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Verts mais libéraux : des Suisses revisitent l’écologie
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Zone franche

Nicolas Hulot devrait s’installer à Genève : il échapperait simultanément à l’ISF et au sectarisme écologico-politique.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Nicolas Hulot serait né en Romandie plutôt qu'à Lille, il n’aurait aucun mal à remporter une primaire chez les Verts. Enfin, chez les Verts suisses.Ou plus précisément chez les Verts libéraux suisses. « Nous l’apprécions beaucoup et nous avions prévu de l’inviter à faire un tour à Genève s’il venait en meeting en Savoie, assure d’ailleurs Charlie Schwarz, le secrétaire général de la branche locale d’un parti qui passerait pour un ovni de ce côté-ci de la frontière. Il est tout à fait dans la ligne ! ».

Bon, à vrai dire, un écologiste libéral, c’est aussi un ovni en Suisse : le terme est associé à « l’horreur économique » avec le même enthousiasme des deux côtés du lac, même si la berge française demeure un poil plus radicale. « Comme en France, les mouvements écologistes sont nés dans les années 70, portés par des personnalités comme René Dumont, explique Schwarz. Mais ils ont été immédiatement intégrés à la gauche, de nombreux militants trotskistes ayant même pris le contrôle de certains d’entre eux ».

Toujours comme en France, des clivages ont néanmoins fini par naître entre partisans d’une écologie vécue comme l’auxiliaire obligée du parti socialiste et une autre, plus spécifiquement concentrée sur les questions d’environnement et de développement durable. « Vous devez vous souvenir des conflits Lalonde-Waechter dans les années 80, rappelle-t-il. Eh bien nous avons eu plus ou moins les mêmes, jusqu’à ce que nous en tirions les conséquences et que la mouvance écologiste se divise. D’où la création de notre parti ».

De droite et de gauche en même temps ?

S’il n’est pas « de gauche », le parti des Verts libéraux est-il pour autant « de droite » ? « Non, répond encore Schwarz. Nous refusons le slogan « ni droite ni gauche », qui ressemble un peu trop à celui du FN chez vous, car nous lui préférons « de droite ET de gauche » qui permet à l’écologie de transcender ces questions ».

De fait, le parti est avant tout un mouvement libéral au plan philosophique et milite sans ambigüité pour le respect des libertés individuelles et l’évolution vers une démocratie plus aboutie (dépénalisation du cannabis, mariage et adoption pour les homosexuels, parité entre les sexes dans les institutions…). Le thème du revenu universel est également au menu, même s’il conduit aux interrogations pratiques désormais traditionnelles : « Le revenu universel, qui permet de transformer et de simplifier tout le système d’allocations et de prestations, doit-il être offert à tout le monde, provoquant un afflux massif de « tourisme social » ? Faut-il plutôt le réserver aux seuls nationaux, introduisant ainsi une discrimination entre habitants du pays ? Nous disons plutôt qu’il pourrait être proposé aux résidents depuis plus de huit ans… »

Mais Schwarz est également un libéral au sens économique, ce qui n’en fait pas un partisan d’une planète transformée en jungle : « Les gens associent faussement le libéralisme à une forme de néolibéralisme sans régulation, et ce n’est évidemment pas là que nous nous situons. Nous sommes plutôt dans une tradition humaniste qui serait proche du centre-gauche ou des partis radicaux en France et nous croyons à la nécessité d’encadrer l’économie pour la stimuler bien sûr, mais aussi pour l’orienter dans le sens d’un développement réellement durable ».

Pastèques et concombres : quelle salade…

Mesure phare du programme des Verts libéraux helvètes : le remplacement de la TVA par une taxe sur l’utilisation des énergies fossiles. « On n’empêche pas les gens de travailler car nous ne sommes pas pour la décroissance, mais on les incite à changer de méthode ». La décroissance, effectivement, ne fait pas partie de leur vocabulaire et le développement économique est même une priorité : « La Suisse a moins souffert de la désindustrialisation que la France mais, à terme, ce sont tous les pays européens qui doivent se lancer dans ce que nous appelons les "clean-industries", soit tout ce qui concerne le recyclage et la production d’énergies renouvelables ».

Hostiles au nucléaire (ils ne demandent pas la fermeture des centrales mais leur non-renouvellement) ; promoteurs d'une agriculture de proximité sans OGM (ils ne militent pourtant pas contre les OGM dans le contexte de la recherche médicale) ; agacés par les appels aux « économies d‘énergie » et préférant parler de « fin du gaspillage » (on peut conserver son mode de vie en consommant mieux)… Ils n’en exigent pas moins de l’État qu’il soit bien géré, que ses budgets soient à l’équilibre et que le travail soit fiscalement favorisé plutôt que découragé par des effets de seuil…

« C’est sur ce genre de dossier que nous avons un souci avec les écolos traditionnels, qui ont décidé une fois pour toute que la défense de l’environnement était de gauche au sens étroit, explique encore Schwarz. Ici, on parle du combat des pastèques et des concombres : les pastèques sont vertes à l’extérieur et rouges à l’intérieur, les concombres sont verts de partout. Nous, nous préférons le concombre même si ça fait peur aux gens, ces temps-ci… »

Hé hé, Hulot, manifestement, tient lui aussi davantage du concombre que de la pastèque ― même son aura de star de la télé ne lui ayant pas fait prendre le melon. C’est dire. Et si la Norvège brise son rêve politique, il lui restera toujours l’option suisse. Il n’y a pas d’ISF (je rigole, on peut rigoler, non ?) et on a le droit d’y être écologiste sans couper les ponts avec le reste de la société. Ça ferait presque envie.

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