Mission croissance pour Manuel Valls en Allemagne : ce à quoi pourrait ressembler un compromis accepté par Angela Merkel <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre français et la chancelière allemande déjeunent ensemble ce lundi 22 septembre.
Le Premier ministre français et la chancelière allemande déjeunent ensemble ce lundi 22 septembre.
©Reuters

Meilleurs ennemis

Le Premier ministre français a le privilège de déjeuner avec la chancelière allemande ce lundi 22 septembre à Berlin, à la suite de quoi une conférence de presse commune sera tenue. Charge aux deux dirigeants, confrontés à des enjeux de politique interne opposés, de trouver un terrain d'entente sur les questions économiques.

Henri de Bresson

Henri de Bresson

Henri de Bresson a été chef-adjoint du service France-Europe du Monde. Il est aujourd'hui rédacteur en chef du magazine Paris-Berlin.

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Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Jakob Höber

Jakob Höber

Jakob Hoeber est chercheur associé en économie, compétitivité et modèles sociaux européens à l'Institut Thomas More.

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Atlantico : Manuel Valls rencontre ce lundi 22 septembre la Chancelière allemande Angela Merkel, premier déplacement à l'étranger depuis la mise en place du nouveau gouvernement. Au menu probable de la discussion, le rôle de la BCE et la politique monétaire européenne. Un compromis est-il possible entre deux nations qui ne se sont jamais alignées sur ce sujet ? Sur quoi pourrait-il déboucher ?  

Nicolas Goetzmann : Selon les principes européens, la Banque centrale européenne est indépendante. Il n’y a donc a priori pas de discussion possible sur le sujet. C’est-à-dire que la BCE doit se cantonner à respecter son mandat, qui est de stabiliser les prix sur le moyen terme à un niveau inférieur, mais proche de 2%. La réalité est évidemment un peu différente, notamment lorsque les français souhaitent un plus grand activisme, ou lorsque les allemands indiquent que la rigueur est la priorité. Evidemment tout le monde se retranche derrière cette notion d’indépendance lorsque le voisin critique ce qui est fait à Francfort.

Si la BCE est effectivement indépendante, il ne faut pas sous-estimer la dimension politique de son action. Lorsque le gouvernement allemand critique durement ce qui est mis en œuvre par Draghi, cela résonne comme un avertissement sérieux. Lorsque le Président de la Bundesbank s’engage dans la même voie, c’est également de la politique. Et lorsque Mario Draghi s’empresse de faire des recommandations budgétaires à des Etats membres, il sort aussi de son rôle.

L’enjeu pour le Premier ministre français serait d’obtenir une déclaration de soutien aux récentes actions de la BCE par le gouvernement allemand. Mais pour le moment, Manuel Valls n’a aucun moyen de peser dans ce débat, le gouvernement français est bien trop faible politiquement.

Jakob Hoeber : Pour l'Allemagne, la confirmation du nouveau gouvernement la semaine dernière était le signal de la volonté française d'entreprendre une politique plus social-démocrate que socialiste. Depuis les élections en France en 2012, Paris a annoncé à plusieurs reprises vouloir mettre en route un plan de réformes, mais jusqu'ici sans trop donner de résultats. Avec le nouveau gouvernement, M. Valls pourrait convaincre la Chancelière que son voisin souhaite mettre en œuvre un réel plan d'avenir. Ceci dépendra de ses talents de persuasion, mais surtout de la qualité de ce plan. Il est vrai que la méfiance de Berlin a augmenté considérablement depuis que Paris a dû revenir sur ses annonces faites relatives au respect des critères de Maastricht. Le retour de la confiance est donc l'un des principaux enjeux de la visite de Manuel Valls à Berlin.

En termes de politique monétaire, un rapprochement entre la France et l'Allemagne a déjà eu lieu. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin. Les annonces faites par Mario Draghi à Jackson Hole en juin 2014 sur sa volonté d'introduire de nouvelles mesures pour soutenir l'économie réelle s’inscrivent dans ce changement de paradigme. Néanmoins, il reste des lignes rouges, comme le financement de la dette publique par la Banque Centrale Européenne, interdit par les traités concernant la dette nouvellement émise, mais aussi inacceptable pour Berlin – et d'ailleurs d'une valeur économique douteuse.

