Montée de 1 mètre du niveau de la mer selon la NASA : pourquoi la catastrophe pour les côtes basses sera plus ciblée et complexe que ce qu’on imagine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le niveau des eaux pourrait monter de 1 mètre d'ici 100 à 200 ans.
Le niveau des eaux pourrait monter de 1 mètre d'ici 100 à 200 ans.
©Reuters

Que d'eau ! Que d'eau !

La NASA a annoncé le 26 août que le réchauffement climatique pourrait faire grimper le niveau de l'eau d'un mètre d'ici cent ou deux cent ans. Si certaines îles voire des archipels entiers de l'océan Pacifique pourraient être submergés, le phénomène affecterait aussi la France et certaines de ses régions, comme la Camargue ou les côtes du Nord-Pas-de-Calais sont plus particulièrement exposées.

Gonéri Le Cozannet

Gonéri Le Cozannet

Gonéri Le Cozannet est chargé de recherche à la direction des risques et de la prévention du BRGM, unité Risques Côtiers et Changement Climatique.

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Atlantico : La NASA, qui prévoit une hausse d'un mètre du niveau de la mer d'ici un à deux siècles, a publié une série de cartes qui montrent l'impact de ce bouleversement climatique sur la France. Cette estimation vous semble-t-elle réaliste ?

Gonéri Le Cozannet : Pour arriver à ce résultat, les chercheurs de la NASA se sont probablement contentés de regarder les zones les plus basses en France et les inonder par projection. Si la mer augmente d'un mètre d'ici 2200, je pense que c'est encore gérable. Plus d'un mètre d'ici un siècle, cela devient déjà plus difficile.

Les glaciologues qui observent la fonte des neiges au Groenland et en Antarctique estiment que ce phénomène est beaucoup plus rapide que ce que nous avions anticipés : le scénario d'un mètre en 2100 et deux mètres en 2200 est donc tout à fait possible. Mais ce phénomène n'est pas uniforme en France sur le littoral. Pour la Camargue, si les Saintes-Maries-de-la-Mer vont être affectés, on ne peut pas en dire autant de la partie est de cette région, vers le Grau du Roy, où il y a plus de sédimentation.

Des solutions sont envisageables : on fera probablement en sorte que les Saintes-Maries-de-la-Mer ne soient pas complètement inondées par exemple, tout comme Palavas-les-Flots, ce que l'on ne peut pas voir sur ce type d'étude. Dans le Pas-du-Calais, certaines zones sont déjà sous le niveau de la mer, ce qui montre qu'on sait déjà gérer cette situation, grâce à des digues mises en place il y a longtemps et des marais gagnés sur la mer. La situation est plus compliquée en Camargue.  

Comme l'auteur de l'étude le reconnaissait lui-même, cette projection comporte une marge d'erreur. Les immeubles et les arbres peuvent minimiser le phénomène de montée des eaux, en sous-évaluant l'altitude réelle du sol lors du recueil des données prises de l'espace. Comment évaluer réellement l'impact de la montée des eaux sur le littoral, notamment en France ?

L'impact peut d'abord être des submersions plus fréquentes et une modification du trait de côte. On peut modéliser l'impact d'une submersion marine événementielle. On fait par exemple la simulation d'une tempête de type Xynthia en 2010 qui avait frappé la Faune-sur-Mer. On peut la modéliser de façon très fine, la technologie nous le permet. On peut rajouter une dizaine de centimètres et voir l'impact de 10 centimètres supplémentaires sur une tempête déjà vécue. On voit alors un impact majeur. Les zones basses sont inondées plus longtemps à cause du débordement des digues.

Mais ni la topographie ni la hauteur des digues ne changent alors qu'on sait que cela va évoluer. Et c'est d'ailleurs ce qui est difficile à évaluer, modéliser, anticiper : comment le littoral va évoluer. L'élévation du niveau de la mer va causer des tempêtes et des submersions marines plus fréquentes. On sait que l'impact va être très important à partir du milieu du 21e siècle. Mais l'impact sur l'érosion est très difficile à quantifier. L'érosion n'est pas inéluctable. Si on arrive à limiter l'augmentation du niveau de la mer, on pourra limiter l'érosion pour qu'elle ne soit pas uniforme partout.

On a une incertitude sur l'évolution morphologique du littoral au cours des prochaines décennies : les pentes de plage qui changent, les sédiments qui se déplacent, les digues qui vont être construites. Tout cela va venir nuancer les résultats des études comme celle de la NASA.

Comment cette montée des eaux affectera-t-elle les différents types de côtes en fonction de leur nature ? Par exemple, cela affectera-t-il plus l'estuaire de la Gironde, le Mont Saint-Michel, les falaises de Normandie, la Camargue... ? 

