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Obama règle ses comptes avec Trump... et souligne dans le même temps tous les échecs de sa propre action à la Maison Blanche
©Reuters

Vindicatif

Obama persiste et signe. Alors qu’il ne lui reste que quelques jours avant de se retirer, il intervient tous azimuts pour compliquer ou bloquer la tâche de son successeur.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Dans trois semaines Barack Obama ne sera plus président des Etats-Unis. Il achève son second mandat et quittera définitivement la Maison Blanche. Mais il est pour l’instant encore aux commandes et ses récentes décisions indiquent qu’il entend exercer son mandat jusqu’au bout et verrouiller autant qu’il le peut les dossiers qui lui tiennent à cœur.

Obama agit avec une sorte de liberté retrouvée. Se sachant sur le départ il n’hésite pas à laissant parler ses sentiments, faisant fi des conventions diplomatiques. Sur la scène internationale, il apparait comme celui qui règle ses comptes avant de partir. En politique intérieure il cherche moins à préserver un héritage, qu’à bloquer à l’avance les actions de son successeur. Disons-le clairement, sa posture est partisane et peu glorieuse. Ses gestes sont défensifs et emprunts d’amertume. Il court le risque d’être dédit et de laisser derrière lui l’image d’un homme vindicatif au bilan peu reluisant.

Ainsi le 23 décembre, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a voté à 14 voix contre 0 et 1 abstention (celle des Etats-Unis) la résolution 2334 condamnant l’extension des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jerusalem-Est. Ce fut une défaite diplomatique pour Israël et une victoire symbolique pour le camp arabe. Elle n’a été rendue possible que par l’abstention américaine. Les Etats-Unis auraient pu imposer leur véto comme ils l’ont fait par le passé. L’administration Obama a choisi de laisser faire pour envoyer un message à Israël, et en particulier à son premier ministre Benjamin Netanyahu. Un message de frustration qui rappelle combien la relation américano-israélienne a été chaotique depuis huit ans.

Sur le fond la résolution ne change pas grand-chose. Elle demande à Israël de stopper toute implantation dans les territoires. Cela n’est pas nouveau. Benjamin Netanyahu a déjà indiqué qu’il jugeait la résolution « honteuse » et qu’Israël n’obéirait pas à cette injonction. C’est la première fois, en huit ans, que l’administration Obama a laissé passer un tel texte. Toutefois le geste n’est pas sans précédent. Deux fois, par le passé, les Etats-Unis se sont abstenus lors de votes demandant le gel des colonies, et soulignant qu’une « solution à deux Etats » passe par la restitution des territoires occupés depuis 1967. La première remonte à 1987 et l’administration Reagan, la seconde à 2003 et l’administration de George W. Bush. Ce qui diffère ici est le timing de la résolution. Survenant au crépuscule de l’administration Obama elle semble comme un baroud d’honneur qui ne fait que souligner l’échec de la politique américaine  vis-à-vis de son premier allié.

Les relations entre les deux pays ont rarement été aussi tendues que sous l’ère Obama. Le président américain ne s’est jamais entendu avec Benjamin Netanyahu, et ce dernier ne lui a jamais fait confiance. Les deux hommes se sont accrochés à plusieurs reprises. Entre la main tendue d’Obama à l’islam via son discours du Caire de juin 2009 et l’accord sur le nucléaire iranien de juillet 2015 Israël a eu de quoi s’inquiéter des choix de l’administration. En retour Netanyahu a traité John Kerry par le dédain. Le problème tient à une lecture opposée de la situation au Proche Orient. Pour Obama, les implantations de colonies constituent l’obstacle numéro un à une solution de paix. Pour Netanyahu et la droite israélienne, c’estla poursuite des activités terroristes par les Palestiniens et leur refus de reconnaître l’existence d’Israël, qui sont les vrais obstacles à cette même paix.

Les partisans de Netanyahu soulignent qu’en 2005 Israël s’est entièrement retiré de Gaza. Toutes les colonies avaient alors été détruites et quelques huit mille colons avaient été évacués de force. Or ce retrait avait été sanctionné deux ans plus tard, côté palestinien, par la prise de contrôle de Gaza par le Hamas et la reprise des attaques contre Israël à partir de ce territoire… Pour Israël la question des colonies est une diversion qui détourne du vrai problème. Voir son protecteur adopter le discours de l’ennemi est sans doute le pire message transmis par ce vote.

Quelques jours plus tard,  Barack Obama a décidé d’expulser une trentaine de « diplomates » russes en réaction aux « interférences » supposées de la Russie dans la récente campagne présidentielle américaine. En clair les Démocrates accusent Moscou d’avoir favorisé l’élection de Donald Trump en piratant les ordinateurs du parti ce qui leur aurait permis de récupérer certains des fameux emails perdus d’Hillary et  de laisser fuiter des révélations embarrassantes sur la conduite des primaires. Le problème est que si le piratage du système informatique du parti démocrate est bien réel, l’ingérence des services secrets russes est loin de l’être. Quant à une manipulation de l’électorat américain et du candidat républicain, cela tient carrément du fantasme. La Maison Blanche n’a toujours pas digéré la défaite d’Hillary et  la victoire de Donald Trump. Elle préfère désigner un bouc émissaire extérieur plutôt que d’examiner les causes profondes de cet échec retentissant.

