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Mois mondial du véganisme : attention aux dangers pour les enfants, l’un d’eux l’a payé de sa vie…
©Pixabay

Novembre, mois mondial du véganisme

Carences en fer, fragilité osseuse, problèmes cognitifs... le véganisme peut être particulièrement dangereux quand imposé à un enfant ou à nourrisson encore en pleine croissance.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico : Depuis le 1er novembre, journée mondiale du véganisme, nous sommes entrés dans le "mois mondial du véganisme". Cette pratique, qui consiste notamment à ne plus avoir recours au moindre produit d'origine animale, présente-t-elle des dangers pour la santé ? Lesquels ? Quelle est l'ampleur des dégâts causés par le véganisme aujourd'hui ?

Patrick Tounian : Je ne parlerais que de l'enfant, parce que les risques sont a priori moins importants chez l'adulte.

Chez un nourrisson de moins d'un an, les nutriments sont apportés exclusivement par le lait infantile. Pour précision déontologique, j'exclue les nourrissons allaités : il ne s'agit pas de véganisme à proprement parler, puisque c'est la mère qui fournit le lait. Il est ici question des substitutions du lait infantile par des jus et des boissons végétales à base de riz, d'amande, de soja, de noisettes, etc. Cette situation est gravissime : ces boissons végétales ne contiennent absolument pas les nutriments dont a besoin l'enfant. On assiste donc à des carences majeures et inéluctables. Les plus fréquentes sont les carences en fer, en calcium, en protéines, en zinc. On constate également des carences en vitamines diverses et variées. Nous avons réalisé une étude nationale, dans laquelle nous avons recueillis les dossiers d'enfants pratiquants le véganisme. 34 cas présentaient des complications sévères. La plupart ont d'ailleurs nécessité une hospitalisation. C'est énorme, et c'est la résultante directe d'une alimentation basée sur la consommation de ces boissons plutôt que sur celle du lait infantile. Des cas de décès sont également décrits dans la littérature médicale, l'un des plus récents ayant eu lieu en Italie. Les parents ont été poursuivis par la justice.

Il s'agit, ni plus ni moins, de maltraitance nutritionnelle. Il est primordial que les journalistes abordent le sujet : les parents sont tout autant victimes que les enfants. Dans la majorité des cas, ils se font tromper par des pseudo-thérapeutes et autres naturopathes, quand ce n'est pas par les réseaux sociaux et les réseaux de véganisme. S'ils savaient ce qu'encourt leur enfant, je suis persuadé qu'ils n'oseraient pas lui donner ces boissons végétales. Il faut que nous en parlions, pour pouvoir atteindre ces familles et les alerter. La survie de leurs enfants est potentiellement en jeu. Nous ne pourrons pas atteindre les instigateurs de ces régimes, mais ce n'est pas le plus important : c'est l'enfant qu'il faut protéger.

Chez le nourrisson, encore une fois, c'est une situation gravissime. Les séquelles sont définitives. Pourtant, il ne faudrait pas négliger les conséquences du véganisme chez l'enfant et l'adolescent également. De plus en plus d'entre eux se mettent au régime végane, généralement pour des raisons éthiques : ils ne souhaitent pas tuer de bêtes. C'est souvent le même motif qui est invoqué dans le cadre de régime végétalien. L'enfant comme l'adolescent sont en pleine croissance. Ils risquent donc beaucoup et souffrent de façon quasi-inéluctable plus de trois carences. 

  • La carence en fer. Il existe évidemment des végétaux très riches en fer, comme les légumes secs ou les épinards. Cependant, ce fer n'est pas correctement absorbé par l'organisme. Les besoins en fer, en outre, sont très élevés chez l'adolescent, qui ne mange pas des quantités considérables de légumes sec. Un adolescent s'expose donc à des risques très élevés de carence en fer, dont les conséquences sont graves. Cela commence d'abord une forte fatigue, puis par une atteinte aux capacités cognitives. Cela peut engendrer des troubles psychiatriques, voire des troubles du développement cognitif définitifs chez les plus jeunes.

  • La carence en calcium. Le calcium se trouve essentiellement dans les produits laitiers. Certains végétaux sont très riches en calcium, qui est pour le coup bien absorbé. Mais les enfants et les adolescents ne sont généralement pas grands consommateurs de tels produits… d'autant plus qu'il en faut des quantités phénoménales. À titre informatif, les légumes verts cuits sont assez riches en calcium. Pour qu'un adolescent puisse assurer ses besoins en la matière, il lui faudrait en manger deux kilos au quotidien. C'est proprement impossible. Il est utopique de penser que des enfants ou des adolescents vont manger des quantités aussi importantes. Ces carences fragilisent l'os, d'une part et ne sont pas visibles avant plusieurs décennies. La fracture ne survient qu'une fois adulte. Il est impossible de déceler une telle carence avec une prise de sang.

