"Muslim pride", la fierté d'être musulman<!-- --> | Atlantico.fr
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Raphaël Liogier invite les musulmans à descendre dans la rue pour se faire entendre et exprimer leur fierté d’être ce qu’ils sont concrètement.
Raphaël Liogier invite les musulmans à descendre dans la rue pour se faire entendre et exprimer leur fierté d’être ce qu’ils sont concrètement.
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Face à l'islamophobie

Invité du congrès annuel de l'UOIF ce dimanche, le Directeur de l'Observatoire du religieux Raphaël Liogier devrait y tenir un discours très polémique appelant les musulmans à descendre dans la rue pour se faire entendre face à l'islamophobie.

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Il est professeur des universités à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et dirige l'Observatoire du religieux. Il a notamment publié : Le Mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective (Le Seuil, 2012) ; Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ? (Armand Colin, 2012) ; Une laïcité « légitime » : la France et ses religions d'État (Entrelacs, 2006).

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Contrairement à ce que s’imaginent apparemment près de 70 % des Français qui perçoivent l’islam comme une religion menaçante, de plus en plus de musulmans qui ne demandent qu’à pratiquer tranquillement leur religion ne savent plus quoi faire pour se faire oublier.

Je pense, au contraire, qu’ils ne doivent plus chercher à se faire oublier, attendre que cela passe comme on dit, parce que cela ne fera que s’envenimer. On ne peut plus allumer la télévision ou la radio, ouvrir un journal, sans entendre parler de l’islamisation qui met en péril nos valeurs, la République, la laïcité, nos principes, sans entendre les représentants de l’État eux-mêmes dire solennellement que l’islam est un problème majeur.

Faire descendre enfin les musulmans dans la rue ?

Pourtant, je le répète, depuis 30 ans les musulmans, et leur représentants, n’ont jamais réagi contre de telles attaques qui sont allées en s’intensifiant. Même les catholiques sont descendus massivement dans la rue dans les années 1980, bloquant la Concorde, pour défendre les écoles catholiques sous contrat. Les musulmans, eux, se contentent de subir sans réagir. Et moins ils réagissent, plus la rumeur se répand qu’ils sont partout, qu’ils attaquent la République.

Pourquoi ? Parce que le Musulman est devenu un principe métaphysique, le principe du mal, dont tout le monde parle sans cesse. Les musulmans concrets ont ainsi disparu, et se terrent chez eux, alors même qu’ils sont réputés attaquer les institutions.

On me dira : « vous avez tort, ils nous menacent avec le voile intégral ». Et je répondrais qu’il ne s’agit que d’un phénomène quantitativement tout à fait négligeable d’une part, et que, d’autre part, qualitativement, il est tout le contraire de l’islamisation puisqu’il relève d’un revival spirituel et individualiste chez des jeunes femmes qui sont, contrairement à ce que l’on raconte sans jamais en avoir rencontré aucune, complètement fermées à tout discours islamiste.

On me dira : « regardez l’explosion du halal dans les supermarchés, dans les fast food ». Mais c’est encore une bonne nouvelle, l’islam est entré dans la modernité consommatrice, dans la même logique que le bio, le végétarisme, à l’échèle planétaire.

On me dira encore : « regardez, ils prient dans la rue ! ». C’est seulement parce que, sans malice aucune, certaines  mosquées sont trop étroites pour accueillir tous les fidèles.

Mais concrètement, vraiment concrètement, que demandent-ils ces musulmans ? Rien de plus que les autres, bouddhistes, juifs, catholiques. La loi de 2004 qui a été fabriquée pour interdire aux musulmans de porter un simple voile à l’école publique a été respectée au doigt et à l’œil et sans broncher. Aucune voix ne s’est élevée pour dire à quel point « ces gens-là » sont respectueux de la loi… même lorsqu’elle est inique.

Au contraire, sept ans plus tard on confectionne une nouvelle loi qui les prive cette fois du droit s’habiller comme ils le désirent dans la rue sous des prétextes encore plus étranges. Les musulmans finissent par avoir honte de ce que l’on dit d’eux, cachant leur appartenance confessionnelle de peur de perdre leur travail ou un client, ou de ne pouvoir louer un appartement. Les paroles islamophobes sont aujourd’hui libérées, légitimées par la loi, au point que l’on exclue des jeunes filles d’un lycée seulement parce qu’elles portent des robes noires qui « font musulmans » (nullement un voile intégral donc !), ou que le ministre de l'Intérieur Claude Guéant se permet de lancer que le seul fait qu’ils soient si nombreux est un problème ! 

Une "Muslim pride" pour se faire entendre

Je suis convaincu que si les musulmans descendaient dans la rue, se faisaient enfin entendre, massivement, disant leur fierté d’être ce qu’ils sont concrètement, on entendrait moins parler de l’islam, parce qu’il y aurait moins de place dans les médias pour ce Musulman métaphysique sans cesse projeté sur tous les écrans.  D’où cette initiative de "Muslim pride", et le débat qui s’est engagé à l’Institut des Cultures d’Islam au milieu des photos de musulmans réels prise par le célèbre artiste Martin Parr.  Mais cela ne s’arrêtera pas là. 

Puisque nous ne sommes plus dans un débat rationnel mais dans l’émotion pure, la paranoïa, le délire de l’encerclement, il s'agit de  provoquer un réveil, un sursaut chez le délirant. Il faut, je crois, que les musulmans et non musulmans de bonne volonté réagissent ensemble contre cette atteinte à la démocratie. 

Une "Muslim pride" serait une manière de rendre visible l’islam réel, de redonner confiance aux musulmans, de leur permettre de se réapproprier leur image réelle. Ce n’est pas une initiative communautariste mais citoyenne au contraire, car dans cette atmosphère de lynchage collectif, et puisque ce sont d’abord nos institutions démocratiques qui sont lynchées, tout citoyen responsable devrait se sentir symboliquement musulman.

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