Non, 2014 n’aura encore pas été l’année où on aura tout compris à l’orgasme féminin (mais il y a du mieux)<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2014, on ne sait toujours pas si le point G existe ou non.
En 2014, on ne sait toujours pas si le point G existe ou non.
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On avance

Existe, existe pas ? Le point G n'en finit pas de faire débat. Aux dernières nouvelles, il ne s'agirait que d'un mythe, fort lucratif au demeurant pour l'industrie du sextoy.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : En 2012, le physicien Adam Ostrzenski déclarait avoir enfin découvert le point G. Deux ans plus tard, une étude publiée dans la revue Clinical Anatomy estime qu'il ne s'agit en réalité que d'un mythe plutôt lucratif pour l'industrie du sextoy. Où en est la recherche sur l'orgasme féminin? Le point G existe-t-il vraiment ?

Michelle Boiron : En effet, le point G a fait couler beaucoup d’encre et a surtout relancé la bataille entre la jouissance de la femme clitoridienne et la jouissance de la femme vaginale qui serait la panacée. On les oppose car l’une est externe, à la surface. La jouissance se cristallise sur les quelques millimètres du clitoris : elle représente un caractère masturbatoire plus infantile qui peut être comparé à "un touche-pipi". Au contraire, la jouissance vaginale exige la pénétration, elle est profonde, pénétrante et plus mature. Il s’agit de lâcher quelque chose pour la ressentir et non pas de rester fixée sur la mémoire qui a enregistré une excitation assez archaïque, ciblée sur ces quelques millimètres. La jouissance clitoridienne est plus mécanique et assurée. C’est pourquoi la femme ne la lâche pas et assure l’orgasme de cette façon. La jouissance vaginale reste plus aléatoire pour certaines femmes.

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Certaines études scientifiques ont aussi prouvé que le point G serait constitué de cellules  de tissus prostatique, jusque-là l’apanage des hommes. Connaissant l’innervation de la prostate, sa sensibilité et la jouissance de l’homme par cette zone, cela pourrait être une réalité physiologique. En revanche, ce qui est dommageable c’est cette obsession de vouloir tout expliquer. La magie de l’alchimie de deux corps qui ont une véritable relation sexuelle ne se réduit pas à cela, n’en déplaise aux techniciens du sexe. L’orgasme arrive bien souvent au moment où l’on cesse de vouloir tout contrôler, tout expliquer !

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Une étude publiée cette année dans The Journal of Comparative Psychology estime que les femmes dont les compagnons ont plus de "rivaux" ont une meilleure vie sexuelle dans la mesure où leurs compagnons cherchent à les garder auprès d'elles. D'autres scientifiques jugent que la confiance en soi et le sens de l'humour chez les compagnons jouent un rôle dans l'atteinte de l'orgasme chez les femmes. Dans quelle mesure ces facteurs influent-ils sur l'orgasme féminin?

On revient aux fondamentaux : le rival, que je nomme le tiers, n’a pas la même fonction dans le couple. Pour l’homme, le passage à l’acte avec un tiers n’a pas autant de valeur car il persiste dans sa recherche de diversités, de discontinuités, de liberté qu’il tend à maintenir pour se sentir vivant et sexué. Il sent ou il imagine que ce n’est pas important et qu’il pourra se défaire de ce lien-là. Pour la femme, aller vers un autre homme implique un état psychologique bien particulier : un éveil, une nouvelle étape, comme si la continuité de la relation qu’elle avait construite et qui suffisait jusque-là à son bonheur-plaisir, se délitait. Cette continuité est essentielle pour elle. Si elle ne l’a plus, elle se sent menacée et le tiers peut alors prendre une place. Celle où le fil a été rompu avec son homme.