La crainte de Berlin réside dans l'aléa moral d'une politique monétaire soutenant la demande, puisqu'il s'agit d'une simple bouffée d'air frais le temps de revoir les causes initiales de la situation économique pénible que nous connaissons, mais pas d'une solution àlong terme. Le danger serait de présenter ces mesures comme une solution miracle qui permettrait la résolution de tous les problèmes. Si c'était vraiment le cas, l'Allemagne n'aurait pas de raisons de s'y opposer.

Henri de Bresson : Malgré les inquiétudes allemandes sur la fragilité politique en France, le dernier remaniement gouvernemental français est plutôt un bon signe pour la chancelière et ses partenaires sociaux-démocrates : le départ d’Arnaud Montebourg confirme au moins aux yeux de Berlin la volonté de François Hollande et de son premier ministre de poursuivre le dialogue malgré les divergences récurrentes sur le rythme de la consolidation budgétaire et les efforts de relance. Après le dernier vote de confiance, où il a dû lâcher du lest pour alléger l’imposition des revenus les plus modestes, M. Valls a prévu deux grandes journées de visite en Allemagne pour préciser ses intentions et préparer les prochains rendez-vous européens, notamment le sommet de la zone euro en octobre. L’actuelle politique monétaire de la BCE, ses récentes décisions pour éviter une déflation dans la zone euro, sont plus un problème pour Berlin que pour Paris. Mais aucune vraie politique de relance ne se fera contre l’Allemagne. Depuis le début de la crise de la zone euro, les solutions se sont forgées à coups de compromis souvent laborieux. Cela se poursuivra, à condition qu’un minimum de confiance continue de régner sur la capacité de la France à tenir les engagements qu’elle prend.

Angela Merkel varie entre positions moins tranchées qu'auparavant et fermeté envers Mario Draghi. Qu'est-ce qui pourrait la convaincre d'adopter une politique monétaire plus favorable à la croissance en Europe ? A quelles conditions ferait-elle un pas en ce sens ?

Nicolas Goetzmann : L’Allemagne a connu un ralentissement économique au second trimestre 2014, la question du soutien monétaire pouvait alors faire sens. Mais fondamentalement, la doctrine ordolibérale allemande est, dans sa forme actuelle, totalement opposée à toute utilisation de l’outil monétaire. Peu importe les raisons de ce dogmatisme, le résultat est qu’Angela Merkel et son ministre des finances Wolfgang Schäuble, sont opposés à toute action monétaire.

Il n’y a pas de "conditions" à remplir pour que l’Allemagne fasse un pas en avant, du moins pas pour le moment. Pour la BCE, c’est un peu différent depuis quelques mois. Mario Draghi essaye d’aller aussi loin que le lui permet son mandat, quitte à fractionner l’unanimité du conseil des gouverneurs. En échange de son activisme, il réclame sans cesse des réformes structurelles de la part des gouvernements, et en premier lieu, de la part de la France.

Le seul moyen pour revenir à la raison dans ce type de situation est de voir arriver un véritable ralentissement économique en Allemagne. Au début des années 2000, lorsque l’économie allemande était "l’homme malade de l’Europe", Gerhard Schröder ne cessait de réclamer des baisses de taux, jetant l’orthodoxie aux orties. Les avis peuvent changer au gré de la conjoncture.

Henri de Bresson : La France n’est pas isolée. Elle peut compter sur son accord avec le gouvernement italien, qui assure la présidence de l’UE, pour soutenir la politique d’aide à la relance de Mario Draghi et de la Bce ; la nouvelle Commission européenne de Jean-claude Junker devrait être plus engagée elle aussi en faveur du déploiement de nouveaux moyens pour sortir la zone euro de l’anémie. Mais Paris ne profitera de ce nouveau climat que si elle garde une crédibilité politique.

Jakob Hoeber : La question qu'on peut se poser est surtout : est-ce qu'une politique monétaire expansive serait favorable à la France ? L'argument selon lequel un taux de change plus bas de l'euro – qui suit une telle politique – faciliterait les exportations françaises n'est pas nouveau : déjà dans les années 2000, il était utilisé pour expliquer la difficulté de l'économie française. Or la plupart des échanges commerciaux de la France se font avec l'Union européenne, où le taux de change joue naturellement un rôle moindre, si ce n'est aucun. Environ 60 % des échanges français se font avec l'UE, et le déficit est au plus grand avec l'Espagne et l'Allemagne, les deux étant membres de la zone euro, où le taux de change est fixe. En même temps, un euro fort n'a pas empêché l'Allemagne d'accroître ses exportations dans le monde hors Union européenne. Il en va de même pour la balance commerciale de l'ensemble de la zone euro, qui est positive...

