Non, ça n’est pas à cause des études sur le cerveau qu’il faut séparer filles et garçons à l’école<!-- --> | Atlantico.fr
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Les filles et les garçons connaissent des différences cérébrales et cognitives.
Les filles et les garçons connaissent des différences cérébrales et cognitives.
©Reuters

Mélange des genres

Même si les filles et les garçons connaissent des différences cérébrales et cognitives, aucune n'est suffisamment prégnante pour justifier de les séparer à l'école. Au contraire, ce choix pourrait même accentuer les stéréotypes.

Franck Ramus

Franck Ramus

Franck ramus est directeur de recherches au CNRS, professeur attaché à l’ENS, il travaille au Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique, Institut d’Etude de la CognitionEcole Normale Supérieure à Paris, au sein duquel il dirige l’équipe "Développement cognitif et pathologie".

Il est co-directeur du Master Recherche en Sciences Cognitives (ENSEHESSUniversité Paris-Descartes).

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Atlantico : "Faut-il séparer les garçons des filles à l'école ?" est une des questions qui animent le débat des sciences de l'éducation. Et il semblerait que le ministère de l'Education soit prêt à donner raison aux détracteurs d'une éducation séparée, estimant dans de nouvelles directives que les différences entre les capacités cognitives des filles et des garçons relèveraient de généralisations. Que sait-on aujourd'hui des différences cérébrales et cognitives entre les filles et les garçons ?

Franck Ramus : Il existe des différences cérébrales et cognitives entre garçons et filles, mais elles sont de manière générale faibles, avec un large recouvrement des performances entre les deux sexes. Par exemple, les filles sont en moyenne meilleures que les garçons en lecture, en écriture et en aisance verbale, alors que les garçons sont meilleurs en moyenne aux tests demandant de manipuler et d’utiliser des représentations dans l’espace. Les résultats sur la mémoire sont partagés, avec des différences de sexe allant dans des directions opposées selon les types de mémoire. Répétons-le, ces différences moyennes sont faibles, ce qui implique qu’il y a de nombreux garçons et filles qui ont des performances plus conformes à celles typiques de l’autre sexe. Il n’existe aucune capacité cognitive sur la base de laquelle on pourrait entièrement distinguer les garçons des filles.

Ces différences peuvent-elles justifier que l'éducation des filles et des garçons se fasse de manière séparée ?

On voit mal pourquoi des différences aussi minimes pourraient justifier une éducation séparée. En vérité, les différences neurocognitives entre les sexes, réelles ou présumées, ne peuvent pas à elles seules servir à justifier une éducation séparée.

Sur quelles autres bases peut-on justifier une éducation séparée entre les filles et les garçons ?

La seule justification qui pourrait être convaincante, ce serait s’il était prouvé qu’à la fois les garçons et les filles apprennent mieux en milieu unisexe qu’en milieu mixte. Or de telles comparaisons ont été effectuées à grande échelle par plusieurs études américaines, mais n’ont pas montré d’avantage particulier de l’éducation unisexe.

Le fait de séparer les filles et les garçons ne risque-t-il pas d'accentuer certaines différences ? Si le fait de séparer les élèves peut dans un premier temps leur être bénéfique, quelles peuvent en être les conséquences à long terme ?

L’éducation unisexe peut bien sûr aussi avoir des effets négatifs. Il a été montré que plus les enfants passent de temps avec d’autres enfants du même sexe (même dans les milieux mixtes), et plus ils adoptent des comportements conformes aux stéréotypes de genre, les garçons devenant notamment plus agressifs. Dans l’optique d’une plus grande égalité entre les sexes, il semble souhaitable au contraire de réduire l’écart entre les genres, et par conséquent de donner aux garçons et aux filles plus d’opportunités d’interagir les uns avec les autres. Plus généralement, l’ensemble de la société est mixte et suppose une cohabitation et une coopération harmonieuse entre les sexes à tous les niveaux. On voit mal comment y préparer au mieux les garçons et les filles en les empêchant de cohabiter et de coopérer dès le plus jeune âge.

Pour autant, on aurait tort de croire que l’éducation mixte suffit à réduire les stéréotypes de genre et à promouvoir une coopération optimale entre les sexes. Il y a certainement encore beaucoup à faire dans ce domaine, et il me semblerait plus fructueux de se pencher là-dessus que de vouloir séparer garçons et filles.

Pour aller plus loin : 

Halpern, D. F. (2012). Sex differences in cognitive abilities (4th ed.). New York: Psychology Press.Halpern, D. F., Benbow, C. P., Geary, D. C., Gur, R. C., Hyde, J. S., & Gernsbacher, M. A. (2007). The Science of Sex Differences in Science and Mathematics. Psychological Science in the Public Interest, 8(1), 1-51.

Halpern, D. F., Eliot, L., Bigler, R. S., Fabes, R. A., Hanish, L. D., Hyde, J.

Martin, C. L. (2011). The Pseudoscience of Single-Sex Schooling. Science, 333(6050), 1706-1707.

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