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"Musulmans d’apparence" : 
bien sûr que c’est crétin. Et après ?
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Zone franche

Le combat pour la liberté d’expression englobe-t-il celui de proférer de simples stupidités manifestement insignifiantes ? Il devrait.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Tout le monde n’est pas d’accord, mais c’est mon point de vue et je le partage avec une terrible absence de modération : dans une démocratie digne de ce nom, on doit pouvoir tout dire, on doit pouvoir tout exprimer. Y compris ses opinions malsaines, y compris ses points de vue racistes, y compris ses préjugés stupides.

C’est la logique du fameux premier amendement de la constitution américaine, qui fait de la liberté de parole une valeur aussi cardinale que la possibilité de circuler ou d’adopter le style de vie que l’on souhaite.

Et si tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes ― c’est la vie ―, il doit tout de même se trouver une majorité d’adultes éclairés pour considérer qu’à tout prendre, il est plus facile de démantibuler une opinion malsaine diffusée ouvertement qu’une crapulerie xénophobe circulant sous le manteau. Enfin, j’espère. Mais je suis peut-être à côté de la plaque.

Là où rien ne semble plus aller pour personne, pour autant, c’est lorsque, plutôt qu’un préjugé raciste, c’est une simple connerie absolument et indiscutablement insignifiante ― une maladresse ― qui est proférée et que les maîtres-censeurs se lâchent avec encore plus d’énergie que s’il s’agissait d’un serment d’allégeance au Malin.

Prenez cette affaire des « musulmans d’apparence », par exemple. C’est totalement idiot, certainement déplacé, mais ça ne dit rigoureusement rien des démons allophobes censés grouiller dans le cerveau bouillonnant de notre omniprésident. Tout au plus qu’il ne tourne pas sept fois sa langue dans sa bouche avant de s’exprimer. Moi je le sais. Vous, vous le savez. Et les commentateurs qui font semblant de s’offusquer le savent aussi ― qui doivent bien se laisser aller à l’occasion pendant leur temps libre  :

« Je rappelle que deux de nos soldats étaient – comment dire ? – musulmans, en tout cas d'apparence, puisque l'un était catholique. D'apparence... Comme on dit : de la diversité visible. Et ça serait particulièrement odieux cet amalgame parce que deux Français musulmans ont été assassinés, parce que soldats, par Merah ».

Effectivement, c'est terrifiant.

« L’Amérique n’est pas prête pour une First Lady blanche »

Notez que même au pays du premier amendement, le proféreur de remarque vaguement borderline est susceptible d’être remis à sa place par le rhéteur hypocrite qui passait par là. Robert de Niro est justement en train de payer le prix d’une vanne banale, prononcée la semaine dernière à l’occasion d’une soirée de collecte de fonds pour la campagne d’Obama :

« Il faut le réélire : l’Amérique n’est pas encore prête pour une First Lady blanche ! »

Newt Gringrich, candidat très très à droite à l’investiture républicaine, en a été à ce point bouleversé que c’est au président lui-même qu’il demande aujourd’hui des excuses. Hé oui, derrière l’innocente plaisanterie de fin de banquet (littéralement), c’est le « racisme anti-blanc » de de Niro qui pointerait :

« Le pays est prêt pour une nouvelle Première dame et il n’avait pas à la décrire en termes raciaux »...

Argh... En « termes raciaux » ! Et ça marche, puisque Michelle Obama herself est venue expliquer à quel point la remarque était « inappropriée ».

Plus près de chez nous, en Grande-Bretagne, c’est Jeremy Clarkson, chroniqueur auto réac mais rigolo de la BBC, qui fait les frais d’une sortie stupide. Agacé par une grève du métro, il avait lâché qu’il aimerait bien voir les fonctionnaires « exécutés devant leur famille » et fait maintenant la tournée des popotes mea culpa en bandoulière. Comme le fait pertinemment remarquer un chroniqueur du Guardian, quotidien de gauche, fatigués par ces appels constants à l’excuse publique : « il ne se faisait clairement pas l’avocat d’un tel traitement, c’est un Tory, pas un nazi».

Oui, un Tory, pas un nazi. Et même pas un nazi « d’apparence », à vrai dire.

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