"Mes révoltes" de Jean-Marie Rouart : l’autobiographie aigre-douce, allègre et mélancolique d’un amoureux de la littérature<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nouveau livre de Jean-Marie Rouart, "Mes révoltes", a été publié aux éditions Gallimard.
Le nouveau livre de Jean-Marie Rouart, "Mes révoltes", a été publié aux éditions Gallimard.
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Jean-Marie Rouart publie "Mes révoltes" aux éditions Gallimard.

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Laroque Latour est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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"Mes révoltes" de Jean-Marie Rouart 

Gallimard

Parution le 3 mars 2022
275 pages
20 €

Notre recommandation : EXCELLENT 

THÈME

Curieusement sous-titrée “roman”, Mes Révoltes est une autobiographie précise qui dévoile sous leur vrai nom les personnes que Jean-Marie Rouart a aimées, fréquentées, ou simplement croisées. Plus de 70 ans d’une vie bien remplie, dominée par l’amour obstiné de la littérature : D’abord, une enfance mélancolique aux côtés de parents aimants, une scolarité chaotique dans les meilleurs collèges, les premiers pas journalistiques sur recommandation, l’échec du premier roman… Ensuite, la carrière d’essayiste et de reporter au Figaro de Prouvost puis d’Hersant, la direction du supplément littéraire du Quotidien de Paris avec Philippe Tesson et la réussite littéraire qui le mènera à l’Académie Française, entraînant une reconnaissance unanime et des amitiés prestigieuses. Enfin, en parallèle, les combats qu’il mène pour les prostituées méprisées, la réhabilitation de Gabrielle Russier « qui n’avait commis d’autre crime que d’aimer » et, surtout, la reconnaissance de l’innocence d’Omar Raddad accusé par le fameux « Omar m’a tuer ».

POINTS FORTS

Le courage d’assumer ses jugements, bons ou mauvais, sur tous les personnages remarquables qu’il a côtoyés, sans utiliser de pseudos, plus ou moins transparents pour les seuls initiés. Bien sûr, beaucoup d’entre eux sont morts et ne peuvent plus protester mais la démarche reste intéressante pour les contemporains de Rouart qui ne cache ni ses emballements, ni ses déconvenues.

Le sens aigu du portrait, parfois vachard, qu’il brosse en quelques mots : Jean d’Ormesson, dit Jean d’O, qui, d’instinct, avait « l’âme patronale » bien qu’il fut libertaire en littérature, Raymond Aron « qui ne supportait pas l’autre, le différent, l’opposé », Jean Renoir qui restait au soir de sa vie « émerveillé et insatisfait », Philippe Tesson qui « n’était pas un journaliste mais le journalisme », Me Kiejman, « l’arachnide maléfique », et bien d’autres…

Les heurs et malheurs du journaliste désavoué par sa hiérarchie, qui voit sabrer son papier après une enquête scrupuleuse, alors qu’il est seulement motivé par le besoin de dénoncer certains abus (les ententes douteuses entre pétroliers et politiques, les liens hasardeux entre police et proxénètes…)

Les batailles poursuivies pendant des années pour soutenir ceux qu’il estime injustement attaqués.

La fluidité du style, la richesse du vocabulaire (Rouart préfèrera toujours « déréliction » à sentiment d’abandon et « idiosyncrasie » à tempérament particulier), l’art des images étonnantes, celle par exemple, d’un mûrier qui « m’offrait de délicieux fruits dont le jus me donnait des mains d’assassin ». 

QUELQUES RÉSERVES

Justifié, ce titre Mes révoltes ? Rouart n’a guère mené une vie de bagnard. Il est né dans un milieu privilégié dont il n’a retenu que « le morne quotidien d’une vie désargentée » alors qu’il fut entouré de personnes de qualité appartenant à la famille impressionniste ; il a réussi à se réaliser jusqu’à l’Académie Française, tout en croisant, bien sûr, la mesquinerie, l’ambition et « les complots ratés des conspirateurs en peau de lapin ». Mais n’est-ce pas le lot de tout un chacun ?

Soyons juste, les angoisses de l’écrivain Rouart n’ont rien à voir avec celles d’un Martin Eden car, contrairement à lui, il supporte fort bien l’arrivée du succès. Ses alarmes me paraissent plutôt relever d’une forme de dépression teintée d’un besoin de victimisation. 

ENCORE UN MOT...

L’auteur demande aux grands de la littérature « non pas une place d’honneur, mais un strapontin ». Certes, Rouart est un écrivain de talent mais, peut-être, se serait-il voulu écrivain de génie.

UNE PHRASE

Page 233, l’explication du sous-titre de cette biographie :

« Le soir, dans un lit à baldaquin en toile de Jouy, l’esprit excité par ce monde nouveau et ses usages de cour (…) je pensais à ma chambre de bonne du boulevard du Montparnasse assaillie par l’odeur aigre des harengs frits. Comment avais-je pu être transporté, par quel tapis volant, de ce monde déshérité de ma jeunesse chez les heureux du monde ? C’était un rêve. Non, un roman. Le roman de ma vie dont je me demande toujours qui l’a écrit. "

L'AUTEUR

Né à Neuilly en 1943 dans une famille de peintres et de collectionneurs, Jean-Marie Rouart est écrivain après avoir été éditorialiste et reporter. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, chroniques, essais et romans, alors que son premier livre fut refusé 13 fois par les éditeurs. Titulaire du prix Interallié pour Les Feux du pouvoir en 1977 (Grasset) et du prix Renaudot en 1983 pour Avant-guerre (Grasset), il est élu à l’Académie Française le 18 décembre 1997 après s’être présenté cinq fois.

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