Nadine Morano : "le vainqueur des primaires du PS nous a démontré qu’elles n’apportaient pas le meilleur des Présidents..."<!-- --> | Atlantico.fr
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La députée européenne Nadine Morano.
La députée européenne Nadine Morano.
©Reuters

Grand entretien

La député européenne et ancienne ministre s'oppose à des Primaires en 2016 qui risquent de diviser la droite. Des réserves révélatrices de l'état d'esprit de l'entourage du président des Républicains. Elle plaide également pour une reprise du dialogue avec la Russie.

Nadine Morano

Nadine Morano

Nadine Morano est membre des Républicains. Aujourd'hui député européenne, elle a été ministre chargée de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle.

 

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Atlantico : Vous avez été désignée par les Républicains tête de liste en Meurthe-et-Moselle. Dans la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, les candidats républicains vont, sans doute, avoir à affronter la candidature de Florian Philippot. Est-ce que ce sera un combat compliqué ? Pourquoi ?

Nadine Morano : Il convient d’abord de rappeler que Jean-Pierre Masseret, le candidat socialiste sortant, Président actuel de la région Lorraine a un très mauvais bilan dont il devra rendre des comptes aux lorrains. Il sera difficile pour lui d’afficher une crédibilité pour la nouvelle grande région. Quant à F. Philippot il vit à Paris, le grand Est représente pour lui un terrain de jeu électoral. Ici, il est surnommé le candidat TGV, il arrive aussi vite qu’il repart. Il ne connait pas notre région, où peut-être les gares...Je crois qu’il ne faut pas se laisser séduire par quelqu’un qui a la parole facile mais les propositions et les actes légers. Ceci dit, le FN capitalise sur l’exaspération des gens, et à chaque fois que la gauche est au pouvoir, il prospère et se consolide. Mais la situation économique est grave et de l’autre côté de nos frontières, la croissance repart et le taux de chômage notamment des jeunes y est nettement inférieur. Nous présenterons un projet solide. Notre priorité sera clairement l’emploi et le développement économique.

Les Républicains organisaient, jeudi, sa première journée de travail sur l'Islam, pourquoi commencer par cette thématique ? Pour damer le pion au FN justement ?

Ne perdez pas de vue le contexte dans lequel Nicolas Sarkozy a annoncé cette journée de travail. Rappelez-vous, il l’a évoquée après les attentats monstrueux en France. Personne ne peut nier aujourd’hui cette crainte qui traverse nos démocraties à travers l’instrumentalisation de l’Islam dans le monde et les massacres en son nom. Ce n’est pas un sujet anecdotique, c’est un sujet important.

Cette réunion s'est tenue à huis clos car certains, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, ne sont pas à l'aise avec ce qu'ils estiment être une droitisation du parti. Comprenez-vous ces réticences ?

Je rappelle qu’en 2011, nous avions tenu une convention sur ce thème ouverte à la presse. Il y avait près de 200 journalistes accrédités. Encore une fois, le contexte est différent. Nous voulions que chacun des participants puissent s’exprimer dans la sérénité. Cette journée a été intéressante, nous devons continuer le travail pour faire des propositions précises. Je vous rappelle que pour ma part, j’estime nécessaire une réponse judiciaire plus sévère pour les multirécidivistes au port de la burqa.

Nicolas Sarkozy a choisi de la maintenir ainsi que Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, cela vous parait-il un bon équilibre ?

Je crois au travail collectif. Nous venons de franchir une nouvelle étape avec notre congrès :  nouveau nom, nouveaux statuts, nouvelle équipe. Nous devons maintenant nous concentrer sur les élections régionales et la construction de notre projet d’alternance pour la France. Je mets en garde ceux qui veulent griller les étapes avec comme seule perspective la primaire.  Nous ne retrouverons aucune crédibilité auprès des français si nous leur donnons une nouvelle fois l’image de la division.

A l'instar de Christian Estrosi, vous estimez qu'il existe en France une cinquième colonne islamiste qui a déclaré la guerre à la civilisation judéo-chrétienne. Dans ce cadre là, qu'attendez-vous du rapport sur l'Islam qui va être présenté par Henri Guaino et Gérald Darmanin fin juin à Nicolas Sarkozy ?

Christian Estrosi a décrit une réalité que les français perçoivent. J’attends de ce rapport d’abord un état des lieux de la situation actuelle. Nous devons permettre à chaque citoyen de pratiquer sa religion en toute sérénité mais aucune religion ne doit avoir des pratiques contraires à la loi républicaine. J’attends de la fermeté sur cette question, il en va de notre cohésion nationale.

L'expulsion du père de Mohammed Merah vous parait-elle une bonne décision ?

Evidemment.

Que pensez-vous de la proposition de la commission européenne d'imposer des quotas de réfugiés aux 28 pays de l'UE ?

