"L'industrie pharmaceutique est un lobby puissant mais nous lui imposerons la transparence"<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Arnaud Robinet, "il y aura un avant et un après Médiator".
Selon Arnaud Robinet, "il y aura un avant et un après Médiator".
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Conflits d’intérêts

L’affaire du Médiator met clairement en cause les conflits d’intérêts entre les experts « indépendants » et l’industrie pharmaceutique. Le nouveau projet de loi sur le médicament, adopté le 1er août dernier en conseil des ministres, pourra-t-il assurer l’indépendance de tous les experts pharmacologues ? Décryptage avec Arnaud Robinet, membre de la mission d'information sur le Médiator.

Arnaud  Robinet

Arnaud Robinet

Arnaud Robinet est député de la première circonscription de la Marne et membre de l'UMP.

Il est Secrétaire national en charge des retraites.

Arnaud Robinet est également membre de la commission des affaires sociales et de la mission d'information sur le Médiator.

 

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Atlantico : Le projet de loi peut-il vraiment résoudre tous ces problèmes de conflits d’intérêts ?

Arnaud Robinet : Il est clair que l’affaire du Médiator a mis en évidence les problèmes de conflits d’intérêts de ces experts qui étaient financés de façon plus ou moins importante par l’industrie pharmaceutique et qui en même temps expertisaient les molécules de cette même industrie pharmaceutique. Dans ce domaine, il y aura un avant et un après Médiator.

L’objectif du projet de loi vise l’établissement d'une transparence totale sur les conflits et liens d’intérêts. Nous prévoyons l’instauration d’une charte de l’expertise sanitaire qui va définir la notion de liens d’intérêts concernant le travail. En même temps, on va essayer d’encadrer l’ensemble des avantages qui sont consentis par les entreprises vers certains médecins ou services dans les hôpitaux.

Certains praticiens hospitaliers étaient également des experts pour l’industrie pharmaceutique. Ils devront désormais mettre en évidence les possibles conflits d’intérêts en remplissant un document. Dans certains cas extrêmes, on peut envisager l’instauration de sanctions pénales lorsqu’il y aura défaut d’actualisation de la déclaration d’intérêt (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour l’entreprise). Il y aura vraiment un contrôle de l’autorité sur la fonction et le travail de ces experts. On veut la transparence la plus totale et je crois qu’on arrivera, avec ce projet de loi, à éviter un autre scandale du Médiator dans les années à venir.

Qu’avez-vous prévu en ce qui concerne le suivi des médicaments et leurs éventuels effets secondaires ?

Ce que nous souhaitons c’est qu’il y ait des études approfondies sur le suivi des molécules qui sont mises sur le marché et que ces études soient effectuées par des organismes qui sont en dehors de l’industrie pharmaceutique.

Nous prévoyons la création, au-dessus des industries pharmaceutiques, d’un groupement d’intérêt public qui sera chargé de mener des études sur la pharmacovigilance. Un des points important est évidemment le suivi de chacune des molécules et la détection de l’ensemble des effets indésirables. Ils devront alerter les autorités pour aboutir dans certains cas au retrait, ou à une suspension, de l’autorisation de mise sur le marché.

On veut renforcer cette pharmacovigilance, c’est ce qui a manqué dans l’affaire du Médiator. Les effets indésirables, mentionnés très tôt dans cette affaire, ne sont pas remontés au niveau de la commission nationale de pharmacovigilance. C’est à ce niveau-là que nous devons renforcer nos efforts.

Le financement de l’Afssas par l’industrie pharmaceutique est pour beaucoup un cas manifeste de conflit d’intérêts. Qu’avez-vous prévu à ce sujet ?

L’industrie pharmaceutique finançait directement l’Afssaps. Cela ne sera plus possible. L’Afssaps sera désormais financée par l’Etat, via le ministère de la santé, et des taxes seront prélevées sur l’industrie pharmaceutique.

Il en est de même pour la formation continue des médecins et des professionnels de santé. L’industrie pharmaceutique, on le voit notamment dans les CHU, finance aujourd’hui la formation continue. Cela est dorénavant terminé, une taxe là-aussi sera prélevée sur l’industrie pharmaceutique pour financer la formation. Nous voulons couper les liens directs entre l’industrie pharmaceutique et les professionnels de santé.

Peut-on imaginer que ces experts soient financés autrement que par les industries pharmaceutiques elles-mêmes ?

Lorsqu’une industrie pharmaceutique fait appel à un expert indépendant, c’est bien sûr à elle de le rémunérer. Le projet de loi précise tout de même que cet expert ne devra pas être financé par cette même industrie pour ses projets de recherche, voyages ou autres. Mais Il existera toujours un doute quant aux éventuels conflits d’intérêts entre les experts et l’industrie pharmaceutique qui les finance.

Aujourd’hui, les experts peuvent être salariés de l’industrie pharmaceutique et en même temps, travailler dans des centres de pharmacovigilance. On ne peut pas aller à l’encontre de ce fonctionnement.

Est-il difficile de lutter contre un lobby aussi puissant que celui de l’industrie pharmaceutique ?

Il est vrai que l’industrie pharmaceutique est un lobby puissant. Ce texte, je le pense, permettra d’éviter une nouvelle catastrophe sanitaire de l’ampleur de celle du médiator. Nous demandons d’ailleurs à Servier de faire preuve d’une transparence exemplaire sur le sujet. Cela fait 33 ans que l’on se fait « bananer » avec le médiator, on ne peut pas continuer comme cela. La priorité c’est le patient et sa santé. Mais je crois qu’en ce qui concerne la partie transparence et conflits d’intérêts, la grande majorité des laboratoires veut aussi aller dans ce sens. Il en va également de leur intérêt. 

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