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Mais pourquoi cette obsession de l’Elysée et d’Alexandre Benalla à nier le rôle opérationnel que l’homme du président aurait pu jouer sur sa sécurité ?
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Chargé de mission

Les fonctions d'Alexandre Benalla auprès du président de la République ont suscité beaucoup d'interrogations. A la suite de l'audition de l'ancien chargé de mission auprès de l'Elysée, de nouveaux éléments ont été dévoilés.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Comment expliquez-vous cette volonté de l'Elysée à masquer le fait qu'Alexandre Benalla aurait pu occuper des fonctions opérationnelles relatives à la sécurité du président ?

Xavier Raufer : En général, depuis le Général de Gaulle, les grands chefs de la police et de la gendarmerie détestent qu'il y ait une opération parallèle à la présidence de la République ou au ministère de l'Intérieur. Ils estiment qu'ils sont tenus par des obligations juridiques impliquant leur savoir faire et qui les rendent légitimes.
Deuxièmement, les présidents de la République se sont plus ou moins toujours abstenus d'avoir autour d'eux, dans le cadre de leur sécurité, des individus choisis dans le privé et dont les missions étaient peu claires.
D’abord parce que pour des gendarmes de haut-rang, être au contact avec le Président de la République c'est quelque chose de très prestigieux auquel ils sont très attachés et généralement l'histoire à ce niveau-là se résume à des guerres picrocholines entre la police et la gendarmerie. Mais ça ne sort pas de la sphère de la sécurité publique. Dans ce cas précis, sans doute par amateurisme mais également parce que monsieur Benalla n'a pas été bien maitrisé par son entourage à l'Elysée, nous n’avons pas compris que ce monsieur était une espèce de mouche du coche qui voulait être au premier rang de tout, qui avait une sorte d'ambition délirante d'être la voie d'accès au président.
Il voulait, comme les grands, avoir un pistolet. Il voulait avoir la voiture siglée police, etc.. C'était le genre d'individu qu'il fallait absolument écarter de ce genre de responsabilité. Car dans le monde que nous vivons, tout est stocké et tout peut se retrouver. C'est la raison pour laquelle il s’agit là d'amateurisme. Mais l'entourage de M Macron pris par d'autres taches n'a pas compris le danger de l'individu et si quelqu'un l'a compris; il n'en a pas parlé au président et s'il en a parlé il n'a pas su être convaincant parce que cet individu devait être écarté tout de suite.
C'est tout à fait le genre de personne avec lequel on ne peut avoir que des salades.
Ensuite, les policiers, les gendarmes et ceux chargés de la sécurité de la présidence par principe ne veulent pas d'amateurs dans leurs pattes. C'est follement dangereux. Imaginez un jour où des gens officiellement chargés de protection du président  voient un individu tourner de dos et remarquent la crosse d'un pistolet. Il y a un mort tout de suite ! Cela peut déclencher des catastrophes. Dans ce dispositif, Alexandre Benalla est passé à coté de la mort plus d'une fois.
Alors naturellement, le meilleur moyen d'éviter la colère -et elle est profonde- est de garder le silence. Ils ont un devoir de réserve. C'est pour cela que les syndicats de policiers sont sur les dents et sont très offensifs sur cette affaire.
A l'heure actuelle, ce qu'on me dit, c'est que Macron pour l'essentiel, a perdu leur confiance et ça c'est très grave dans la Vème République. Ce qui émane de M Macron, c’est qu’il ne donne pas aux policiers le sentiment qu'il les écoute, qu'il les aime.
Donc le mal est fait mais il peut s'aggraver. Et c'est la raison pour laquelle il a bien pris soin de dire qu'il était là pour s'occuper de recevoir des veuves et des orphelins, qu'il détenait les clés de la maison du Touquet mais qu'il était pas là pour des raisons de sécurité.

Vous évoquez maintenant, le déficit de confiance entre l'Elysée et la police mais est-ce que depuis le début de l'été, l'Elysée a tenté de rétablir des relations de confiance avec la police ?

Ca ne s'est pas bien passé parce qu'un des autres motifs d'exaspérations de la haute hiérarchie policière, c'est M Collomb, qui est fatigué et qui ne répond pas à leurs attentes. Au Ministère de l'intérieur, vous êtes réveillés pratiquement toutes les nuits à 3h du matin. Donc le fait d'avoir un homme vieilli et semble-t-il fatigué, au ministère de l'intérieur, c’est quelque chose de délicat.
Finalement rétablir une relation de confiance, ce serait peut-être changer de personnalité pour le ministère de l'intérieur.

Concernant le fait que l'Elysée ait masqué les fonctions opérationnelles d'Alexandre Benalla, est-ce qu'il y a un risque juridique ?

Honnêtement, le risque énorme c'est la confiance. Ce qui est grave, c'est le fait qu'un élément essentiel du pouvoir régalien de la France, c'est-à-dire le lien entre le président de la république et les grands acteurs de la sécurité de ce pays, soit détérioré. C'est ça le problème. Donc il faut raser les murs.

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