(Non) anticipation, mode d’emploi : épisode 437, le cas de la production de poches de perfusion <!-- --> | Atlantico.fr
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Une infirmière soigne un malade du Covid-19 au service de réanimation de l'hôpital Delafontaine AP-HP à Saint-Denis, le 29 décembre 2021.
Une infirmière soigne un malade du Covid-19 au service de réanimation de l'hôpital Delafontaine AP-HP à Saint-Denis, le 29 décembre 2021.
©ALAIN JOCARD / AFP

ANSM

Carelide, le dernier fabricant français de poches de perfusion pour les hôpitaux, a été placé en redressement judiciaire.

Jérôme Martin

Jérôme Martin est cofondateur de l'Observatoire Transparence-Médicaments.

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Atlantico : En France l’usine Carelide pourrait bien fermer ses portes à la fin du mois, l’Observatoire Transparence Médicaments a alerté sur cette situation. Pourquoi ?

Jérôme Martin : Carelide est l’unique usine française productrice de poches de perfusion, notamment de paracétamol. Cette entreprise est depuis quelque temps en redressement judiciaire, la date pour un repreneur a été reporté au 13 janvier et le tribunal de commerce de Lille doit se prononcer sur une éventuelle reprise ou sur une liquidation fin janvier. Ce que cela signifie, sur le fond, c’est que des biens de santé vitaux dont on a besoin pour les soins de tous les jours dépendent aujourd’hui de logiques commerciales qui nous placent dans des situations risquées.

Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ?

Il y a deux facteurs à prendre en compte, qui sont valables d’ailleurs pour l’ensemble des biens de santé, notamment les médicaments. En quelques décennies, toute la production pharmaceutique a été délocalisée, notamment en Asie. Les normes sociales et environnementales (pour les médicaments et la chimie) sont moins élevées. 80% de la matière première des médicaments que nous consommons est produite en Chine ou en Inde. Et sans soutien à la filière française, celle-ci ne peut pas survivre. 

Vous interpellez l’ANSM sur la continuité d’approvisionnement. Savez-vous si des choses sont prévues ?

Pour l’instant, à notre connaissance, non. On a le sentiment que les autorités de Santé et le gouvernement vont traiter cette situation comme n’importe quelle entreprise produisant un bien quelconque. Une entreprise qui ferme c’est toujours problématique pour l’emploi, mais là on parle de produits dont nous avons un besoin vital. Nous devrions remplacer la logique commerciale par une logique de santé publique. Il faudrait réfléchir à certaines mesures pour agir : cela pourrait être des réquisitions pour réorienter des lignes de production afin de pouvoir s’adapter aux besoins de la population en matière de perfusions. Et le problème c’est que la situation n’est pas isolée. Nous connaissons actuellement une pénurie de paracétamol, d’amoxicilline, d’antiépileptiques, etc. La situation devient intenable. On pourrait aussi réfléchir à un pôle public destiné aux biens de santé et adapté à nos besoins. Ce secteur est très financé par l'argent public, autant que nos impôts servent à financer un service qui marche.

Avons-nous besoin d’une filière française si les capacités existent ailleurs ?

Oui, les capacités existent ailleurs. Mais que se passe-t-il quand la Chine ferme ses exportations parce qu’elle doit soigner 1,4 milliard de personnes ? Et bien nous avons une pénurie de paracétamol et d’antibiotiques. Nous l’avions déjà vécu en décembre 2019, quand la Chine a arrêté sa production car un fort nombre de ses employés d’usines étaient malades, ce qui a provoqué une pénurie de sédatifs et de médicaments essentiels à la réanimation pendant le Covid. Nous avons actuellement une pénurie d’antibiotiques parce que la production a été réduite car les gens sont moins tombés malades grâce aux mesures de protection contre le Covid. Et quand ces mesures ont été levées les gens sont retombés malades mais les usines n’ont pas suivi en termes de production.

Et il ne faut pas sous-estimer le contexte international : la guerre en Ukraine, les tensions autour de Taiwan, la guerre économique entre la Chine et les Etats-Unis. Notre dépendance en matière de santé à la Chine (et à l’Inde) pourrait nous poser problème.

Quelles solutions face à ce problème ? Pour Carelide et pour le secteur en général ?

Pour Carelide, ce qu’il faut, c’est un financeur à court terme. Et que ce soit l’Etat si nous n’avons pas les garanties suffisantes d’un financeur privé.  A plus long terme, il faut sortir du dogmatisme. Il ne s’agit pas de dire que le public et le privé sont bien ou mal par essence, mais faire preuve de pragmatisme, voir ce qui marche ou pas. Et actuellement, les logiques de marchés empêchent les gens d’avoir un accès correct aux soins. Bien sûr nous ne pouvons pas tout produire sur place, il y a plus de 400 médicaments essentiels. Mais nous pouvons avoir une coordination européenne, par exemple. Et il faut que la production industrielle réponde aux besoins des personnes. Pour cela, il faut sans aucun doute qu’elle soit en partie publique. 

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