Toutefois cette affaire a une autre dimension car elle concerne les relations entre les deux plus grandes puissances militaires de la planète, deux pays qui ont entrainé le monde dans quatre décennies de guerre froide et qui menacent de l’y replonger. Or Donald Trump a promis de revoir fondamentalement la relation américano-russe à la lumière des intérêts communs qui lient ces deux  pays – notamment dans le domaine énergétique - et des nouvelles menaces qui pèsent contre eux– avec en tête le menace du terrorisme islamique. Les sanctions décidées par Barack Obama ont pour objectif non avoué d’empêcher ce rapprochement. Pour l’heure la manœuvre a échoué car Moscou a décidé de ne pas réagir et d’attendre calmement que la nouvelle administration se mette en place.

Un quart de siècle après la chute du mur de Berlin, il est étonnant de constater combien les analyses de nombreux experts américains sont restées figées dans une grille de lecture devenue obsolète. Sans pêcher par naïveté sur les intentions russes – qui sont de promouvoir les intérêts exclusifs de la Russie – il est grand temps que les Etats-Unis (et les pays occidentaux) ouvrent les yeux sur ce qui constitue une véritable menace contre leurs intérêts vitaux et sur ceux qui peuvent les aider dans ce nouveau combat.

Barack Obama, porteur de tant d’espoirs il y a huit ans, vient de démontrer qu’il était incapable d’une telle démarche. Dans un dossier connexe il a démontré au contraire qu’il préférait conter les intentions de son successeur. Ainsi,  il a décidé supprimer un système de contrôle fédéral des entrées et sorties du territoire américain de ressortissants issus de pays musulmans (un système connu en anglais sous les initiales NSEERS, pour National Security Exit-Entry Registration System). NSEERS avait été mis en place en 2002, un an après les attentats du 11 septembre 2001, perpétrés par des ressortissants saoudiens ayant pu entrer et sortir des Etats-Unis comme s’il s’agissait d’un supermarché. Il concernait les ressortissants d’une vingtaine de pays, tous musulmans. Le système avait été mis en sommeil en 2011, mais il pouvait être relancé. Ce n’est plus le cas, Barack Obama l’a supprimé.

L’objectif est d’empêcher Donald Trump d’interdire l’entrée du territoire américains aux musulmans ainsi que ce dernier  a indiqué souhaiter le faire durant la campagne électorale.  Pour Obama il s’agissait de ne pas tomber dans l’amalgame entre « terroriste » et « musulman ». Une position, certes politiquement correcte, mais surtout politiquement dangereuse. L’Allemagne vient d’en faire la douloureuse expérience. L’auteur présumé de l’attentat contre le marché de Noël à Berlin ayant profité de la porte ouverte aux migrants syriens pour s’introduire dans le pays et y préparer son attentat.  Ainsi que l’écrit le général Michael Flynn, nouveau conseiller à la Sécurité Nationale de Donald Trump,  dans son essai Field of Fight( Le champ de bataille) « lorsqu’on est en guerre il faut définir et désigner l’ennemi, or les dirigeants américains actuels refusent et interdisent même de le faire, c’est la garantie de perdre la guerre ». S’il est évident que tous les musulmans ne sont pas des terroristes, il n’en est pas moins vrai que tous les terroristes ayant commis récemment des attentats aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Angleterre et ailleurs étaient des islamistes, c’est-à-dire des musulmans fanatisés. S’interdire de se protéger et de lutter contre ce type de personnage au nom de la correction politique est inconscient. La décision d’Obamapourrait avoir des conséquences tragiques…

Moins tragique mais tout aussi néfaste à l’avenir économique des Etats-Unis est sa décision d’interdire l’exploration pétrolière dans les eaux de l’Océan arctique et dans un certain nombre de territoires fédéraux, représentant une superficie de près d’un million d’hectares. Alors que Donald Trump a fait de l’exploitation des énergies fossiles en vue de parvenir à une totale indépendance énergétique l’une de ses priorités. Ici, la raison invoquée par l’administration est la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème est que le réchauffement climatique reste un sujet de débat – même si ses tenants font tout pour l’étouffer – et que  les étendues de l’arctique sont suffisamment vastes et vides pour que l’environnement n’y soit pas sérieusement menacé par des études de forage. L’objectif est donc bien d’empêcher son successeur de mettre en place sa politique.

Obama peut se prévaloir pour cela d’avoir la majorité des Américains avec lui. Hillary Clinton, qu’il a activement soutenue durant la campagne, a rassemblé plus de deux millions et demi de suffrages de plus que Donald Trump. Mais elle a perdu l’élection. Elle l’a perdue parce qu’elle est restée sourde et aveugle aux plaintes des Américains victimes d’une économie poussive, de la fuite des emplois, et du mépris des élites pour leurs difficultés. En fait c’est l’ensemble du parti démocrate qui s’est détourné de son électorat et qui en a payé le prix cher. Par ses décisions récentes Barack Obama démontre qu’il est non seulement  toujours sourd et aveugle à ces complaintes mais qu’il est aussi prêt à sacrifier l’intérêt de ses concitoyens à son parti pris idéologique. Bref, il préfère régler ses comptes que servir les électeurs. Ces derniers seraient avisés de s’en souvenir. 

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