Si on fait une étude de submersion, on va rajouter 10 centimètres en supposant que le littoral n'a pas changé. Mais sur les zones les plus basses, les tempêtes plus fréquentes vont avoir un impact plus fort, comme dans le Poitou-Charentes, en Camargue ou dans le bassin d'Arcachon et l'estuaire de Gironde. Ces tempêtes plus fréquentes, c'est un aspect du changement climatique qu'on est obligés d'anticiper.

Pour tout ce qui est recul du trait de côte, les secteurs peuvent être en récession ou en accrétion comme en Camargue. La pointe de l'Espinguette, où il y a une accumulation de sable, sera beaucoup moins vulnérable que l'est de la région, déjà frappé par l'érosion. Beaucoup de marais maritimes français sont déjà en accrétion – avec beaucoup de sédimentation, donc la côte a tendance à avancer. C'est le cas de tous les marais situés dans la Manche, comme aux abords du Mont Saint-Michel. Tout le littoral a tendance à s'envaser et la côte s'avance. Sur ces sites, il n'y a pas d'inquiétude à court terme.

Mais un basculement de la situation est toujours possible. C'est déjà le cas aux Etats-Unis où plusieurs marais au sud du Mississippi, en Lousiaine, sont en recul rapide, en régime de submersion marine permanente. En France, vers Rochefort, où le marais avait tendance à s'envaser et à grandir, la question se pose de savoir si lors des prochaines tempêtes, la barrière érodée va laisser la place à des intrusions d'eau plus fréquentes et redonner au marais un caractère plus marin. Une fois les barrières naturelles cassées, comme les dunes, il faut reconstruire des digues et si on ne le fait pas, le marais redevient maritime.

Les marais sont plutôt en accrétion en France donc on s'en préoccupe encore peu pour le moment. En revanche, les plages sableuses sont en situation d'érosion aujourd'hui pour 40% d'entre elles. C'est une situation assez préoccupante et on s'attend à ce qu'elle empire encore avec l'élévation du niveau de la mer. Ces plages sableuses sont surtout situées en Méditerranée et dans l'Atlantique, en Aquitaine, en Vendée et dans le Languedoc. En Aquitaine, les enjeux sont cependant plus localisés, comme par exemple à Arcachon. Dans certains secteurs, comme au Pilat, la dune peut reculer sans que cela affecte négativement les activités humaines puisque la forêt des Landes est là pour l'arrêter. Le littoral est mobile et on a une grande variété de situation. Les plages sableuses sont principalement en accrétion et donc la côte avance, même si 40% d'entre elles, je le rappelle, sont en érosion.

Par exemple, en Normandie, le marais de Carentan avance. C'est aussi le cas des plages situées près des estuaires, au sud de la Loire, vers la pointe de l'Espiguette, où le littoral avance avec le dépôt de sédiments par les fleuves. Les plages le plus en érosion sont au Languedoc. En Aquitaine, le littoral recule d'un mètre par an, surtout dans le nord de la région. Entre érosion et accrétion, les situations sont très variables d'un site à l'autre. 

Comment faudra-t-il se préparer à ce bouleversement ? Quelles politiques publiques devront être mises en oeuvre ?

Si on veut éviter un recul généralisé des côtes, il faut bien évidemment empêcher une hausse de température supérieure à 2 degrés par rapport à la période pré-industrielle. On sait qu'aujourd'hui, dans les calottes glaciaires, qu'il y a une partie instable qui correspond à 10 mètres d'élévation du niveau de la mer, soit la fonte d'une grande partie du Groenland et d'une autre partie de l'Arctique, située à l'ouest du continent. Dans le siècle à venir, cette fonte serait inévitable si on atteignait les 6 degrés supplémentaires. La première action serait donc évidemment de limiter les gaz à effet de serre pour essayer de gérer l'élévation du niveau de la mer.

Si on reste sur un rythme de 3 à 4 millimètres par an pendant le siècle à venir, l'adaptation devient plus "facile".  Il suffit de protéger les zones comme on le fait déjà avec des déchargements de sable sur les plages, avec éventuellement la construction de digues en dur dans certaines zones, on peut accélérer la sédimentation en créant des espaces pour que les sédiments puissent pénétrer plus facilement les lagunes.

L'adaptation sera donc différente suivant le scénario et la vitesse de hausse du niveau de la mer. Si cela devient trop rapide, il faudra peut-être délocaliser certaines zones, se retirer des zones basses. Mais nous avons la capacité de construire des digues très hautes. A Bangkok, le niveau du sol baisse de 1 centimètre par an à cause de la ponction d'eau dans le sol. Donc la plaine où a été construite la ville s'enfonce. Mais l'on protège la ville avec des digues. Techniquement, il est donc possible de protéger une ville d'une hausse de un à deux mètres du niveau de la mer. Aux Pays-Bas, certaines zones sont ainsi situées à 6 mètres en-dessous du niveau de la mer. C'est possible technologiquement mais cela a un coût. En Japon, après le tsunami, certaines zones se sont enfoncées de un mètre. Il a donc fallu les remblayer d'un niveau équivalent.

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