Michèle Delaunay, cette riche qui ne s’est “jamais vécue comme riche”... mais les pauvres s’en portent-ils forcément mieux ?

Atlantico : La ministre déléguée aux Personnes âgées Michèle Delaunay a déclaré lundi dans la presse un patrimoine de 5,4 millions d’euros, tout en commentant qu’elle craignait une incompréhension de la part des Français. Elle a ajouté ne s’être « jamais vécue comme une riche ». Quelle est l’utilité de cette précision ? De quoi est-elle révélatrice dans notre société ?

Nathalie Cariou : La plupart des ministres qui ont eu à dévoiler leur patrimoine ont une fortune que je qualifierais de « normale ». Même si tous les Français n’ont pas d’immobilier bien sûr, il suffit cependant d’un appartement bien placé – que l’on peut avoir reçu en héritage – pour devenir millionnaire. Une partie de la richesse de Michèle Delaunay provient d’ailleurs d’héritages et n’a rien de surnaturel.

Par contre, un revenu de 17 000 euros par mois, sans risque puisqu’elle et son mari sont fonctionnaires ou tout comme, c’est ce que j’appelle de la richesse. Difficile à comprendre, effectivement, pour la moyenne des Français, qui gagnent 10 fois moins (salaire moyen des Français : 1 500 euros).

Je ne condamne en rien le fait que Michèle Delaunay et son mari gagnent bien leur vie ... mais il me semble respectueux, vis-à-vis de ceux et celles qui vivent avec moins de 1 000 euros par mois, de reconnaître qu’il s’agit d’une situation de privilégiée ! Étonnant, et peut être choquant, qu’elle ne se sente pas riche !

Dans l'interview qu'elle a accordée lundi à Sud-Ouest, Mme Delaunay a précisé qu'elle était normalement dépensière et qu'elle détestait les attributs du luxe. Dans leur ensemble, les membres du gouvernement semblent avoir tenu à dévaloriser la dépense. Cela se justifie-t-il économiquement ? Une personne riche qui dépense est-elle moins utile à l'économie que si elle épargne ? A qui un patrimoine immobilier profite-t-il directement ? Quel profit la société en retire-t-elle ?

Le paradoxe des déclarations ministérielles, c’est qu’elles parlent de patrimoine, souvent justifiés par l’histoire des uns ou des autres, en oubliant de mettre en perspective le revenu mensuel de nos ministres. Qui, je vous l’accorde, ferait probablement beaucoup plus polémique ! Gagner 10 000 ou 17 000 euros que l’on dépense en intégralité ressemble plutôt à du gaspillage qu’à des investissements porteurs d’une quelconque valeur économique.

Dépenser sans compter est probablement plus choquant aux yeux de la plupart des Français que de voir cet argent investi dans des placements produisant de la richesse : immobilier, entreprises ... il y a de quoi faire en dehors de dépenser ou de laisser dormir son argent (ce qui ressemble assez au comportement de Mme Delaunay). Ni la dépense, ni l’épargne ne sont réellement utiles à l’économie. Beaucoup moins en tout cas que des investissements productifs. Alors oui, je trouve choquant que l’on ait trop d’argent pour le laisser dormir.

A l’image de Gérard Depardieu, les Français à hauts revenus cherchent à protéger leur argent. Comment relancer la circulation des richesses en France ?

Qu’ils soient riches ou moins riches, les Français cherchent à protéger leur argent. La richesse n’y change rien ! Soit que nous ayons l’impression qu’il s’agisse d’un argent trop chèrement gagné pour accepter qu’il disparaisse dans les caisses de l’Etat ; soit que nous soyons encore trop emprunts de la peur du manque pour accepter d’investir au lieu de stocker. Quoi qu’il en soit, un cercle vicieux semble s’être mis en place, porté par un État de plus en plus désespéré et gourmand qui ira chercher l’argent partout où il se trouve. Et bloque absolument la circulation des richesses. Qui ne pourront revenir vers l’économie française que dans la mesure où l’Etat sait restreindre ses appétits et laisser les investisseurs jouir "équitablement" de leur gain.