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Comment faire dire ce que vous voulez à un homme
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Emergency

Pour survivre dans ce monde dangereux, Neil Strauss se transforme en aventurier de l'extrême. Dans "Emergency", aux éditions Au diable vauvert, il offre au lecteur un petit catalogue pratique en 69 leçons. "Ce livre peut vous sauver la vie". Extraits - épisode 1.

Neil Strauss

Neil Strauss

Neil Strauss est auteur du livre autobiographique The Game : Les secrets d'un virtuose de la drague, et aussi d' Emergency : Ce livre peut vous sauver la vie, en avril 2011.

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Les militaires ont mis au point un programme censé transformer les petits garçons en vrais hommes. Un programme qui apprend aux pilotes d’avion de chasse à survivre en territoire ennemi, et aux soldats faits prisonniers à ne pas craquer en interrogatoire.

Ce programme s’appelle SERE – Survival, Evasion, Resistance, Escape (en français : Survivre, S’évader, Résister, Fuir). Il est censé s’adresser aux durs, et c’était ce dont j’avais besoin pour apprendre à me débrouiller seul en Amérique comme à St. Kitts.

J’ai donc appelé Evan, le béret vert rencontré à Gunsite, pour lui demander si les civils avaient le droit de participer au SERE.

« C’est un truc de pèdes, me rétorqua-t-il aussitôt. Ils ne t’apprennent pas à survivre, mais à mourir à petit feu.

— Explique.

— Au départ, ils demandent qui veut être instructeur ; ceux qui répondent oui sont acceptés. Tu serais aussi bien à lire un bouquin. Le seul truc qui soit intéressant, c’est l’interrogatoire. »

Au cours de son faux interrogatoire, Evan s’est fait mettre en cellule, torturer, a subi le supplice de la baignoire. La nuit, ses geôliers – des soldats comme lui, qui jouaient un rôle – passaient en boucle et à plein volume une marche SS, jusqu’à ce que le manque de sommeil le rende quasiment cinglé.

« Ça a viré carrément sadique, poursuivit-il. Mais les gens sous-estiment leur capacité à gérer la douleur. Moi, c’est pas la torture qui m’a fait craquer, c’est la partie psycho. Quand ils m’ont mis les couilles sur une table et ont sorti un marteau, j’ai craqué.

— Donc, ce programme, ça vaut peut-être le coup, proposai-je. Enfin, sans l’histoire du marteau, là.

— Nan, le reste est quand même naze. Tu devrais plutôt aller voir Tom Brown.

— Qui ça ? » Jamais entendu parler.

« Tom Brown, il rigole pas. C’est l’instructeur des mecs qui apprennent aux marines à survivre, tu vois le genre ? Tous nos tireurs d’élite suivent ses cours en secret. C’est un civil, mais il a travaillé pour AAG – autres agences gouvernementales. Si tu veux apprendre à vivre dans la nature avec juste tes fringues et un couteau, va trouver Tom Brown. Le SERE, tu peux oublier. »

Ces quatre mots, « va trouver Tom Brown », comptent parmi les meilleurs conseils que j’aie reçus dans ma vie.

Seul souci : la Tracker School (en français : école de pistage) de Brown était installée dans un terrain de camping en pleine forêt. Le camping est une forme de loisirs pour pas mal de gens, mais pour moi ça s’apparente plus au supplice de la baignoire. À Chicago, la nature n’était pas franchement luxuriante dans les quartiers où j’ai vécu. Dans les étendues d’herbes desséchées que la mairie appelait « parcs », notre activité préférée à mes copains et à moi, quand on avait 12 ans, ce n’était ni le camping, ni le scoutisme mais un jeu qu’on avait baptisé saute-clodo. But du jeu : sauter par-dessus un clochard endormi ou évanoui dans le parc – seul, à deux, ou en groupe – sans le réveiller.

En général, on gagnait.

Mon seul autre contact avec Dame Nature aura été deux soirées camping. Mais chaque fois, il tombait des cordes, il faisait froid et notre tente à deux balles fuyait comme c’est pas permis. Dame Nature se vengeait peut-être de nos parties de saute-clodo. Suite à ces séances camping-baignoire, j’avais fait le vœu de ne plus jamais mettre un pied sous une tente. C’est vrai, pourquoi s’embêter sous une tente quand on pouvait s’offrir une bonne chambre d’hôtel avec films à la demande et femme de chambre ? Pour devenir survivaliste, j’allais devoir renier ce vœu.

J’ai appelé Justin Gunn afin qu’il m’indique le matériel à emporter.

En plus d’avoir conservé chez lui les armes de Dave Navarro, Justin avait essayé en vain de m’initier à l’un de ses autres hobbies : la randonnée en ultraléger. L’idée était de partir faire de la randonnée et du camping en n’emportant qu’un minimum d’équipement. Équipement conçu dans un double but de légèreté et de polyvalence. Les cannes servaient donc aussi de piquets de tente, les vestes se transformaient en sacs de couchage, les rembourrages des sacs à dos devenaient des matelas.

Sur le conseil de Justin, je me suis offert une tente étanche en toile de spi (450 g), un sac de couchage en nylon taffetas (175 g), un pantalon de randonnée SPF 40 + avec aérations au niveau des cuisses, et un sac à dos en nylon Ripstop siliconé.

Depuis ma dernière expérience, le camping – autrefois occasion de retrouver la nature et de communier avec elle – s’était mué en véritable marché pour tissus et matières modernes, le tout conçu pour minimiser les souffrances liées à l’interaction avec l’élément naturel.

Pas de bol pour moi, j’allais quand même morfler.

Extraits de "Emergency : Ce livre peut vous sauver la vie", Au diable vauvert, 29 avril 2011.

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