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Nus face au terrorisme : comment l’Europe pourrait se réarmer moralement et idéologiquement : la réponse de Denis Tillinac
©Reuters

SERIE

Atlantico a demandé à plusieurs personnalités quelles étaient les raisons du désarmement idéologique européen actuel. Ils nous ont expliqué le lien entre le pacifisme originel de l'après-guerre et le sentiment d'impuissance actuel. Quatrième numéro de cette série avec Denis Tillinac.

Denis  Tillinac

Denis Tillinac

Denis Tillinac est écrivain, éditeur  et journaliste.

Il a dirigé la maison d'édition La Table Ronde de 1992 à 2007. Il est membre de l'Institut Thomas-More. Il fait partie, aux côtés de Claude Michelet, Michel Peyramaure et tant d'autres, de ce qu'il est convenu d'appeler l'École de Brive. Il a publié en 2011 Dictionnaire amoureux du catholicisme.

 

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Avec l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray qui a vu deux islamistes mettre à mort un prêtre, et la multiplication des attaques en Europe, n'est-il pas plus tentant de considérer notre époque comme celle d'un conflit de civilisation ?

Denis Tillinac : Il ne s'agit pas d'un conflit de civilisation mais d'un conflit interne à notre civilisation puisque la plupart des terroristes impliqués dans les dernières attaques commises sont des Français en rupture avec la culture ambiante. D'ailleurs Daesh ne revendique les attentats qu'a posteriori. Dans l'aire civilisationnelle arabo-musulmane que peut constituer le Proche et le Moyen-Orient, Daesh tue en priorité des musulmans.

Plutôt que de parler de conflit civilisationnel, il convient davantage d'évoquer la pulsion nihiliste à l'intérieur de deux ensembles géopolitiques et culturels que sont l'Occident et le Proche/Moyen-Orient, tous deux travaillés par des forces internes négatives. En Occident, on remarque l'absence d'idéal dans une société capitaliste mondialisée, après la disparition du rêve communiste, de l'ascenceur social, et des valeurs verticales qui structuraient tout le monde. Pour ce qui est de l'espace arabo-musulman, celui-ci a échoué dans son unité à travers le nationalisme et le socialisme arabes; plus généralement, il a échoué dans sa renaissance après l'épisode colonial. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas parler d'un conflit de civilisation. 

A lire également sur notre site : "Nus face au terrorisme : comment l’Europe pourrait se réarmer moralement et idéologiquement : la réponse de Gilles-William Goldnadel"

Pourquoi est-ce que l'Europe échoue aujourd'hui à garantir la paix qu'elle s'était jurée de faire advenir en 1945 ?

La paix existe en Europe entre les Etats-nations qui ont été longtemps en guerre, à l'exception de l'épisode balkanique, confiné au fin fond de l'Europe qui n'était pas concerné par l'idéal européen des démocrates chrétiens et des socialistes des années 1950.

A l'heure actuelle, l'Europe semble incapable de résorber une menace terroriste polyvalente émanant d'une population d'origine non-européenne qu'elle n'a plus la capacité d'assimiler. Ceci s'explique tout d'abord par le nombre - ce n'est pas la même chose pour la France d'assimiler 1 million d'arabo-musulmans que 6 millions - mais également parce que la culture du doute, de la négation de soi, voire de la repentence, a miné le corps social - notamment par le truchement des élites et des médias - inoculant une sorte de virus défaitiste selon lequel c'est toujours l'autre qui a raison.

Dans ces situations, il est donc difficile de mobiliser sur un registre autre que celui de l'émotion, en allant poser des bougies place de la République ou devant le Bataclan. Ceci ne sert à rien et ne fait que révéler l'extrême faiblesse socio-psychologique des peuples européens. Cela s'explique peut-être parce qu'ils sont vieux, qu'il y a longtemps qu'ils n'ont pas fait la guerre, ou bien qu'ils sont au bout de leurs ressources morales, spirituelles, intellectuelles.

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Que faut-il faire aujourd'hui pour refonder une identité commune viable et protectrice en Europe ?

Pour cela, chaque nation doit commencer à réaffirmer ses invariants identitaires, à commencer par la France. Il n'y aura pas de réponse européenne à proprement parler, au mieux des stratégies policières, judiciaires européennes, mais ce n'est pas de cela dont il s'agit ici. Le réarmement doit être moral, et pour cela, le préalable consiste en la rédéfinition des fondements greco-latins et judéo-chrétiens de notre culture. Cela nécessite une véritable pédagogie, en commençant par Athènes, puis Jérusalem, Rome, le Moyen age, la Renaissance, l'âge classique, les Lumières, le Romantisme, etc. Il s'agit d'affirmer que tout ceci est constitutif de notre histoire, et rien d'autre.

Il faut donc refuser totalement de légitimier, de quelque manière que se soit, des cultures exogènes. Il y a bel et bien une égalité de toutes les confessions devant le droit mais cette égalité n'existe pas devant la mémoire. Tout ce qui ressemble à un différentialisme culturel doit être refusé. Que se soit dit : le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme ont une mémoire, des racines en France; l'hindouisme, le boudhisme et l'islam n'en ont pas. Nos hauts dirigeants doivent en prendre symboliquement acte. A ce moment-là, nous pourrons éviter un communautarisme qui pourrait finir par devenir inéluctable et qui nous mener à des fractures proches de la guerre civile. 

A lire également sur notre site : "Nus face au terrorisme : comment l’Europe pourrait se réarmer moralement et idéologiquement : la réponse de Christophe De Voogd"

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