observe le lendemain. Si quelques personnes issues du monde académique médical ont particulièrement abusé de ces procédés rhétoriques, la palme va sans conteste aux spécialistes des sciences humaines qui ont fait de la pandémie un plat bien gras dont on peut abuser. Mais voilà, ils ne savent pas où est leur vésicule biliaire (merci Claude Malhuret pour le trait de style) mais ils ont un avis définitif et certain sur l'hydroxychloroquine, le remdesivir, le nombre de lits d'hôpitaux en général, les vaccins à ARN messager, la transmission d’un virus, les masques et bien sur la philosophie des sciences etc, etc…

LA MORTALITE DE LA PANDEMIE EST SOUS ESTIMEE DANS LES STATISTIQUES OFFICIELLES

C’est un fait majeur dans certains pays mais il existe aussi une incertitude et une sous estimation en France (Figure N°1).

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Figure N°1: Une question dont la réponse a changé au fur et à mesure que l’étude de la mortalité de la Covid-19 s’est fondée sur des preuves. La mortalité globale est considérablement ous estimée dans le monde.

D’une part, la remontée des données est en France assez complexe. Seuls les décès hospitaliers sont acheminés de manière électronique. Il existe plusieurs difficultés sur les décès Covid-19 à domicile, sur les évaluations effectuées à partir de la surmortalité. Cette dernière s’avère sous-estimer la mortalité Covid-19 à cause de la baisse drastique de la mortalité des autres maladies infectieuses (Figure N°2).

Figure N°2: Diminution drastique des autres infections pendant la pandémie. C’est la preuve certaine que les mesures de protection sont très efficaces et pourraient éviter des morts et des hospitalisations en dehors de la Covid-19 à l’avenir. Cette évidence est à méditer pour améliorer les soins. Vacciner contre la grippe avec un vaccin peu efficace mais ne pas mettre de masque quand on soigne est une aberration, les asiatiques sont étonnés par notre propension à l’irresponsabilité dans ce domaine de la santé publique. Nous verrons si à l’avenir les patients toussant et crachant mettront un masque dans les endroits fermés et en particulier dans la salle d’attente du médecin ou de l’infirmière.

Bref il existe encore des progrès à faire dans la connaissance réelle de la mortalité due à cette pandémie et il est très probable aujourd’hui que ces progrès conduisent à la découverte que nous avons involontairement sous estimé les décès. C’est aussi ce qu’indiquent les modèles comme celui de l’IHME (Figure N°3).

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Il est important de faire le point de ce qui se passe sur le front de la pandémie depuis l’arrivée d’omicron. La question est de savoir si la plus faible morbidité et mortalité d’omicron est due à des caractéristiques du virus ou bien à l’augmentation de l’immunité vaccinale ou bien au deux. Si les données de l’Afrique du Sud étaient très précoces et concernaient une population différente, la stabilité du nombre de cas de patients sous respirateurs au Royaume uni pendant le pic de cas omicron a été un signal certain (Figure N°4) . Omicron entraîne moins de pneumonies Covid, moins de détresses respiratoires et de morts. Au passage, on constate une fois de plus la médiocrité des données communiquées par le ministère de la santé en France. Sans les critères de gravité que sont la ventilation mécanique par respirateur, la défaillance multi-organes le sens pronostic à donner à une hospitalisation est faible. Et le sens du nombre des cas positifs non hospitalisés est encore plus faible.

Figure N°4: Le variant omicron n’envoie pas les patients en réanimation pour être intubés et ventilés. Les données du Royaume Uni sont décisives.