Une politique monétaire qui prévoit l'achat de la dette publique aurait également peu d'effets : les intérêts que les Etats payent pour leurs obligations est à un niveau historiquement bas grâce aux liquidités injectées par la BCE depuis 2009. Le problème se trouve ailleurs que dans la capacité des Etats (surtout des grandes économies comme la France et l'Allemagne) à trouver de la demande pour leurs titres, mais plutôt dans la nécessité de trouver leur rôle économique au 21ème siècle.

L'enjeu est donc ailleurs : comment faire un sort que les banques financent les projets innovants des entreprises, notamment des PME ? La décision de la BCE, suite à un accord entre M. Schäuble et M. Sapin, d'introduire un programme d'achat de titres adossé sur des actifs (un produit financier regroupant plusieurs crédits accordés à des entreprises) pourrait bel et bien relancer la volonté des banques d'injecter des liquidités sur le marché – sans que ces dernières n'arrivent dans les entreprises, mais cantonnées au monde de la finance.

On voit alors que le problème n'est pas monétaire, mais dans l'économie réelle : c'est le manque de projets innovants et aussi de demande de crédit (même s'il est vrai qu'une PME au Portugal aurait des problèmes à trouver un financement, mais cet enjeu n'est pas aussi présent en France). Le  peu d'engouement généré jeudi dernier par le nouveau programme de la BCE (Targeted Longer-Term Refinancing Operations - TLTRO) censé inciter à l'octroi de crédits montre une chose : la Banque centrale n'a pas les moyens de relancer l'économie si le politique ne met pas en place une situation favorable à l'investissement. Et la conversation entre M. Valls et Mme Merkel devrait tourner surtout autour cette question.

Sur quels points France et Allemagne se retrouvent-elles malgré tout ? En quoi ces similitudes peuvent-elles faciliter un possible compromis ? 

Nicolas Goetzmann : Il me semble que les divergences se creusent avec le temps. Et en premier lieu, la question démographique. L’Allemagne est aujourd’hui dans une situation où sa préoccupation principale est de contrer la baisse de sa population. Voilà pourquoi Wolfgang Schäuble est si fier de présenter un budget à l’équilibre et donc une réduction progressive de la dette. La France est dans une situation inverse, où elle a besoin de plus de croissance pour absorber l’augmentation de sa population active. Il s’agit ici d’une problématique de long terme qui explique la tension actuelle. La politique de la BCE, dans sa forme actuelle, est bien plus proche des besoins de l’Allemagne que de ceux de la France. Le compromis ne peut donc reposer que sur un intérêt général européen. Si aucun assouplissement n’est accepté, la divergence s’aggravera avec le temps. Mais si l’Allemagne veut l’Europe, elle devra assouplir sa position. Il ne s’agit pas de donner l’avantage à la France, mais d’accepter simplement une situation équilibrée.

Henri de Bresson :  L’Allemagne, grâce en partie à l’entrée des sociaux démocrates au gouvernement, est plus ouverte à la discussion sur les moyens d’une politique de relance à condition qu’elle ne passe pas par un relâchement de la discipline budgétaire des Etats. Angela Merkel a encore été claire là dessus dans un entretien diffusé sur le site de la chancellerie le 20 septembre. Mais cela donne des marges de discussions sur le financement, notamment par les fonds européens, de programmes d’incitation à l’investissement privé pour relancer les grands travaux d’infrastructure dont l’Allemagne a aussi besoin.

Jakob Hoeber : Un accord entre la France et l'Allemagne s'inscrirait dans une situation de faible octroi de crédits aux entreprises en zone euro. Les banques européennes ont toujours un nombre considérable de produits dits "toxiques" dans leur bilan, ce qui les fait hésiter à financer les investissements. Les tests de résistance faits par la BCE cet automne avant le lancement de l'Union bancaire pourraient alléger cette situation, sans pour autant garantir que les institutions financières reviennent sur leur position de prudence. Les mesures annoncées par la BCE sont une réponse à cette impasse.