  • La carence en vitamine B12. C'est simple, il s'agit d'une vitamine d'origine exclusivement animale. On ne la retrouve pas dans le monde végétal et c'est quelque chose que les végétaliens savent. Généralement, ils consomment des compléments en vitamine B12.

  • La carence en DHA. Le DHA est un acide gras essentiel que l'on retrouve essentiellement dans le poisson. Ces carences entraînent des troubles cérébraux.

Ce phénomène prend-t-il de l'ampleur, notamment en France ? Peut-on seulement le pratiquer de façon saine, à tous les âges ? Comment ?

Il n'est pas possible de pratiquer le véganisme de façon saine chez l'enfant. Chez le nourrisson, c'est strictement impossible. 

La vitamine b12 n'existe tout simplement pas dans le monde végétal. Elle implique nécessairement des carences si un enfant pratique le véganisme. Les carences en calcium sont invisibles avant l'âge adulte. Rien n'est en mesure de le montrer… mais le coût sera réel à partir de 50 ou de 60 ans : la moindre chute pourrait occasionner une fracture. La minéralisation de l'os ne se fait que pendant la croissance de l'os, soit pendant l'enfance. Par conséquent, un adulte qui adopte le mode de vie végane risque nettement moins qu'un enfant à qui on l'impose sur le plan de la fragilité osseuse. C'est prendre un risque que l'on ne peut pas déceler, qui en plus est irrémédiable. On ne peut pas revenir en arrière et re-solidifier la structure osseuse. Enfin, la carence en fer est soumise à l'inégalité des individus devant la santé. Il est tout à fait possible qu'un individu pratiquant le véganisme ne soit pas en situation de carence en fer : son absorption varie d'un organisme à l'autre. Certains adultes véganes ou végétaliens – ainsi que des enfants mais c'est plus rare – sont en mesure de consommer des quantités considérables de légumes sec. Associés avec un peu de citron, qui favorise l'absorption, et un métabolisme qui absorbe bien peuvent tout à fait y échapper. Cependant, statistiquement, les enfants véganes sont beaucoup plus souvent victimes de carences en fer que les enfants omnivores.

Indéniablement, le phénomène végane prend de l'ampleur. Je le constate au quotidien. La journée mondiale du véganisme en est à la fois un signe et une des raisons. Je suis connu dans ce milieu comme un fervent opposant à ce mode de vie et je ne peux que remarquer à quel point il est sectaire. Je suis un "wanted"… L'engouement pour ce régime est essentiellement dû à la cause animale. On montre des animaux maltraités dans un abattoir et on explique que c'est systématique. En tant que médecin, et par curiosité suite aux discours sur le sujet, je me suis rendu dans un abattoir tout ce qu'il y a de plus lambda. C'est effectivement une vision très difficile à supporter. Voir une bête se faire exécuter puis se vider de son sang est difficilement soutenable. C'est terrible, certes, mais c'est ainsi. Nous mangeons de la viande depuis des millénaires.

Des adeptes du mode de vie végane font parfois état de prise de sang pour témoigner du succès de leur mode de vie. Comment expliquer que certains supportent mieux que d'autres la pratique d'un tel régime ?

Nous avons déjà un peu abordé cet aspect dans les précédentes questions. La variabilité interindividuelle fait que les individus absorbent plus ou moins bien le fer. On peut également penser que la majorité des individus qui s'essayent au régime végane et le vivent mal abandonnent. Cette épuration produit mécaniquement un décalage avec le reste de la population. Cependant quand on compare statistiquement les véganes et les omnivores, on réalise que les premiers affichent nettement plus de carence en fer que les seconds.

Aucune prise de sang ne permet de détecter une carence en calcium. Il n'y a pas moyen de l'apprendre sans réaliser des examens très rarement exécutés comme la densitométrie osseuse. On le remarque également lors d'une fracture…

Les véganes savent qu'ils manquent de vitamine B12 puisque, dans la majorité des cas, ils en consomment en supplément.

Pour le DHA, la prise de sang est là aussi inefficace. Par conséquent, une prise de sang ne sert que pour la carence en fer. 

Il y a bien sûr une inégalité certaines vis-à-vis de la santé, mais notre rôle tant au médecin qu'au journaliste, c'est de parler au plus grand nombre. Exposer un enfant (ou pire, un nourrisson) au régime végane c'est lui faire prendre des risques considérables de séquelles irrémédiables. Et ce même si, bien évidemment, certains s'en sortiront.

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