La transmission et la contamination sont différentes de la maladie avec atteinte des organes profonds

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Il faut différencier les contaminations (mesurées par le nombre de cas positifs), des maladies graves et des décès qui sont le plus souvent précédés d’une hospitalisation (mesurés par les entrées à l’hôpital et les certificats de décès). La figure 5A montre l'impact des variants du SRAS-CoV-2 sur l'efficacité des vaccins, en séparant l'efficacité rapportée pour éviter l'infection de l'efficacité rapportée pour éviter les maladies graves ou symptomatiques. C’est simple les variants échappent peu à peu et partiellement à l’immunosurveillance de surface, nasopharynx essentiellement mais pas à la défense des tissus profonds. Cette protection des organes vitaux par l’immunité vaccinale demeure, il s’agit du poumon dont la pneumopathie Covid-19 conduit à l’asphyxie et d’autres organes qui contribuent aux formes évolutives graves. C’est, rappelons-le, le but initial des vaccins. Ils ont été conçus pour protéger des atteintes graves. La Figure 5B décrit l'impact des variants sur deux aspects de la réponse immunitaire envers la protéine Spike: les anticorps neutralisants (normalisés au pic de réponse attendu contre la souche sauvage de SARS-CoV-2) et les cellules T. Des projections sont faites pour omicron sur la base des premières preuves et de l'analyse effectuée dans cette publication. Alors que le pourcentage des anticorps efficaces contre le virus diminue c'est-à-dire que les variants échappent à la destruction par les anticorps circulants, au contraire l’immunité cellulaire des cellules tueuses demeure à un niveau de protection élevé. C’est une donnée essentielle dans l’analyse de la morbi-mortalité.  Les deux graphes agrègent les données de plusieurs publications et vaccins/tests d'anticorps pour donner une vue représentative des tendances.

Figure N°5: la transmission sans forme grave est plutôt un renforcement de  l’immunité de chacun. C’est ce qui semble se passer avec Omicron chez les vaccinés immunisés. Chez les non vaccinés la baisse de la mortalité par rapport à Delta ne serait que de 11%. Il convient donc de ne pas regretter que le vaccin soit moins efficace contre la transmission de l’infection à Omicron et continuer à encourager les personnes non vaccinées qui n’ont pas eu la Covid-19 à se vacciner. Il faut ajouter qu’il est aussi possible de traiter les patients à risque avec le Paxlovid® ou les anticorps monoclaonaux pour ne pas exposer ces personnes surtout si elles ne sont pas vaccinées à un risque d’hospitalisation.

Il est difficile aujourd’hui de savoir si le variant omicron est intrinsèquement moins agressif bien que plus transmissible ou bien si l’immunité accumulée des populations conduit à un effondrement des formes graves évènement attendu puisque c’est depuis le début l’objectif du vaccin. Il est probable que ce soit les deux. C’est à dire environ 11 à 25 % de moindre morbi-mortalité par rapport au delta et un rôle sous estimé de l’immunité vaccinale cellulaire puisque le dosage le plus facile est celui des anticorps.

CERTIFICAT VACCINAL EXIGIBLE : LA MOITIE DU CHEMIN DE LA PREVENTION 

"Die Intelligenz eines Individuums wird an der Menge an Unsicherheiten gemessen, die es aushalten kann."

Emmanuel Kant

Il faut être extrêmement présomptueux pour prétendre savoir ce qui va se passer. Certains après s’être fait une réputation à se tromper continuent. C’est très dommage car la médecine utilise d’abord la prudence et ensuite parce que ce qu’il faut apprendre à maîtriser dans une pandémie c’est l’incertitude. On ne saura que la pandémie se termine qu’après l’avoir constaté. Dans ce contexte, le passe vaccinal est à comparer à l’obligation vaccinale.

Le passe vaccinal et la transmission

Le passe vaccinal est un instrument dont on a dit tout et son contraire. Le Conseil Constitutionnel vient de le valider.

Le but du passe vaccinal est d’éviter la transmission par des individus porteurs ou susceptibles de l’être à des individus susceptibles