Sinon, il existe un accord général concernant la politique de la demande en temps de crise. L'Allemagne a soutenu ses entreprises et son économie au moment de l'éclatement de la crise après 2009 – comme la France sous Nicolas Sarkozy, qui a connu le Grand Emprunt, entre autres. La différence majeure réside dans le perception de l'efficacité de ces mesures sur le long terme. Si cela se fait par l'endettement, ce qui est le cas dans presque tous les pays européens, le remboursement de la dette pèsera sur le budget public demain, représentant un lourd fardeau pour les jeunes notamment. Par contre, en France, on y voit plutôt un moyen d'éviter un cercle vicieux de dégradation de la situation économique, de fuite des capitaux, de chômage, et de future dégradation. Le résultat de ces positions (qui en réalité ne sont pas si marquées) devrait être un compromis entre réforme et soutien de la demande.

Finalement, les deux gouvernements ont conscience des répercussions de leurs décisions respectives chez le voisin. L'Allemagne et la France sont confrontées à l'essor des partis politiques eurosceptiques qui, uex, voient le bonheur de leur pays en dehors de l'Europe unie. Le Front National profite de la politique d’austérité, et l'Alternative für Deutschland (AfD) réussit grâce à l'impression d'un manque de fiabilité chez certains pays européens. Trouver un accord qui respecte l'agenda interne dans les deux pays s'impose alors. Vu le caractère opposé des enjeux dans les deux pays, ceci ne sera pas facile...

La BCE a déjà appelé l'Allemagne à dépenser plus pour soutenir la zone euro, et la France à faire des réformes pour faciliter le développement de l'entreprise. Quel rôle la BCE elle-même peut-elle jouer dans un éventuel compromis franco-allemand à son sujet ?

Nicolas Goetzmann : La BCE demande à l’Allemagne de relancer par la voie budgétaire. Mais une telle demande est vaine. D’une part, Wolfgang Schäuble n’a pas l’air de vouloir baisser la tête, et de toute façon, une telle relance ne suffirait absolument pas à redresser la barre pour les autres pays. Il faudrait être naïf pour croire qu’une relance de quelques milliards en Allemagne permettrait de générer une forte croissance en Espagne, en Italie ou en France. La même naïveté a déjà été appliquée à l’égard du nouveau salaire minimum allemand.

Il me semble que la BCE se fait force de proposition face au spectacle d’un délitement de ce qui est peut-être commun entre la France et l’Allemagne. Les intérêts sont de plus en plus divergents entre les deux pays et la BCE tente de colmater les brèches.

Mais la BCE tente surtout de se dédouaner. En accusant les Etats de plus en plus fortement, elle cherche également à masquer sa responsabilité dans la crise actuelle. Et cette responsabilité est maximale. Quand l’OCDE, le FMI, le G20, qui sont pourtant tous orthodoxes, accusent l’immobilisme de la BCE, c’est que le problème est très sérieux.

Le contexte européen quasi-déflationniste peut-il pousser l'Allemagne (également touchée par le phénomène) à une certaine souplesse ? Vivons-nous le contexte le plus "favorable" pour qu'enfin France et Allemagne marchent dans la même direction ?

Nicolas Goetzmann : Cela n’en prend pas le chemin. Wolfgang Schäuble campait sur ses positions pendant la réunion du G20 à Cairns ce week end. De plus, les rumeurs d’un départ de Mario Draghi à la mi-2015 se font de plus en pressantes. Et à cette heure, le "favori" pour reprendre la place de Président de la BCE est Jens Weidmann, adepte d’une position dure de la BCE. Pour le moment, l’Allemagne est en situation de plein emploi,  a un budget à l’équilibre, elle ne voit donc aucune raison pour agir. Tout va bien. 

Dans le même temps, une telle position est aussi possible en raison de la faiblesse du gouvernement et du président Français.

La déflation n’est pas un débat en Allemagne, ce serait même plutôt une bonne nouvelle. Par contre l’idée de la "bulle immobilière" fait son chemin, ce qui contribue encore à durcir la position.

