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Confessions de l'enfant terrible du rugby Mathieu Bastareaud, actuel trois-quarts centre du XV de France : "j'ai tenté de me suicider"
©Compte Twitter officiel/ Mathieu Bastareaud

Bonnes feuilles

Entre succès et dépression, la confession d'un homme désormais apaisé, mais qui ne cache ni ses doutes ni ses souffrances. A l'occasion de la Coupe du monde de rugby, extrait de "Tête haute", de Mathieu Bastareaud, actuel trois-quarts centre du XV de France (1/2).

Mathieu Bastareaud

Mathieu Bastareaud

Vainqueur avec les Bleus du Grand Chelem en 2010, Mathieu Bastareaud a également décroché sous les couleurs du RCT un titre de champion de France en 2014 et deux titres de champion d'Europe en 2013 et 2014.

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Cette période a été particulièrement compliquée et douloureuse. Au retour de l'hémisphère Sud, je suis resté reclus à la maison. Je n'étais pas bien. Je ne trouvais pas le sommeil. J'ai de manière générale besoin de médicaments pour dormir, et cette fois plus encore qu'à l'accoutumée. Je n'étais pas en paix avec moi-même. Peut-être que la plupart m'avaient pardonné mais moi, je ne l'avais pas fait. Lors de mes rares sorties, j'avais le sentiment que les regards étaient systématiquement braqués sur moi. Mes petites crises, avec lesquelles j'avais appris à composer, devenaient plus fréquentes. Des crises qui me conduisaient, au beau milieu de la nuit, à me sentir oppressé. Á avoir chaud, puis à avoir froid. Á rentrer dans une forme de psychose. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. J'ignorais que je traversais tout bonnement une dépression. Personne ne l'avait vue venir. Au médecin qui m'interrogeait sur mon état, je rétorquais que tout allait bien. Habitué à me débrouiller seul, je ne voulais pas déroger à la règle, malgré les circonstances. Par fierté, par orgueil. Á mes yeux, je m'étais mis dans le pétrin tout seul, eh bien je m'en sortirais tout seul ! Mais pour cela, il fallait que je m'in¯ige une punition. Je m'étais persuadé que j'étais un mauvais type. J'étais vraiment au fond du trou... Et j'ai craqué. Heureusement que mes amis les plus proches étaient à ce moment-là dans la maison.

Car, oui, j'ai tenté de me suicider. J'allais dire, pour une histoire toute bête... Un soir, j'étais dans ma chambre, devant l'ordinateur. En surfant sur Internet, je suis tombé sur une page où l'on se défoulait sur moi. Pas un article mais des commentaires anonymes, sur une page Facebook ou autre. J'y ai lu les pires horreurs me concernant. C'était d'une telle violence...

>>>>>>> A lire également : Confessions de l'enfant terrible du rugby Mathieu Bastareaud, actuel trois-quarts centre du XV de France : "je suis une victime de la mode"

D'un coup, c'en était trop. J'ai eu envie de partir. De dire stop, c'est fini. Alors je me suis levé d'un bond, je me suis dirigé d'un pas décidé vers la cuisine. J'ai saisi un grand couteau et je me suis tranché les veines. Je me suis aussitôt écroulé sur le sol, tombant dans les pommes. Mes potes dans le salon ont tout de suite compris. Ils ont vu le couteau, le sang, et moi étendu sur le sol, évanoui. Ils ont immédiatement appelé les secours. Le bruit de ma chute, même le voisin du dessous a dû l'entendre : je ne suis pas pécisément ce qu'on appelle un poids plume...

Je ne sais pas si je voulais réellement mourir. En tout cas, je voulais me faire souffrir. Souffrir pour me punir. Aujourd'hui, même si je savais qu'à l'époque j'étais particulièrement à fleur de peau, je me demande comment j'ai pu commettre un tel acte et en arriver là. J'ai fait beaucoup de mal à ma famille. Elle a été un peu perdue car je l'avais mise à l'écart pour ne pas la gêner. Eux n'avaient rien demandé et, pourtant, ils en bavaient par ma faute. Peut-être qu'au fond, mon geste était un appel à l'aide ? Quand tu entends partout à longueur de journées que tu n'es qu'un minable, qu'en gros tu ne mérites pas d'être là ± ce n'est jamais dit en face, telle est la magie d'Internet et des réseaux sociaux où règne l'anonymat ! ±, tu as beau faire le mec détaché, tu commences à le croire. S'en sortir est inextricable, d'autant que je ne laissais rien transparaître. Au contraire, je m'isolais. Ou, quand je sortais avec les copains, je buvais comme si de rien n'était. Non pas pour l'euphorie que peut procurer l'alcool mais pour me faire mal. Mon mal-être était profond. Je souriais en public mais, sitôt revenu à la maison, j'étais seul. Et je cherchais une branche à laquelle me raccrocher désespérément.

Les secours sont heureusement vite arrivés. Ma cicatrice, elle, est toujours là ; je la cache par un tatouage. Après un court séjour à l'hôpital Ambroise- Paré, à Boulogne-Billancourt, j'ai été admis dans un établissement spécialisé de la région parisienne afin de bénéficier du calme le plus total. Sans la présence de mes amis, mon geste aurait été fatal. Sans ma bande des quatre fantastiques ± Patrice, Soule et Laury, que je connais depuis Quincy, et Yannick, rencontré au Stade Français ±, je ne serais certainement plus là. Au-delà de ce qui m'est arrivé, un lien puissant nous unit. On a beau parfois s'engueuler, on se pardonne toujours. Quand j'ai chuté dans la cuisine, ils ont été dépassés par mon attitude mais ont eu le bon réflexe, ont appelé le Samu et les pompiers. J'ai été pris en charge grâce à eux.

Extrait de "Tête haute", de Mathieu Bastareaud, actuel trois-quarts centre du XV de France, publié aux éditions Robert Laffont. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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