Encore une fois en médecine de santé publique rien n’est blanc ou noir. La médecine populationnelle nécessite une solide compréhension des nombres, de l'arithmétique, des pourcentages (les données les plus faciles à manipuler puisque chaque % est une fraction), des fonctions mathématiques, des statistiques et des probabilités. Le vaccin n’arrête pas à 100% la contamination et la transmission qui va avec mais il la diminue significativement. Les vaccinés sont moins contaminés, moins longtemps positifs et avec des charges virales plus faibles. Ils se protègent grâce à l’immunité vaccinale des formes graves et de la mort. En réservant l’accès aux activités intérieures sans masque aux vaccinés, la transmission diminue, le risque d’hospitalisation s’effondre. Ensuite on protège, en exigeant le passe vaccinal, les non vaccinés. Avec le passe sanitaire ces derniers avaient quand même accès à ces lieux. Ils étaient les plus susceptibles d’être contaminés et malades. Notamment les non vaccinés à risque qui iront ainsi moins à l’hôpital. Enfin, les guéris sont pris en compte puisque le nombre d’injections vaccinales est établi à une pleine dose. Rappelons que les guéris vaccinés avec une pleine dose administrée assez loin de la maladie sont les personnes les mieux protégées, le plus longtemps.

La conséquence comportementale du passe sanitaire c’est la diminution de l’hésitation vaccinale

Il s’agit typiquement d’une illustration de ce que peut être un choix de compromis: vu les risques faibles du vaccin, ses bénéfices, mon choix de me rendre dans des lieux fermés sans masque, je modifie mon choix initial et je me fais vacciner. C’est une conséquence du passe. Et c’est ce qui a été observé. Ce choix est bien préférable à l’obligation vaccinale qui a la faveur des politiciens et régimes autoritaires. Il illustre aussi combien les politiques incitatives équilibrent la prise de risques et la confiance dans nos sociétés. Et à l'inverse, combien les politiques autoritaires minent cette confiance. Enfin il évite de consacrer une énergie rare celle des forces de police à des tâches de contrôle chronophages et peu efficaces. C’est pourquoi il a été maladroit d’avancer comme l’a fait le ministre que le passe était une obligation vaccinale déguisée. C’est un outil de diminution de la transmission dont une des conséquences est d’inciter à se faire vacciner. Il y a d’autres externalités cette fois négatives c’est la question de la fraude et de l’identité. Pour la fraude elle va diminuer car, par rapport au passe sanitaire, le seul QR code est celui du vaccin. La question de l’identité est en théorie très simple mais notre phobie des contrôles transparents, alors que des contrôles occultes et permanents sont en place dans tous nos actes numériques, fait qu’il n’y a pas de solution en France. Il y aura donc des tricheurs sur l’identité.

Connaître et atteindre les personnes à risque de 0 à 100 ans voilà la deuxième moitié de la prévention

Les individus à risque ont besoin d’un dispositif ciblé qui depuis le début fait défaut. En Avril 2021 j’avais alerté sur cette question. Ce deuxième pilier est un des angles morts de cette pandémie: les plus fragiles. Mais avant il convient de revenir sur ce concept. Les médias complaisants avec les narratifs alternatifs et délirants accréditent l'idée qu'il aurait suffi de vacciner les "personnes à risque". C'est un attrape nigaud. Car le détecteur de personne à risque n’existe pas et qu’il existe un continuum de risque avec de nombreux facteurs. Oui nous avons de nombreux facteurs de déficit immunitaire car nous vivons longtemps mais aussi parce que nous soignons des millions de gens qui ont des maladies autrefois mortelles aujourd'hui chronicisées par des traitements avec un prix à payer au niveau immunitaire. Nous avons aussi des "jeunes" affaiblis par l'obésité, une alimentation à >80% de produits transformés, la sédentarité etc… Certains enfants sont à risque de formes graves de Covid-19 ou de PIMS (environ 364000 selon l’HAS). Enfin les femmes enceintes sont aussi des personnes à risque à cause de leurs facteurs de risque propres et de l'immuno-tolérance liée à la grossesse. Ce point a été et est encore très sous-estimé dans les actions publiques de prévention. Il est donc totalement illusoire d’avancer une telle théorie qui consisterait à ne vacciner que les personnes à risque. Ce n’est que le énième avatar des antivax rentrés, ceux qui “ne sont pas opposés au vaccin mais”… Au contraire, il est raisonnable de se vacciner si on n'a pas été atteint et guérit de la maladie. Et pour ceux qui ont guéri de la Covid-19 une injection pleine dose de vaccin, à distance, est ce qui protège le mieux et le plus longtemps. Pour les enfants il faut proposer la vaccination sur la base des intérêts propres de l’enfant et aucunement pour faire barrière. Pour ce faire il faut des équipes mobiles de santé publique, les mêmes que celles qui auraient pu assister l’isolement des personnes positives, les mêmes qui auraient pu aider aux tests quand c’était compliqué d’en trouver ou d’en faire pour ces isolés du système principal des soins. Or si la loi les a créées, le gouvernement l’a ignorée. Nous n’avons aucun moyen humain organisé de projection de la politique sanitaire vers ceux et celles qui ne peuvent entrer dans la prévention, qu’il s’agisse de l’isolement ou de la vaccination et demain des traitements ambulatoires. À cet égard le « aller vers » formule à la mode est un slogan de bureaucrates qui n’est qu’un élément de langage.

