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Michel Sapin préfère-t-il vraiment le capitalisme de la finance internationale à celui des "héritiers à la papa maman" qui engagent une famille dans la durée ?
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Bons élèves contre vilains petits canard

Vendredi sur Europe 1, Michel Sapin, a invité à ne pas confondre les entrepreneurs courageux avec "ceux qui ont hérité de papa-maman". Mais en période de crise économique, l’État a besoin de tous ses entrepreneurs pour redresser le pays.

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Il est effrayant qu’avec 3 millions de chômeurs et une économie en quasi stagnation, notre pays puisse s’offrir le luxe du tri méthodique mené par nos gouvernants, entre les bons et les mauvais patrons, entre les PME valeureuses et les grands groupes coupables de tous les maux  ; entre l’économie des entrepreneurs qui serait vertueuse et l’économie financière qui serait indécente ; entre les start-up nées dans la douleur et les firmes obsédées par les dividendes, la dernière distinction en date revenant à Michel Sapin, notre Ministre du travail s’évertuant à louer les entrepreneurs qui ont pris des risques, à ne surtout pas confondre avec « ceux qui ont hérité de papa-maman ».

Armée d’un martinet fiscal, toute la machine étatique semble vouloir calibrer impôts et taxes pour cibler les méchants patrons héritiers, suppôts de la finance, apôtres des dividendes, version revisitée des « 200 familles » combattues par le Front Populaire, tout en épargnant les vrais entrepreneurs, partis de rien, qui auront réussi à revendre le fruit de leur dur labeur après des années de souffrances.

Cette vision moralisatrice, punitive et caricaturale de l’économie est la négation même de la dynamique de la création de richesses, qui imbrique toutes les composantes de l’économie les unes aux autres, mais que l’on disloquera durablement si l’on commence à vouloir l’amputer de certains de ses membres, alors qu’ils jouent tous un rôle dans le marché.

Comment les glorieuses start up pourront-elles éclore, si elle n’ont plus accès à des capitaux risqueurs, parce qu’on les aura dissuadés de pouvoir réaliser des plus-values en France, au nom d’une condamnation quasi religieuse des fruits de la rente? En asséchant l’abominable finance, on tue en cascade toutes les jeunes pousses qui pourraient en dépendre.

A qui les jeunes et valeureux entrepreneurs revendent-ils leurs entreprises, si ce n’est à ces grands groupes que l’on montre du doigt, comme si appartenir au CAC 40 était devenu une tare, alors qu’il est heureux que ces groupes soient encore dotés des capitaux nécessaires pour reprendre et faire croître des PME innovantes. Ne vaut-il pas mieux que leurs fonds propres puissent servir à densifier notre tissu industriel, avec des emplois à la clef, plutôt que de vouloir les assécher par des impôts punitifs, pour alimenter le tonneau des danaïdes étatique ?

Et alors que les financiers seraient d’abominables spéculateurs, et que les grands groupes ne seraient que des prédateurs, dans le même temps, il ne faudrait pas transmettre son entreprise à ses enfants, parce qu’on en ferait alors des « héritiers » gâtés par papa-maman, en pure violation de l’idéal égalitaire qui sert actuellement de grille d’analyse des rouages économiques.

Alors que les deux tiers des Entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des entreprises patrimoniales dirigées par la 3ème ou 4ème génération ayant succédé à leur fondateur, nous savons combien nous manquons cruellement de ce tissu qui constitue le socle d’une industrie performante, alors que l’Allemagne - qui en compte trois fois plus que la France - a su les préserver (source Asmep-ETI).

Ce n’est que par dogmatisme idéologique, parfaitement illustré par les propos de Michel Sapin, que l’on s’est acharné, à coup de législations et de fiscalité confiscatoires bridant la transmission des entreprises, à priver la France des atouts de ce capitalisme familiale, attaché au développement dans la durée, à la formation, à la préservation des savoirs et des qualifications. Préfèrerait-on le cynisme de la finance internationale qui rachète les fleurons de l’industrie française à tour de bras, au paternalisme qui caractérise parfois ce capitalisme familial, avec des marques prestigieuses qui ont su rester soudées autour d’un noyau familial solide ? A l’évidence, il est difficile de trouver grâce entre toutes les excommunications économiques distribuées depuis quelques semaines !

Avec 3 millions de chômeurs, il serait temps de comprendre qu’il ne doit manquer aucun moteur à l’économie française pour qu’elle retrouve enfin son dynamisme. Des financiers aux jeunes entrepreneurs, des multinationales, françaises et étrangères aux entreprises patrimoniales, des PME et artisans aux auto-entrepreneurs, toutes les catégories d’acteurs économiques doivent concourir ensemble à notre prospérité nationale. Tous, en interaction, contribuent à l’enrichissement de la France, et si certains acteurs adoptent des comportements préjudiciables à l’enrichissement collectif, il est parfaitement légitime que l’Etat intervienne pour réguler des dérives individuelles. Mais il est inconséquent de vouloir désigner des catégories d’acteurs comme étant a priori les coupables expiatoires des dysfonctionnements du marché.

Réguler le marché est une nécessité pour éviter des comportements condamnables. Mais si au nom de cette régulation nécessaire, on en vient à jouer aux apprentis sorciers en disqualifiant des catégories d’acteurs économiques qui ne pourront plus jouer leur rôle dans les rouages du marché, ce sont des réactions en chaîne dévastatrices dont on pose méthodiquement les jalons. Une telle approche moralisatrice et punitive ne fait à l’évidence pas une politique économique.

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