Le jeu de la séduction est une arme pour activer le désir et on incite les femmes qui dysfonctionnent à l’utiliser pour déclencher des émotions chez le partenaire. La séduction est vitale tout au long de la vie. C’est un miroir qui nous renvoie qui l’on "est" dans le regard de l’autre. Oui, c’est le terreau de la relation. Si la séduction n’est plus activée, alors elle peut être remise en scène à l’extérieur pour valider qu’elle agit encore. L’estime de soi en berne, portée comme un vieux manteau usé, peut alors se remettre en marche. Un nouveau manteau sur le dos, une touche de rouge à lèvres et le tour est joué ! La femme peut alors rentrer chez elle re-narcissisée et peut-être plus forte aussi d’une expérience qui l’aura boostée. L’homme devra alors se réveiller se réanimer, et s’il n’a pas perdu totalement ses instincts, percevoir que la partenaire risque de se réanimer ailleurs.

Une autre étude publiée dans The Journal of Sexual Medicine en 2014 explique que les lesbiennes ont une meilleure vie sexuelle que les hétérosexuelles. Les scientifiques avancent qu'elles connaissent mieux leur corps et sont donc plus à même de susciter le plaisir chez leurs partenaires. Elles pratiquent en outre plus fréquemment la stimulation clitoridienne. En fin de compte, l'orgasme n'est-il pas simplement conditionné par la connaissance qu'a chaque femme de son propre corps?              

La question de la connaissance de son propre corps est en effet fondamentale pour rentrer en relation sexuelle avec un autre corps différent du sien. C’est ce que nous apprend la sexologie avec l’importance des apprentissages et la masturbation conseillée. C’est ce qui conduit au passage à une sexualité adulte. La masturbation, même si elle est recommandée aujourd’hui et relève d’une bonne santé sexuelle, reste une sexualité cristallisée sur son propre corps et ne dit rien de la rencontre avec l’autre. On devient homme dans le regard de la femme que l’on fait jouir ; on devient femme dans le regard de l’homme qui jouit. Sinon la masturbation reste une solution pour ne pas passer à l’autre.

Pour l’homosexualité, ce passage à l’autre se fait sur un corps sexué semblable. Il n’y pas de découverte d’un corps dont les attributs sexuels seraient différents et la sexualité n’est donc pas basée sur une complémentarité. Il reste néanmoins que chaque être est unique et que la découverte d’un autre corps semblable ouvre aussi des portes et des richesses que chacun/e découvrira dans la rencontre avec un/une autre y compris semblable à lui-même. Quelle que soit la sexualité hétérosexuelle ou homosexuelle, on ne peut pas réduire la jouissance à une connaissance du corps mais à la rencontre de deux êtres, deux corps, un amour. La technique est un plus pour avoir une relation sexuelle mature. La sexualité a toujours été considérée comme innée, elle le reste pour la majorité des êtres humains. Néanmoins force est de constater que pour certains, elle est acquise et nécessite une connaissance et une expérience.

Dans quelle mesure la pornographie et l'esprit de compétition, au détriment de la communication, jouent-ils un rôle sur l'atteinte de l'orgasme dans la société pour les femmes?

L’effet des images pornographiques basées sur l’excitation pure et dure fonctionne sur les hommes, dont l’excitation est avant tout visuelle. Cette sexualité se pratique seul et donne l’illusion qu’on la maitrise. La conquête pour l’homme est très importante et elle disparait dans le virtuel. Elle squeeze les préliminaires de l’étape excitatrice pour la déclencher instantanément. Internet et sa facilité d’accès permettent une mise à disposition instantanée. Pas de frustration, pas de manque, et surtout pas d’obligation de faire jouir l’autre ! Pas d’imprévu pas de surprise, on sait ce que l’on va trouver, c’est rassurant et ça marche. L’éjaculation à votre rythme et pas à celui du partenaire : quel bonheur, c’est une forme d’autonomie. En effet à ce stade, la communication ne fait pas partie du paysage de la pornographie. Pas de sentiment, pas de comptes à rendre, pas d’engagement, pas de maladie sexuellement transmissible ! Au début de ces pratiques masculines, certaines femmes bénéficient du surplus d’excitation qui reste là un peu en filigrane. 

Cette sexualité virtuelle présente un caractère apaisant et supprime certaines angoisses en plus de se faire du bien. Néanmoins, attention à ne pas quitter la réalité et de ne pas penser que c’est juste un doudou à disposition sans conséquence.

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