LES TRAITEMENTS DE L'INFECTION

Sont autorisés en France les antiviraux et les anticorps monoclonaux.

Les antiviraux

Le Paxlovid® est disponible en médecine ambulatoire. Le Remdesivir (Véklury®) est disponible en France et vient d’être approuvé par la FDA pour une prescription en ambulatoire.

Figure N°6: L'efficacité du remdésivir vient d’être confortée par une étude récente qui a mieux ciblé les patients susceptibles d’en bénéficier.

L’immunothérapie adoptive des anticorps monoclonaux

L'immunothérapie adoptive comprend l'administration d'anticorps monoclonaux ou le transfert adoptif de cellules tueuses activées par les lymphocytes ou de lymphocytes T cytotoxiques. Selon les données d'activité in vitro disponibles pour le variant omicron des spécialités pharmaceutiques d’anticorps monoclonaux sont autorisés en France

La disponibilité de tous ces traitements est un puissant moyen de diminuer les formes graves de la Covid-19. La combinaison d’une immunité vaccinale en amélioration graduelle grâce au booster et d’une immunité post-infectieuse après guérison est extrêmement efficace pour l’immense majorité d’entre nous. Les antiviraux et les anticorps monoclonaux s’ils sont correctement prescrits doivent empêcher les non immunisés de faire une forme grave soit avec omicron soit avec un autre variant.

QUELLE EST LA VALEUR DU PASSE SANITAIRE EN VIE REELLE ?

Dans ce contexte est parue une note sur le site du conseil d’analyse économique du gouvernement qui est une étude des conséquences du passe sanitaire sur la pandémie et l’économie en France.

Cette étude s’intéresse en premier aux conséquences médicales de la pandémie (décès et hospitalisations)

Est-ce une réponse à la CNIL qui a demandé des “preuves” au gouvernement au sujet du passe? Un travail acdémique visant à établir les bases d’une stratégie de protection et d’une tactique d’incitation non financière? Au crédit des auteurs cette étude a le mérite d’exister. Les tenants d’une politique de santé publique orientée par la science attendent avec impatience que les nombreux départements d’épidémiologie et d’économie des universités d’état se lancent dans d’autres évaluations et les soumettent à un journal à comité de lecture. En attendant on peut faire un benchmark et constater que ce type d’étude est difficile surtout quand elles ne sont pas conçues et débutées en prospectif. Il s’agit en effet d’une étude rétrospective basée sur des observations et une modélisation. C’est le biais de ce type d’étude dans tous les domaines de l’épidémiologie que de s’exposer à ne jamais pouvoir falsifier l’hypothèse nulle (c’est l’hypothèse que le passe sanitaire n’a aucun effet sur les deux paramètres étudiés, les coséquences médicales et les conséquences économiques). Ensuite, la comparaison avec l’Allemagne et l’Italie soulève une question essentielle, celle des facteurs confondants qui pourraient expliquer les différences observées sans qu’elles aient un lien causal avec le passe sanitaire. Pour lever ces incertitudes il faut attendre le résultat du processus de revue par des pairs qui analysent les données étudiées et d’autres ainsi que le modèle et ses paramètres. Il est urgent d’attendre cette étape si bien qu’ il est plutôt aventureux d’en faire une étude sur laquelle on peut se baser (Figure N°7).

