Medef : une rentrée à risques pour Pierre Gattaz, son nouveau président<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz dispose de peu de temps pour asseoir sa légitimité pour les 5 ans à venir.
Pierre Gattaz dispose de peu de temps pour asseoir sa légitimité pour les 5 ans à venir.
©Flickr / Marmotte73

Préparez vos cartables

Réforme des retraites, université d'été, débat budgétaire... Le nouveau président de l'organisation patronale doit faire face à de nombreux défis, et sans état de grâce.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Pour Pierre Gattaz, l’enjeu est de taille : il dispose de 45 jours à peine pour asseoir sa légitimité pour les 5 ans à venir.

Premier exercice : la réforme des retraites

Le gouvernement devrait lâcher ses premières annonces sur la (non) réforme des retraites, qui constituera probablement une épreuve majeure pour le président du Medef. Pierre Gattaz n’a pas hésité à se jeter dans la bataille en prenant une ligne très minoritaire dans le débat public français :

- report de l’âge de départ à la retraite

- allongement de la durée de cotisations

- blocage des taux de cotisations

- refus de tout dispositif sur la pénibilité

- mise en place d’un volet de capitalisation obligatoire pour les plus hauts revenus.

Si cette position reflète effectivement la pensée dominante au sein du monde patronal, elle paraît très frontale vis-à-vis du gouvernement.

Dans l’hypothèse (probable) où le gouvernement en prendrait le contre-pied, en préférant limiter la réforme à une simple augmentation de la CSG et des cotisations sociales, tout en mettant en place un volet « pénibilité », Pierre Gattaz aurait fait la manifestation de la perte d’influence patronale consécutive au départ de Laurence Parisot. Dans l’hypothèse contraire, il assiérait considérablement sa légitimité.

Deuxième exercice : l’université d’été du Medef

Cette figure de style est l’occasion, pour le Medef, de régaler une bonne partie du microcosme parisien: journalistes à la recherche d’une reconnaissance, courtisans divers, sponsors qui veulent afficher leur influence. L’université d’été est donc un moment privilégié pour fédérer, pour rayonner et pour influencer au-delà du monde patronal au sens strict.

Assez curieusement, la première université de l’ère Gattaz se prépare sous le sceau d’un champ lexical agressif et belliciste : le programme regorge de formules comme « Tous sur le pont! », « Tomber et se relever », « l’art de la guerre », « comment apprendre à chasser en meute », etc. En outre, les militaires (3 officiers supérieurs) et les industriels de l’armement ont plutôt la part belle dans les interventions.

Au-delà de ce registre, l’université d’été fait plutôt dans la provocation. Par exemple : « identifier les verrous de la société françaises (…). Réfléchir aux moyens de les faire sauter » (on notera la présence à cette table, du président de l’AGIRC, et accessoirement directeur général d’Alixio…, qui doit en connaître un rayon sur les verrous paritaires !). Autre exemple : « Aujourd’hui en France, les héritiers sont souvent montrés du doigt. L’héritage est surtaxé. (…) Comment construire des dynasties ? »

L’histoire dira si cette approche « décomplexée » du monde patronal relève d’une stratégie gagnante. Elle présente le risque d’éloigner du Medef des visiteurs habituels qui pourraient craindre une droitisation de leur image. D’ailleurs, la présence politique et syndicale se fait plutôt rare…

Troisième exercice : le débat budgétaire

Le gouvernement devrait communiquer à la mi-septembre les grands éléments de la loi de finances 2014.

Les analystes concordent pour soutenir aujourd’hui que le ministère du Budget est à la recherche de 6 milliards d’euros de recettes nouvelles. Une somme qui est loin d’être neutre, et qui devrait se traduire par des prélèvements supplémentaires pour les entreprises.

Parmi ceux-ci, il est très vraisemblable que des professions qui ont fortement soutenu Pierre Gattaz soient dans le collimateur. C’est notamment le cas des assureurs, qui devraient à terme compenser le manque à gagner de 2 milliards d’euros induit par la généralisation de la complémentaire santé.

La riposte du Medef constituera un indicateur-clé non seulement sur son audience effective, mais aussi sur son rapport de force interne.


Quatrième exercice : réussir les négociations interprofessionnelles qui arrivent

Le Medef a deux rendez-vous sociaux majeurs à l’automne.

Premier rendez-vous : la négociation sur la formation professionnelle, à laquelle le gouvernement s’accroche comme une moule à son rocher, et dont le reste de la planète se soucie comme d’une première chemise. Pour le Medef, l’enjeu est essentiellement défensif:  préserver le magot de la formation qui finance l’avenue Bosquet.

Second rendez-vous : la négociation de la convention d’assurance-chômage, qui est un gros morceau à avaler. Le régime est en effet très déficitaire, et le Medef devrait sur ce point se montrer offensif: rabotage du régime des intermittents, dégressivité des allocations, devraient être à l’ordre du jour. Enjeu : stabiliser les cotisations, voire envisager une perspective de baisse.

Pour atteindre ce résultat, il faudra au Medef de l’habileté, du savoir-faire, de l’expertise technique, et surtout une neutralité satisfaisante du gouvernement, pourtant déjà engagé sur la pente des droits rechargeables… Là encore, la suite dira si la stratégie un peu « droit dans ses bottes » de Pierre Gattaz permet de faciliter le dialogue social.

Cinquième exercice : la gestion des mandats paritaires

Assez rapidement, Pierre Gattaz devra affronter un sujet que Laurence Parisot avait, un temps, traité avec un parfait jemenfoutisme qui lui était revenu à la figure : la gestion des mandats paritaires. Ce sujet sensible par excellence touche directement au rapport de force interne au Medef.

Dès le mois de septembre, la bataille va s’engager pour la présidence de l’ARRCO. Philippe Pihet, FO, termine en effet son mandat de deux ans, et c’est un représentant patronal qui lui succédera.

Sur quel nom se portera le soutien du président du Medef ? Selon mes informations, il ne serait pas impossible que des promesses aient déjà été entendues. Mais ont-elles été faites ? Un vrai test de crédibilité, pour Pierre Gattaz.

Cet article a déjà été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe.

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