Disraeli Scanner
Non aux politiques identitaires, vive le principe d'identité !
Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXè siècle.
Disraeli Scanner
Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880. Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat. L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874
27 août 2017
Mon cher ami,
Après plusieurs semaines mausssades et fraîches, je me suis réjoui de retrouver les couleurs d'un ciel d'été et de voir, le matin, les fleurs de mon petit enclos scintiller quand la rosée finit de s'évaporer. Le gazouillis joyeux des oiseaux contrastait avec la morosité des grands titres des journaux ou des lettres d'information que je lisais sur internet chaque matin. L'homme occidental est malheureux alors qu'il aurait toutes les raisons de croire à l'avenir. La planète a-t-elle jamais été aussi riche, globalement? La créativité a-t-elle jamais été aussi répandue? La troisième révolution industrielle a pris définitivement son essor: jamais nous n'avions disposé d'autant d'informations ni de moyens pour les traiter rapidement et donc, potentiellement, de choix pour servir le bien commun.
Un des jeunes élus qui porte les espoirs du parti conservateur est passé me rendre visite après être allé méditer dans le parc du château de Dizzy. Tandis que nous marchions dans la campagne du Buckinghamshire, nous en sommes venus à parler, naturellement, du fatalisme qui semble s'être emparé de nos concitoyens - à vrai dire des citoyens de beaucoup de nations européennes. Il me racontait comme il s'était trouvé à Barcelone au lendemain des terribles attentats qui ont ensanglanté la ville, à dîner chez un ami, devant qui il avait commencé à énumérer les responsabilités des autorités, coupables de ne pas avoir protégé suffisamment la population: depuis le refus du maire de Barcelone, il y a un an, de mettre des chicanes sur les contre-allées des grandes avenues de la ville jusqu'à la rétention d'informations des polices catalane et espagnole l'une vis-à-vis de l'autre, en passant par la lâcheté collective, qui fait que l'on n'a jamais tiré les conséquences du passage de Mohammed Atta, l'un des terroristes du 11 septembre, ou des auteurs de l'attentat de Madrid de 2004 par la Catalogne. "Au fur et à mesure de l'énumération des faits, j'ai senti mon ami se renfrogner", me disait mon compagnon de promenade. "Puis mon ami barcelonais m'a tenu un dscours fataliste et m'a demandé ce que je pouvais bien imaginer qu'on puisse faire.. J'ai changé de sujet car je sentais son agressivité monter. Bientôt il allait me soupçonner de populisme ou d'islamophobie".
Ce que me disait ce jeune élu local de notre parti n'est pas une boutade. Dans deux ou trois générations, quand ce cauchemar sera passé - comme ont passé les révolutions de Cromwell, de Robespierre, de Mussolini, de Lénine, de Hitler, de Mao, de Pol-Pot ou de Khomeini, on s'étonnera de la passivité de notre époque. Les premiers signaux d'un réflexe de légitime défense des sociétés et des gouvernements européens commencent à apparaître mais il aura fallu des centaines de morts en Europe et, surtout, des millions de mort causés par l'Etat islamique, ses financeurs et ses alliés, avant que nous puissions sortir du débat pervers où nous ont enfermé les libéraux et les populistes, qui se renforcent mutuellement pour écarter tout réalisme politique et justifier toute inaction.
Des discours, aucune action
Que nous soyons les héritiers de vingt siècles de christianisme et que l'accueil des étrangers, des réfugiés, des victimes de la guerre soit un impératif moral, qui en douterait? Mais en quoi cela devrait-il conduire à cette morale détachée du réel qu'affiche par exemple le pape François, qui semble, contre toute la tradition politique de l'Eglise, refuser aux Etats le moindre droit à réguler les entrées sur leur territoire?
A vrai dire, je ne pense pas seulement aux libéraux ou aux populistes. Partout l'on retrouve un décalage complet entre le discours et l'action. Regardez votre malheureux candidat à la présidentielle, François Fillon, ce "conservateur honteux". Il a déclamé contre le totalitarisme islamique. Mais a-t-il une seule fois tiré les conséquences de la situation où se trouvait son pays, menacé par l'amateurisme d'Angela Merkel, dont la politique d'accueil massif de réfugiés, a sans doute condamné à l'échec définitif le système de Schengen? Si l'on prend au sérieux la menace terroriste, et il le faut, alors il y avait une mesure, très simple, à annoncer: la suspension provisoire de la participation française aux accords de Schengen, tant que les partenaires européens n'auraient pas négocié un nouvel accord sur la circulation des personnes en Europe. Je n'ai pas besoin de vous souligner comme M. Fillon se serait rendu populaire avec un tel discours, qui ne confond pas la politique avec la morale ni avec les obsessions idéologiques. J'imagine le tollé de tous les libéraux, les leçons dispensées depuis Bruxelles ou Berlin. Et alors M. Fillon aurait déclenché la seconde salve de son discours, annonçant une augmentation massive du budget consacré à la sécurité intérieure et à la défense. Les européistes auraient crié une seconde fois puisque les dépenses nécessaires auraient creusé le déficit français et mis en danger le pacte de stabilité monétaire européen; et il aurait été facile, alors, à M. Fillon de prendre à ,témoin le peuple français sur le fait que des bureaucrates bruxellois mettaient en balance le budget européen et la vie des citoyens français. Il aurait déserré l'étau de M. Macron et de Mme Le Pen en faisant d'une pierre deux coups.
Je ne voudrais pas seulement parler d'occasions manquées. Le comportement de l'actuel ministre de l'Intérieur italien peut augurer d'un changement d'état d'esprit chez les gouvernements européens. Marco Minniti se préoccupe de rendre le contrôle de la situation à son pays en ce qui concerne l'afflux des réfugiés à travers la Méditerranée. Il aide les factions politiques libyennes qui cherchent à contrôler les passeurs pour qui la migration vers l'Europe est une activité lucrative. Il surveille le comportement des ONG qui envoient des bateaux en Méditerranée pour recueillir des réfugiés et sont, pour plusieurs d'entre elles, devenues complices des passeurs. Il met, enfin, l'Union Européenne devant ses responsabilités en demandant des ressources pour aider son gouvernement et le gouvernement provisoire libyen à financer un certain nombre d'actions logistiques préventives.
Les mauvaises politiques reposent toujours sur des contradictions intrinsèques
Je ne connais rien de plus bizarre et de plus inefficace que le système de l'union européenne, avec toutes ses contradictions.
"Et en même temps...."? "Ni droite ni gauche"?
Le candidat à des responsabilités politiques qui voudra combattre demain le libéralisme n'aura pas d'arme plus efficace que la fidélité au principe de non-contradiction qui fonde la philosophie grecque et la philosophie médiévale. Ce principe dont la philosophie allemande, à partir de Hegel, a voulu se passer, engendrant tous les totalitarismes. "A est A. A n'est pas B". On l'appelle aussi "principe d'identité". Et bien qu'à cela ne tienne: je préfère ce principe d'identité au combat de tpous les populistes identitaires qui croient que leur société se porterait mieux si elle restait toujours identique à elle-même.
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