Figure N°7: Décès quotidiens (rangée du haut) et admissions à l'hôpital (rangée du bas) par million (moyenne mobile sur 7 jours) dans le déploiement réel de l’intervention (bleu) et dans le scénario contrefactuel sans intervention (rouge). En résumé la ligne bleue est le résultat observé avec le passe et la rouge celle qui est modélisée sans le passe. La zone ombrée en rouge correspond à l'intervalle de confiance à 95 %. Les contrefactuels quotidiens de décès pour la France et l'Italie et les contrefactuels quotidiens d'hospitalisation pour la France sont calculés à l'aide d'un modèle stratifié selon l'âge. Les autres contrefactuels ne sont pas basés sur des modèles stratifiés par âge en raison de données non disponibles. La ligne verticale pointillée noire est la date de l'annonce du passe sanitaire.

Le passe vaccinal est une ligne de crête entre les ressources hospitalières limitées et l’obligation vaccinale contre-productive et impossible à appliquer

Comme cela a été bien établi dans la littérature, la question de la vaccination est intimement liée au contrat social. Les non vaccinés ne représentent pas une cible homogène qui serait accessible à un type d’action. Beaucoup de personnes qui refusent de se faire vacciner ont simplement peur des vaccins. Les autorités ont initialement manqué de nombreuses occasions de mieux expliquer à quel point les vaccins sont sûrs et importants. Cela ne diminue pas la responsabilité irréfragable de ceux qui ont menti, faussé les informations, fait peur avec des documents comme le film Hold-Up par exemple, et continuent à instiller le doute. En l'occurrence on peut estimer que c’est la prodigieuse sûreté des vaccins à ARN messager qui est une des explications de leur activisme. Ces vaccins sont parmi les plus sûrs de toute l’histoire de la vaccinologie et ils exacerbent les attaques de ceux qui sentent bien que tout leur échappe. Les autorités en France n’ont pas eu un plan de communication à la hauteur de l’évènement et de nombreux professionnels issus du monde académique ont cultivé l'ambiguïté sans aucun dépens.

Il faut continuer à proposer la vaccination avec des outils de communication un peu plus évolués et exacts que le leitmotiv “tous vaccinés tous protégés”. On sait que l’agence qui l’a réalisé est au mieux très mal informée. Tous vaccinés mieux protégés, tous vaccinés mieux immunisés les vrais slogans qui informent au plus près de la vérité scientifique ne manquent pas. Il faut ajouter qu’obligés ou emmerdés les Français concernés qui ne sont pas volontaires pour le vaccin peuvent réagir négativement. C’est une difficulté supplémentaire dont le pays n’a pas besoin. Il y a ensuite ceux et celles qui ne sont pas dans le champ du système de soins centralisé, urbain et bien organisé avec un réseau de médecins et d'infirmières. On ne peut pas compter sur des initiatives individuelles ou associatives pour un enjeu de cette taille. Et enfin il y a les antivax militants, vociférants et violents. L’obligation détériore le contrat social puisqu’elle ruine la liberté et la responsabilité. Par exemple la nécessaire poursuite des protections personnelles dans une pandémie même s'il existe un vaccin efficace. Cette obligation est hors d’atteinte pour les forces de l’ordre aujourd’hui en France. Le passe vaccinal est une transition vers la sortie de l’épidémie. Il pourrait permettre de ménager nos ressources (il y a d'autres moyens complémentaires comme les protections personnelles, le TTIQ, les médicaments mais il en fait partie) et de maintenir un consensus social comme le démontre l’opinion des Français.

Le contexte actuel à 10 semaines du premier tour fait penser à une élection présidentielle qui ferait irruption dans la pandémie plutôt que l’inverse. On peut aussi dire cela de l’épreuve de force à l’est de l’Europe. Il ne fait pas de doute que l’actuel président tire le plus possible le tapis de la pandémie sur les autres réalités afin de déclencher à son opportunité un blitzkrieg. Il n’est pas facile de démêler les fils de la science qui traque le virus d’un côté et de la politique nationale ou internationale de l’autre. Et nous savons tous qu’il faut se méfier: quand on mélange science et politique on obtient toujours de la politique.

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