Meurtre de Lola : ces indécentes paniques morales de la gauche <!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a été interrogé à l'Assemblée sur le profil de l'auteure présumée du meurtre de la jeune Lola.
Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a été interrogé à l'Assemblée sur le profil de l'auteure présumée du meurtre de la jeune Lola.
©XOSE BOUZAS / Hans Lucas via AFP

Récupération politique ?

La gauche dénonce une instrumentalisation de la mort de la jeune Lola après l'indignation et les critiques de nombreuses figures de la droite.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Atlantico : Après le meurtre de Lola, l’indignation est surtout montée à droite et à l’extrême-droite de l’échiquier politique, tant et si bien que la gauche dénonce une instrumentalisation de la mort de la jeune fille. N’est-ce pas hypocrite ? La gauche ne fait-elle pas la même chose dans d’autres cas ?

Eric Deschavanne : Préalable : il faut distinguer indignation et interprétation rationnelle. Considérer que cette affaire souligne le laxisme de la politique migratoire, notamment la non-exécution des OQTF, est parfaitement rationnel. On peut sans démagogie reconnaître le fait que l’État a une responsabilité indirecte dans le meurtre de Lola. Je pense d’ailleurs que l’indignation ne provient pas seulement de la barbarie insensée de l’acte criminel lui-même, mais aussi du déni de cette responsabilité de l’État. Pour ma part, je ne serais pas choqué si la meurtrière était jugée irresponsable (il n’est pas impossible, compte tenu de sa nature, que l’acte ait été commis dans un moment de démence). En revanche, on ne peut pas ne pas poser le problème politique de l’immigration. Non seulement ce n’est pas le premier meurtre perpétré par un étranger en situation irrégulière (on se souvient par exemple du meurtre de deux jeunes femmes à la gare Saint-Charles en 2017), mais on peut également se demander si l’accueil de cette jeune femme en France était absolument indispensable.

Ce n’est certainement pas moi qui ferais l’éloge du débat public fondé sur l’émotion et l’indignation du jour. Cela dit, cette indexation du débat sur l’actualité est notre lot quotidien, de sorte que, en particulier, l’exploitation politique des « faits divers » s’est généralisée. Le phénomène est transpartisan. On a notamment vu d’abondance à gauche, ces derniers temps, des politiques instrumentaliser, sans souci de complément d’information, la gifle reçue par Mme Quatennens ou le drame sentimental vécu par une ex-petite amie de Julien Bayou. Au regard de ces « tragédies », j’imagine que pour Aurore Bergé ou Sandrine Rousseau, l’égorgement de la petite Lola ne vaut pas une minute d’indignation ! Si encore le meurtrier avait été un homme, blanc si possible, la gauche aurait pu se laisser aller à dénoncer un « féminicide », notion certes largement aussi stupide que celle de « francocide », mais adoubée par le progressisme et par les médias, ce qui est bien l’essentiel.

Dans quelle mesure la crainte que ce fait divers alimente le racisme et autres bas instincts des Français est-elle injustifiée ? N’est-ce pas une vision condescendante, voire méprisante, des Français, et un oubli de leur résilience ?

Je ne crois pas que le racisme soit très répandu en France mais, en tout état de cause, chacun est responsable de son interprétation, non de celle des autres. Dans la mesure où il existe des racistes, il existe aussi des interprétations racistes de la réalité, un prisme raciste, ou xénophobe, qui se traduit notamment par l’indignation sélective, un biais que l’on retrouve du reste chez tous les idéologues et qui n’est pas propre aux racistes.

Ceci dit, « la crainte du fait divers qui alimente les bas instincts » est l’expression de cette bienpensance médiatique qui exaspère les gens. La bienpensance se définit par le fait de sacrifier la vérité à l’idée qu’on se fait du Bien, de sacrifier en particulier l’objectivité de l’information au souci des conséquences morales et politiques de l’information. C’est une attitude absurde et contreproductive, qui alimente en l’occurrence la défiance à l’égard des médias. Le journalisme est au service de la vérité. Il a d’abord pour devoir d’informer, pas de convertir les âmes. On se souvient du trouble provoqué dans les rédactions en 2012 lors de la tuerie perpétrée par Mohamed Merah et de ce journaliste du Nouvel Observateur qui s’était exclamé « Putain : je suis dégoûté que ce ne soit pas un nazi ! » Lorsque les faits heurtent leur vision idéologique du monde, les journalistes devraient laisser la morale et l’idéologie de côté pour présenter les faits tels qu’ils sont, même la mort dans l’âme. 

En réfutant toute possibilité de lien entre délinquance et immigration, la gauche ne s’est-elle pas enfermée dans un piège intellectuel ?

Durant un demi-siècle, la gauche à vécu sur une rente morale héritée de la Libération. La gauche, c’était le camp du Bien, le camp de la résistance au totalitarisme nazi, de l’antiracisme, du refus de l’antisémitisme, de la dénonciation des violences policières. Après l’effondrement de l’idéologie communiste et la reconnaissance du caractère totalitaire du régime soviétique, cette rente a été quelque peu entamée, mais il restait l’antiracisme, largement exploité dans les années 80 par François Mitterrand et le PS : on se souvient de la gigantesque manifestation de Carpentras et de SOS racisme.

L’immigration incontrôlée a tout changé. La lutte contre l’antisémitisme est passée à droite, le meurtre d’un Juif pouvant même être considéré à gauche comme un simple « fait divers » (c’est ainsi que Mélenchon présentait en juin 2021 les crimes de Merah à Toulouse). L’antiracisme universaliste s’est mué en défense des « racisés » sur base de racialisme théorique, ce qui implique la justification du racisme anti-blanc. La tentative d’importer en France l’escroquerie BLM a fait un bide. L’exploitation démagogique de la violence policière est en France difficile, dans la mesure où l’État est animé par le souci de limiter au maximum l’usage de la violence. Dans l’affaire Traoré par exemple, l’information complète a fait apparaître que la morale n’était pas du côté du « Comité Adama ». La gauche, une certaine gauche (malheureusement dominante) s’est en effet condamnée, au nom de la morale, au déni de tous les problèmes générés par l’immigration. Le problème de la gauche est cependant que la vraie morale se moque désormais de sa rente morale, aujourd’hui totalement démonétisée.

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