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France : c’était mieux avant ? Vraiment ? Mais quand ?
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Zone franche

En France et sur trois décennies, assure l’OCDE, les inégalités régressent. Mais si tout va plus mal alors que tout va mieux, faut-il que ça empire pour que ça s’améliore…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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C’est un drôle d’animal, la France. Toujours à contre-courant. Les inégalités s’accroissent partoutsauf ici. Les dépenses publiques en pourcentage du PIB plongent universellement, sauf chez nous (nous en sommes à 56,2%. Même le Danemark est largué).

Demandez pourtant à n’importe qui ― riche comme Crésus ou pauvre comme Job, maigre comme un coucou ou gras comme un cochon ― ce qu’il pense du "train où vont les choses" dans l’Hexagone : pas de doute, c’était mieux avant.

Oh, on ne sait pas le dater avec précision, cet « avant » édénique. Mais on s’en souvient quand même avec nostalgie. Vous savez bien, cette époque où tout le monde avait un boulot stable et bien payé, une maison spacieuse et confortable, deux voitures au garage et un studio à Méribel pour l’incontournable séjour au ski du mois de février…

Des clochards dans les rues ? On n’en voyait pas, ou alors des Archimède à la Gabin, joyeux chemineaux amateurs de gros rouge. Des vieux en difficulté ? Tss, ils dépensaient tous leurs retraites mirifiques en croisières dans les Caraïbes et en randonnées pédestres dans le Haut-Atlas. Des jeunes paumés à l’avenir incertain ? Allons donc !

Au risque de passer pour, au choix, un affreux cynique ou un terrible naïf incroyablement déconnecté des réalités, j’ai plutôt l’impression que, crise majeure du modèle social-démocrate ou pas, les choses ne sont jamais allées aussi bien qu’aujourd’hui. Eh oui, c’est comme ça.

Ah, ça va mal, c’est sûr. Il y a la queue aux Restos du cœur et le Pôle emploi joue à guichets fermés, mais il faudrait chercher un bon moment avant de tomber sur un indicateur vérifiable, observable, démontrable, tangible, concret et palpable (j’arrête là, le thesaurus de Word est à bout de souffle) apportant la preuve d’une dégradation des conditions de vie des Français et d’une situation matérielle objectivement inférieure de la génération montante à celle de n’importe quelle autre à travers l’histoire…

Voyons voir : les Français ont-ils jamais vécu aussi longtemps qu’aujourd’hui ? Ont-ils jamais été aussi nombreux à être propriétaires de leur logement, à posséder une voiture, à faire des études, à voyager, à pratiquer un sport, à jouer d’un instrument de musique, à aller au théâtre, à consommer de la viande, à lire des livres (oui, à lire des livres, absolument !) ?

Le nombre de places en crèches a-t-il un jour été plus élevé ? Le taux d’alphabétisation plus faible ? Les appartements mieux chauffés et mieux dotés en sanitaires ? La participation des femmes au monde du travail plus importante ? La mortalité infantile plus basse ? Le taux de rémission des cancers plus haut ? Les salaires, les retraites et les patrimoines moyens inférieurs ? La presse moins diverse et moins libre ?

Même la tarte à la crème number one, cette idée que les inégalités ne cessent de progresser dans notre vallée de larmes, se révèle du pur baratin à la lecture du dernier rapport de l’OCDE sur les différences de niveau de vie entre catégories de populations ("déciles", en jargon d’économiste). Au pire, ces inégalités sont stables ; au mieux, elles auraient même tendance à régresser sur un quart de siècle. Un exemple : en 2008, le revenu moyen des 10% de Français les plus riches était 7 fois plus élevé (61 000 euros par an) que celui des 10% de Français les plus pauvres (8 700 euros par an). En 85, il était 8 fois supérieur (et dans la plupart des pays développés, c’est plutôt 9)…

Mais constater que les Français ne l’ont jamais eu aussi bonne, est-ce que c’est abdiquer ? Est-ce que c’est se dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et que ceux d’entre nous qui restent sur le bord de la route n’ont qu’à filer se laver les pieds ? Certainement pas. Y parvenir, à ce niveau de vie, c’était du boulot. Le conserver en l’état ou l’améliorer, ça risque d’en être encore bien davantage. Ça n’empêche pas d’avoir envie de rappeler à l'occasion que le peuple le plus flippé de la planète n’est sans doute pas le plus à plaindre.

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