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Merah, l'itinéraire secret : ce que ses armes nous ont révélé
©DR

Bonnes feuilles

Explosif, ce livre dévoile de nombreux aspects restes obscurs : les agissements de la nébuleuse islamo-mafieuse qui évolue entre Toulouse, l'Espagne et la Belgique, les relations de Merah avec les femmes et son mariage inattendu, le role trouble de sa mère et de son grand frère Abdelkader, un salafiste fascine par les cadavres et adepte des désenvoutements, l'inaction des gendarmes qui se trouvaient sur la scène du premier crime, ou encore le "casse" nocturne d'une bijouterie par Merah entre deux meurtres. Extrait de "Merah, l'itinéraire secret", de Alex Jordanov, publié chez Nouveau Monde Editions (1/2).

Alex Jordanov

Alex Jordanov

Alex Jordanov est journaliste d'investigation et documentariste. Il a travaillé notamment pour Capa et le Vrai Journal de Canal+ et sillonné de nombreux pays du Moyen-Orient. Il a enquêté près de deux ans pour ce premier livre. Il a publié dans l’Obs, First Look Media et le New Yorker.

 

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Des armes aux Izards, les policiers des stups au cours de leurs descentes en ont souvent trouvé. Mais la trajectoire du 11,43 de Mohamed Merah est exceptionnelle. Elle raconte plusieurs histoires édifiantes qui auraient pu faire accélérer l’enquête.

Peu avant de mourir, Mohamed Merah tient un pistolet 11,43. L’arme américaine fabriquée par la société Remington Rand porte le numéro de série 928669. L’enquête judiciaire, instruite à Paris par le juge antiterroriste Christophe Teissier, la mentionne, mais sans en déterminer l’origine. Or, remonter à la source permet de recenser les appuis et réseaux dont Mohamed Merah a bénéficié dans son expédition meurtrière. Par le biais de membres de la Fédération française de tir, avec l’écrivain Guillaume Dasquié, nous avons pu pour Le Nouvel Observateur retrouver le propriétaire de l’arme. C’est un champion de tir longue distance habitant près de Toulouse, Alain Hugot, qui dispose de toutes les autorisations préfectorales requises pour la détention d’armes de guerre. Ce colt lui a été volé le 29 juin 2011, lors d’un cambriolage commis alors qu’il se trouvait aux côtés de son épouse, hospitalisée. Les voleurs, manifestement bien renseignés, ont dérobé deux caisses, une de 80 kilos d’armes (avec le colt à l’intérieur) et une autre contenant des centaines de munitions. Alain Hugot confirme par écrit que le numéro de série du colt dont Merah était en possession correspond bien à celui de l’arme volée. Il a du reste signalé la disparition de celle-ci lors de son dépôt de plainte auprès du commissariat central de Toulouse.

Ce rapprochement, les enquêteurs auraient pu l’établir dès les premières heures de l’instruction judiciaire sur Mohamed Merah, tous les dossiers de la région en relation avec des colts ayant été répertoriés. Or une erreur administrative a conduit les limiers de l’antiterrorisme à écarter cette piste. Dans un procès-verbal daté du 19 mars 2012 à 16 heures, ils signalent le vol du colt d’Alain Hugot, mais se trompent sur les références de l’arme. Un fonctionnaire a confondu le numéro de série avec le numéro de modèle. La « boulette » a sans doute détourné la justice d’une filière prometteuse. « Vous n’êtes pas dans le faux », observe-t-on au parquet antiterroriste de Paris. À l’époque, on avait retrouvé rapidement une partie du stock dérobé chez Alain Hugot, et plusieurs personnes ayant eu ces armes en main avaient été identifiées. Tel Didier Ferrer, 42 ans, le dernier utilisateur d’un gros calibre contenu dans la caisse de 80 kilos, un PGM Ultima Ratio, un fusil en usage chez les snipers des forces spéciales françaises, retrouvé dans un pavillon d’Albi, à 75 kilomètres de Toulouse, lors d’une descente de police au mois de juillet 2011.

Arrêté, Ferrer a refusé de révéler les noms des personnes lui ayant permis de se procurer l’engin. Connu depuis longtemps du SRPJ de Toulouse, il a été incarcéré. Dans ce dossier, instruit à Bordeaux, il est poursuivi pour avoir participé à un vaste trafic de cocaïne entre l’Espagne, certains quartiers de Toulouse et d’autres villes du Sud-Ouest, avec des ramifications en Afrique du Nord. Selon nos informations, près de 350 000 euros en liquide ont été saisis dans cette opération de police, ainsi que huit voitures haut de gamme utilisées pour des go fast – des convois roulant à grande vitesse pour acheminer de la drogue. Ce lien entre l’arme tenue par Merah, le grand banditisme et le trafic de coke ne doit rien au hasard. Mohamed Merah conduisait bel et bien de temps en temps des chargements pour des go fast. Plusieurs éléments recueillis depuis le début de l’enquête nous éclairent sur son implication et aussi, au-delà, sur la participation des salafistes au commerce illicite de la drogue. Ferrer est loin d’être le seul personnage surprenant de cette galaxie. Au printemps 2014, maître Dubreuil et maître Picard, conseils de la famille Chennouf ont demandé par écrit au juge d’instruction Christophe Teissier de se pencher sur le fameux colt 11,43, un volet du dossier qui peut éclairer une partie du monde et des complicités de Merah. Ferrer en prison, les enquêteurs qui cherchent la provenance des armes, vont remonter jusqu’à Hossein AA, un petit escroc des Izards avec des connexions en Bulgarie.

Extrait de "Merah, l'itinéraire secret", de Alex Jordanov, publié chez Nouveau Monde Editions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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