Je suis contre l’immigration imposée ! C’est une mauvaise réponse à la tragédie migratoire à laquelle nous devons faire face. Il faut en priorité s’attaquer à la racine de ce problème et lutter contre les passeurs qui tirent profit de la misère humaine. Cette mesure envoie en effet un message irresponsable d’assouplissement de notre politique d’asile, susceptible de développer un véritable appel d’air migratoire. Elle est irréaliste, au moment où le système d’asile est à bout de souffle, coûte déjà 2 milliards d’euros par an en France et n’est pas capable d’accueillir davantage dans des conditions décentes. Avez-vous vu comment les migrants vivaient Porte de la Chapelle avant l’évacuation de leur camp par la police ? Elle est irréalisable, car il sera impossible de déterminer sérieusement quels demandeurs d’asile pourraient bénéficier de ce système, alors qu’en France le délai d’examen d’un dossier de demandeur d’asile prend souvent deux ans. La Commission se contente de répartir les migrants mais ce n'est pas elle qui leur offrira un travail, un logement, ni un avenir décent dans les États membres. Il est préférable de privilégier des camps temporaires sécurisés de réfugiés sous l'égide de l'ONU dans les pays limitrophes des zones de conflits plutôt que de favoriser l'installation de bidonvilles dans nos villes. Enfin, cette proposition est inopérante dans le cadre de l’espace Schengen sans frontière intérieure.

Vous vous êtes insurgée de l'attitude de Martin Schultz qui a limité "l'accès libre au Parlement à l'ambassadeur russe ainsi qu'à une autre personnalité russe", afin de protester contre la liste noire publiée par Moscou visant à interdire à 89 personnes dont Daniel Cohn-Bendit et Bernard Henri Levy de séjourner en Russie. Pour quelle raison ?

Oui, parce qu’il a pris cette décision d’une manière arbitraire sans avoir consulté au préalable les députés européens, ni même la conférence des Présidents, pourtant compétente pour les relations internationales du Parlement d’après le Règlement. En outrepassant ses pouvoirs, Monsieur Schulz nuit à l'image du Parlement européen qui se doit d'être un lieu de débat et de dialogue. Première assemblée multinationale au monde et démocratiquement élue, elle doit demeurer ouverte à tous, en particulier aux ambassadeurs qui sont les représentants des peuples. Je conteste donc cette mesure tant sur la forme que sur le fond. Elle contribue à détériorer davantage les relations entre l’UE et la Russie. L’escalade des sanctions est une impasse. Nous devons absolument en sortir par un dialogue ferme mais constructif. N'oublions pas que la Russie est un pays ami et allié historique de la France.

J'ai d'ailleurs déploré que François Hollande choisisse d’aller serrer la main de Fidel Castro plutôt que de se rendre à Moscou pour assister aux commémorations du 9 mai et honorer ainsi la mémoire des soldats russes tombés pour la victoire contre l’Allemagne nazie. Tout comme je suis hostile à la décision de François Hollande de ne pas livrer les mistrals à la Russie. La signature commerciale de la France s’en trouve discréditée et notre industrie navale pénalisée. C’est encore le contribuable français qui va payer cette folle décision qui nous coûtera plus d’un milliard d’euros.

Les solutions à la crise en Ukraine doivent être politiques et diplomatiques dans le respect du droit international. Elles passent par un dialogue apaisé. Toutes les parties ont beaucoup à perdre en tentant de réinstaurer une forme de nouvelle guerre froide. C’est pourquoi j’ai écrit à Martin Schulz pour lui demander de revenir sur cette décision excessive qui n’engage que lui et à renouer un dialogue respectueux et apaisé avec les autorités russes. Je préfère inviter M. Poutine à venir s’exprimer devant le parlement européen que de fermer la porte à son ambassadeur.

Puisqu'on parle de l'Europe, elle semble dans une impasse aujourd'hui. La cure d’austérité sévère imposée aux pays du sud, comme la Grèce, sous l’impulsion de l’Allemagne, est de plus en plus critiquée par certaines études économiques et par le FMI. Qu'en pensez-vous ?

Si la Grèce s’est retrouvée dans une situation budgétaire délicate, ce n’est pas du fait de l’Allemagne. Elle n’était pas en capacité d’entrer dans la zone euro. L’Union européenne a fait preuve d’une grande solidarité envers les Grecs. Chaque Français a par exemple prêté ou garanti 735 euros à la Grèce. Nous sommes en droit d’attendre que cet argent soit remboursé et que la Grèce fasse les réformes structurelles qui s’imposent.

Pensez-vous que François Hollande tienne suffisamment tête à Angela Merkel ?

La question n’est pas là. La France exerce-t-elle encore un leadership en Europe, je vous réponds non. . Heureusement qu’au plus fort de la crise, l’Europe a pu compter sur Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Leur volontarisme et leur pragmatisme ont sauvé l’euro. Quelles sont les initiatives de la France pour arriver à une convergence fiscale avec l’Allemagne ?

François Fillon proposait, il y a un mois, de relancer l'apprentissage en France. En temps qu'ancienne ministre de l'apprentissage pensez-vous qu'il ait raison ?

Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy a créé un ministère de l’apprentissage supprimé par François Hollande par pure dogmatisme. C’est une faute politique et une faute morale à l’égard des jeunes. L’alternance est un atout majeur pour lutter contre le chômage des jeunes. En Allemagne, les jeunes sont, depuis des décennies, bien plus en contact avec le monde des métiers et de l’entreprise que les jeunes Français. Résultat : le taux de chômage des jeunes est de 8% outre-rhin quand il approche les 25% en France. François Hollande et ses amis socialistes ont saccagé toutes la politique de l’apprentissage que nous avions mise en place. Comment s’étonner dès lors que les entrées en apprentissage ont encore chuté de 15% au premier trimestre 2015 ? l’apprentissage sera pour nous une véritable priorité mais quel temps de perdu avec les socialistes 

Votre parti semble de plus en plus divisé. On l'a vu samedi dernier, lors du congrès, où Alain Juppé et François Fillon ont été sifflés. Le regrettez-vous ?

Ce n’est jamais agréable, j’en conviens. Pour autant, en 30 ans de meetings j’ai toujours connu des salles réactives, avec applaudissements, sifflets et huées. Cela fait partie de la vie militante. On ne pas demander aux militants qu’un satisfecit par des applaudissements !

Comprenez-vous l'animosité de certains militants contre Alain Juppé ?

Alain Juppé est un homme d’Etat et je sais que les militants ont pour lui une grande considération. Il a été également applaudi au cours de son discours. Je pense que ce qui a fait réagir certains d’entre eux, ce sont les liens de proximité qu’il entretient avec F Bayrou dont ils  ne digèrent toujours pas l’appel à voter François Hollande.

Craignez-vous que les primaires divisent durablement votre famille ? Pensez-vous, comme Jean-Pierre Raffarin, par exemple, qu'il serait plus sage de ne pas en faire ?

J’y ai toujours été hostile ! Le quinquennat a favorisé un esprit de campagne présidentiel permanent. Notre famille politique à peine rebaptisée les velléités pour les primaires sont reparties. Elles sont inévitablement facteurs de division  par les écuries qu’elles vont susciter. Nous devons pourtant bâtir une architecture de notre programme d’alternance. Si chacun part en ordre dispersé, je ne suis pas sûre que la victoire sera à l’arrivée. C’est pourquoi j’insiste sur la méthode. Priorité aux élections régionales, à construire un programme fort, ensuite les primaires si elles doivent avoir lieu. D’ailleurs, le vainqueur des primaires du PS nous a démontré qu’elles n’apportaient pas le meilleur des Présidents...

A Poitiers, lors du congrès du PS, Manuel Valls a accusé Nicolas Sarkozy de vouloir prendre sa revanche. N'est-il pas un peu dans le vrai ?

Le congrès du PS c’est le congrès du déni ! Le chômage explose, la fiscalité écrase les entreprises et les ménages, la croissance est atone, la réforme du collège est contestée, la politique familiale rabotée, l’immigration n’est pas maîtrisée et l’insécurité progresse... pour Valls il ne faut pas changer de cap... direction le mur ! C’est grave d’être dans le déni à ce point là.

Quant à ses propos à l’égard de Nicolas Sarkozy, c’est affligeant de la part du premier ministre qui pour mieux dissimuler son bilan catastrophique se cherche un alibi. L’antisarkozysme est la ritournelle des socialistes depuis 2007, leur digne de programme en 20012, leur diversion en 2015, leur projet en 2017...

Que pensez-vous de son escapade à Berlin pour assister à la finale de la ligue des champions ?

Manuel Valls est très présent dans les événements sportifs et culturels ces derniers temps : Festival de Cannes, Roland Garros et maintenant finale de la Ligue des Champions.

Séchant, comme la plupart des militants socialistes, le Congrès du PS de Poitiers, Manuel Valls n’a rien trouvé de mieux à faire que de prendre un avion gouvernemental pour se rendre aux frais du contribuable à Berlin afin d’assister à la finale de la Ligue des Champions opposant Barcelone à la Juventus. Il y avait sans doute urgence, en tant que Premier ministre de la France, d’aller soutenir une équipe étrangère.

Entre Premier ministre de la France et supporter du Barça, Manuel Valls a fait son choix.

On aimerait que Manuel Valls soit autant présent sur le front du chômage, dont il partage avec François Hollande la responsabilité de l’explosion : +641 000 chômeurs depuis 2012, +190 000 depuis qu’il est Premier ministre.

On aimerait qu’il soit autant présent sur le front de l’apprentissage, mis à bas par les socialistes, au moment où les entrées en apprentissage ont encore chuté de 15% au premier trimestre 2015. 

On aimerait qu’il soit autant présent sur le front de l’immigration clandestine, alors que les reconduites à la frontière ont chuté de 25% depuis 2012, année où il a été nommé Premier ministre.

On aimerait qu’il reconnaisse que les politiques socialistes menées depuis de 2012 ont mis notre pays dans le mur : hausse des impôts et des charges, taxe à 75%, suppression du quotient familial, baisse de l’investissement, remise en cause des bourses au mérite, laxisme pénal, réforme du collège, croissance molle, chômage de masse, etc.

Finalement, les Français seraient en droit d’attendre que le premier supporter du Barça assume sa responsabilité de Premier ministre plutôt que de tenter d’oublier son bilan au stade.

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