Après des années d'une opinion publique allemande chauffée à blanc par le sentiment de "payer pour les autres", la Chancelière pourrait-elle faire passer auprès de son électorat une position plus souple sur la BCE et vis-à-vis de la France ? Les électeurs allemands sont-ils une barrière au compromis ? 

Nicolas Goetzmann : Depuis environ un an, Angela Merkel est confrontée à l’émergence du nouveau parti AfD, qui prône une sortie de l’euro. Cette ligne politique engrange les succès aux élections intermédiaires et affiche un niveau de 10 à 12% dans l’opinion actuelle. La progression est donc très rapide, et celle-ci se fait sur le dos d’Angela Merkel.  Plus la politique de la BCE sera souple, plus ce parti aura des marges de manœuvre pour prospérer sur l’idée d’une Allemagne qui "paye" pour les autres. A l’inverse, plus la position de la BCE est dure, plus le Front National progresse en France sur la thématique de sortie de l’euro. Chaque pays a son parti anti euro, et les bases du mécontentement sont inversées. Il n’y a donc pas de bonne solution. Pour sortir de ce mécanisme, il ne reste qu’une grande initiative politique commune entre la France et l’Allemagne. Une réelle refonte du projet et la mise en place de nouvelles bases, plus solides. Mais si chacun continue de suivre ses simples intérêts au mépris de l’intérêt général européen, il n’y pas grand-chose à espérer pour les années à venir.

Jakob Hoeber : Angela Merkel se trouve aujourd'hui entre deux chaises : d'un côté, elle a conscience de l'importance de la France pour l'unité européenne et l'avenir de la zone euro. En même temps, elle subit une pression croissante en interne. Le succès de l'Alternative für Deutschland (AfD) dans les élections dans trois Länder au cours des trois semaines dernières – ce parti a réussi son entrée dans les parlements régionaux avec environ 10% – donne du poids aux critiques conservateurs au sein de son parti. Il faut cependant noter que l'euro et l'Europe n'ont joué qu'un rôle mineur dans la bataille électorale, dominée par des sujets plus régionaux. La crainte que l'AfD s'établisse à la droite de la CDU/CSU fait monter la pression sur la Chancelière d'abandonner, au moins en partie, sa ligne politique très centriste qu'elle a pris depuis quelques années. Ceci aura également des répercussions sur sa politique européenne.

La perception que l'électeur allemand a de la France joue un rôle important dans ces calculs. Paris n'est plus considéré comme le partenaire fiable qu'il était auparavant. La confiance a souffert à cause des renégociations répétées de la conformité du budget public avec les critères de Maastricht ; les changements de gouvernement cette année ont laissé une impression de la politique française plutôt chaotique. Par contre, la politique monétaire expansive de la BCE serait plus facilement acceptable en raison des taux d'inflation extrêmement bas et de la crainte d'une déflation. Mais ceci dit, la BCE ne peut résoudre les enjeux auxquels la France est exposée aujourd'hui, comme expliqué plus haut.

Le sentiment en Allemagne est donc celui d'une certaine impuissance ; la majorité a conscience de l'importance de l'euro et d'une Europe unie en raison d'un monde de plus en plus incertain où la simple taille d'une économie pèse énormément. Ainsi 55 % de la population considère que "l' Europe est notre avenir", contre seulement 21 % qui pensent que cette affirmation est fausse (1). Cette perception peut cependant changer rapidement si la crise revient en force. La volonté de poursuivre le chemin d'une Europe unie dépendra fortement de l'impression qu'ils ont des autres membres, et avant tout, celle qu'ils ont de la France.

Henri de Bresson : La montée en puissance du parti anti-euro AfD lors des dernières élections européennes et régionales, où il a dépassé les 10%, montre que la tentation du repli national existe aussi en Allemagne, même si elle est pour le moment plus contenue qu’en France. La droite chrétienne démocrate traditionnelle ne cache pas ces derniers temps sa méfiance à l’égard d’une gauche française qu’elle accuse d’être incapable de réformer son pays. Mais la CDU comme le parti social-démocrate, partenaire de Mme Merkel,tiennent à l’Union européenne ; et ils savent que cela passe par des accords avec la France.


(1) D'après une sondage de l'IfD Allensbach. Les points de pourcentage manquants ont donne la réponse “Je ne sais pas”.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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