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Nucléaire : comment Cadarache tente d’éviter à la France un Fukushima
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Tremblez !

Un exercice simulera ce mardi un séisme impactant le centre d'études sur l'énergie nucléaire de Cadarache. Il s'agit pour tous les acteurs de la sécurité nucléaire de tester les capacités de réaction de chacun en situation de crise. La France peut-elle vivre un jour son Fukushima ?

Henri de Choudens

Henri de Choudens

Henri de Choudens est ingénieur polytechnicien, ancien président de l’Institut des Risques Majeurs de Grenoble.

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Atlantico : Un exercice d'envergure régionale simulera ce mardi un séisme impactant la centrale nucléaire de Cadarache. Les centrales nucléaires françaises sont-elles armées pour faire face à un éventuel tremblement de terre ?

Henri de Choudens : Règlementairement, quand l’on construit une centrale, il y a une prise en compte méthodique de la sismicité de la région sur laquelle est implantée la centrale nucléaire. On étudie ce que l’on appelle le Séisme maximum historique vraisemblable.L’idée est de déterminer le risque en recherchant dans le passé ce qui a pu se produire dans le secteur et en analysant bien entendu les données scientifiques dont on dispose sur l’existence d’éventuelles failles ou de particularités géologiques.

Ensuite, nous nous fixons une valeur de magnitude de ce séisme historique vraisemblable, on le majore d'une demi-échelon (si le séisme historique est de magnitude 6, on prend pour le dimensionnement de le centrale, un séisme de magnitude 6,5 dont l'épicentre serait sous la centrale) et la centrale est construite en conséquence pour résister à un séisme d’une telle valeur.

Ce sont des expériences qui sont reconduites très régulièrement car les données évoluent au grès des changements de sols.

Est-il possible de passer à côté d’un séisme ?

Il est possible de détecter les tremblements de terre. Tout cela est bien étudié et surtout surveillé. Dans les régions spécialement sismiques, il y a des réseaux de surveillance qui enregistrent même les secousses les plus infimes. C’est une opération qui se produit près d’une fois par semaine.

En revanche, c’est un réseau de surveillance et non pas de prévisions. La prévision des tremblements de terre n’est pratiquement pas possible. On ne peut pas encore dire quelle amplitude maximum pourrait avoir tel ou tel séisme.  Il y a eu des tas d’éléments qui ont été indiqués comme ayant la possibilité de prévoir les secousses mais qui ne donnent rien de concret. Certains ont même parlé du comportement animal. On dit que les animaux seraient très sensibles à de très faibles mouvements de sol et qu’ils pourraient alors nous avertir d’une éventuelle secousse sismique. Cela reste assez folklorique je crois.

La théorie la plus sérieuse est celle du dégagement du gaz radon(gaz radioactif émis par l’uranium qui se trouve à l’état de trace dans pratiquement tous les terrains) qui aurait tendance à se dégager de façon beaucoup plus importante quand il  y a une menace sismique.

En termes de prévention et d’information, que fait la sureté nucléaire ?

Je pense que les gens qui vivent à proximité des centrales sont plutôt bien prévenus. Il existe des commissions locales d’information qui sont mises en place autour de toutes les installations nucléaires françaises. Elles ont pour rôle d’informer la population et l’on y retrouve aussi bien des élus locaux que des membres d’associations.

Ce qui est important c’est qu’il y ait une information pérenne. Il ne faut pas seulement lancer des grandes campagnes comme on le fait de temps en temps et puis ne plus en parler pendant trois ou quatre ans. On constate à l’Institut des risques majeurs (IRMA) que les informations que l’on donne pendant ce genre de campagne tombent rapidement dans l’oubli.

Une fois l’accident passé, comment s’organise la réaction ?

L’intervention en cas de crise est régie de façon très organisée. Il y a dans chaque installation un Plan d’organisation interne (POI) qui coordonne, au niveau de l’exploitant, la réponse à une éventuelle catastrophe. Il s’agit de mettre en œuvre tout ce qu’ils peuvent pour limiter les dégâts causés par l’accident et pour éviter qu’il y ait un surcroit d’atteinte à l’environnement.

Si l’accident se propage à l’extérieur de la centrale et qu’il y a des fuites radioactives, le préfet prend les choses en main. Il lance alors un Plan particulier d’intervention (PPI) pour protéger l’environnement et les populations. Il peut déclencher l’alerte à la population par les moyens classiques d’alerte (sirènes, haut-parleurs voiture, appels téléphoniques de masse etc…). La consigne pour la population est alors de rester confiner chez soi. Si la situation devient trop grave, le préfet peut aussi ordonner l’évacuation préventive de la population.

Qui intervient alors à l’intérieur de la centrale ?

Toute centrale a un service de sécurité et de sapeurs-pompiers spécialisés dans les interventions en milieu radioactif. Elle peut aussi faire appel à des secours extérieurs comme les Cellules mobiles d’intervention radiologique (CMIR) pour effectuer des mesures.

Si vraiment la situation le veut, le préfet peut aussi ordonner une mobilisation des moyens nationaux. L’Autorité de sureté nucléaire (ASN) est bien évidement mise en alerte. Elle se charge de conseiller le préfet et le gouvernement sur les mesures nécessaires à prendre.

Quel est le risque le plus dangereux pour les centrales françaises ?

Le risque le plus important n’est pas un risque simple : séisme, inondation, ouragan etc... Nous sommes plutôt bien armés pour résister à ce genre de catastrophes. Ce qu’il faut éviter absolument c’est la conjonction de plusieurs risques comme cela s’est passé à Fukushima. Au Japon, le tremblement de terre en lui-même n’aurait pas causé autant de problèmes. La centrale a très bien résisté aux secousses. Ce qui a provoqué la catastrophe c’est que ce tremblement a engendré un tsunami dont l’importance a été sous-évaluée.

C’est justement ce qui est étudié actuellement dans le cadre de la réévaluation de la sureté des centrales nucléaires. L’ASN demande à EDF de déterminer les phénomènes catastrophiques qui pourraient se déclencher en réaction à un phénomène d’origine.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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