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Nicolas Sarkozy a appelé à une convergence franco-allemande très forte, notamment sur la fiscalité et l'économie.
Nicolas Sarkozy a appelé à une convergence franco-allemande très forte, notamment sur la fiscalité et l'économie.
©Reuters

Ich liebe dich, moi non plus...

Au cours de son intervention télévisée de jeudi soir, Nicolas Sarkozy a martelé son intention de faire converger les économies françaises et allemandes. Comment l'intention est-elle perçue outre-Rhin ? Les réponses de l'universitaire allemand Hans Stark.

Hans Stark

Hans Stark

Hans Stark est chercheur à l'IFRI (Cerfa) et professeur à la Sorbonne.

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a appelé à une convergence franco-allemande très forte, notamment sur la fiscalité et l'économie. S'agit-il d’une position défendue unilatéralement par le Président français ou partagée avec la Chancelière allemande ?   

Hans Stark : C’est une position partiellement partagée par Mme Merkel. Pour l’Allemagne, il ne s’agit pas de repartir à la conquête des marchés, car la République fédérale est déjà bien positionnée, et n'a pas besoin de relancer la machine commerciale européenne par le biais d'une fiscalité commune. Le souci qui anime l’Allemagne, c’est de venir à bout de la crise sur la dette, et pour cela Berlin propose des mesures d’austérité budgétaire, ce qui n’est pas toujours compris par la France en période électorale.

Côté français, le gouvernement recherche la solidarité européenne. Le couple franco-allemand devra trouver un compromis, qui pourrait aller dans le bon sens en visant une gouvernance économique. L’Europe n'est-elle pas une histoire de compromis ?

Il faut mettre sur pied une harmonisation plus forte des politiques économiques des États membres de la zone Euro. Mais certains pans de la politique économique, comme la politique sociale, relèvent du pouvoir régalien d’un État, qui refuse alors de traiter de ces questions sur la scène politique européenne.
Commencer par la fiscalité pour engager une union économique harmonisée semble une idée judicieuse. Cette dernière pourrait être franco-allemande au préalable, puis s'étendre aux 17 États membres de la zone Euro, notamment pour la fiscalité sur les entreprises. Après, rien n’empêche d’aller plus loin.

Si quelque chose de positif peut résulter de la crise actuelle, c’est qu’elle peut servir de déclencheur pour aller plus loin dans le domaine de l’intégration économique, et Sarkozy l’a souligné hier.

Le Président français a évoqué une mise en commun des décisions politiques budgétaires franco-allemandes. La rigueur allemande est-elle compatible avec le laxisme français ?

Il ne faut aller trop loin en parlant de laxisme. Hélas, la France dépense plus qu’elle ne gagne en termes de recettes, mais le laxisme budgétaire n'est pas le responsable. La désindustrialisation de économie française, elle, contribue au déséquilibre des comptes.

La réindustrialisation va prendre du temps. La logique visée est celle de l’augmentation de la force de frappe économique de la France, pour permettre d’augmenter les recettes, plutôt que celle d'une politique d’austérité pure qui n’a aucun sens. Les Allemands, bien que rigides, ne sont pas stupides au point de miser sur la seule austérité. Même sous Gerhard Schröder, avec les lois Hartz IV, le gouvernement a toujours veillé à ce que les PME aient de l’oxygène pour pouvoir produire. De plus, les dépenses en recherche et développement ont été augmentées.

Il faut veiller à la compétitivité de l’économie, avec une mise en parallèle de mesures d'assainissement budgétaire. La rigueur seule ne mène nulle part.

Dans le cadre d'une convergence globale, Nicolas Sarkozy a clairement précisé qu'il y avait une trop forte intégration européenne des 27 pays membres de l'UE, et pas assez d'intégration économique des 17 États de la zone Euro. La vision inter-étatique française risque-t-elle de se heurter au fédéralisme allemand ?

La vision allemande n’est plus si fédéraliste, et les deux pays se rejoignent quand il s’agit de critiquer la gestion de la Commission Européenne.

Cette déclaration du Président français est toutefois surprenante, puisqu'il est inutile de déplorer trop d’intégration à l’échelle des 27, l'Europe ne peut faire marche arrière. Le problème n’est donc pas celui des Institutions, mais l'harmonisation des rapports entre les 17 pays membres de la zone Euro, et les 10 États membres de l'UE restants.

Parmi ces derniers, certains ne veulent pas adhérer à la zone Euro, voire s’interrogent sur leur place dans l’UE, comme la Grande-Bretagne. D’autres au contraire se préparent à rejoindre la zone Euro, comme la Pologne. Or, pour ce pays, entendre de tels propos est inacceptable, dans la mesure où c’est un grand État, voisin immédiat de l’Allemagne. Les Allemands ne peuvent d'ailleurs cautionner une telle vision des choses. Ce n’est pas par hasard que Mme Merkel parle des 17 +. Elle laisse une porte ouverte à ceux des 10 qui souhaiteraient rejoindre la zone Euro.

Le chef de l’État français présente l'hexagone comme LE pays fort du sauvetage européen et de l’Europe. L’Allemagne n’est-elle pas agacée par le comportement du Président français ?     

La France a toujours voulu avoir un rôle de leader au sein de l’Europe. Elle joue ce rôle sur les questions de politique étrangère, de sécurité et de défense, mais ne peut assumer un tel rôle en ce qui concerne les questions économiques et monétaires en raison de la faiblesse dans laquelle elle se trouve.

L’Allemagne en est consciente, et Sarkozy n’aura d’autre choix que de reconnaître la réalité. Toutefois, la France tente de s’afficher du côté allemand pour être co-pilote dans la locomotive européenne, car elle ne veut pas être décrochée du leadership économique et monétaire. Et ce serait d’ailleurs une mauvaise chose pour l’Europe, puisque naîtraient des reproches systématiques à l’égard de l’Allemagne.

Ce côté revendicatif de la France, qui se présente comme associé au pouvoir de leadership contribue à un rééquilibrage. Non Berlin n’est pas agacé, mais ce qui l’inquiète ce sont les propositions françaises. Notamment celle qui consiste à demander un financement illimité du FESF (fonds européen de stabilité financière) par la BCE (banque centrale européenne). L’Allemagne bloque, car si cela se produisait, la BCE ne serait  plus indépendante mais soumise à la volonté politique, soit une violation de son mandat. Ensuite, se poserait le problème de la "planche à billets" qui menacerait directement l’Euro et qui, en plus d’une croissance en berne et d’un chômage élevé, entraînerait l’inflation.

Les décisions arrêtées au Conseil Européen marquent-elles une victoire symbolique des Allemands ?

Oui et non. Il y a encore un an, l’Allemagne ne voulait pas d’un FESF, elle a donc fait des pas en direction de la France. Ensuite, le FESF est passé de 780 milliards à 1 000 milliards d’euros, soit une augmentation non négligeable que ne souhaitait pas l’Allemagne. Et ce fonds pourrait être encore augmenté en fonction de l’état de santé des pays de la zone Euro.

En temps de crise, la durée de vie du succès des uns et des problèmes des autres est extrêment courte. Personne ne peut crier victoire.

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