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"Fini-parti" : les éboueurs sauvegardent un pan de la culture marseillaise
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Zone franche

Le "fini-parti" des éboueurs marseillais, ça marcherait s’ils finissaient effectivement avant de partir. Ça n’est pas le cas mais le tribunal administratif a décidé de ne pas leur en tenir rigueur.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Marseille est la ville la plus sale de France. Je n’en ai pas la preuve irréfutable parce qu’il n’existe pas de palmarès annuel des villes les plus crades au sens où les “villes fleuries” sont en concurrence les unes avec les autres, mais disons que l’observation-comparaison empirique reste un bon guide.

En tout cas, ce qui est certain, c’est que Marseille est aussi la ville où le traitement des ordures ménagères est objectivement le plus coûteux par tête d’habitant… Tu parles d’un rapport qualité-prix !

Il y a de bonnes et de mauvaises raisons à cet état de fait. D’abord, il n’est pas évident de garder propre une cité balayée par le mistral aussi souvent, le vent dispersant les emballages de hamburgers et les vieux numéros de La Provence avec autant d’enthousiasme qu’un agriculteur breton épand son lisier sur les plages du Finistère-nord.

Voilà pour LA bonne raison. Vient ensuite l’attitude du Marseillais moyen, qui ne jette un papier gras dans une corbeille que sous la menace et considère que le caniveau est une sorte de longue poubelle judicieusement placée le long des rues pour recevoir ses détritus. Le problème, c’est que les voitures garées à cheval sur le trottoir (autre spécificité locale) l’empêchent souvent d’accéder à la rigole, ce qui le force à balancer son vieux paquet de Marlboro ou la pelure de sa mandarine un peu n’importe où...

Mais surtout, le vrai gros problème, c’est la fameuse et pittoresque coutume du « fini-parti », qui autorise éboueurs et balayeurs phocéens à rentrer chez eux (ou, le plus souvent, à rejoindre leur second boulot de la journée) une fois leur tournée achevée.

3h30 de travail effectif au lieu de 7, c'est pratique pour un second job...

Dans ce contexte, il n’y a pas exactement d’obligation de résultat et l’idée n’est pas de ramasser les saloperies qui s’entassent sur le boulevard de la Libération ou la rue de la République mais bien de parcourir ces artères le plus rapidement possible (3h30 de travail effectif par jour pour 7 heures contractuelles selon la Chambre régionale des comptes).

Force ouvrière, le patron officieux de la gestion des ordures dans la ville, est d’ailleurs très vigilant sur la question et il n’est pas né le maire ou le député qui viendra mettre un terme à cette sympathique tradition provençale. D'ailleurs, s'il n’y a pas de santon-éboueur badgé FO dans la crèche,  c’est certainement un oubli. Les santonniers doivent pratiquer le fini-parti, eux aussi.

Le politique qui viendrait demander des comptes aux ramasseurs d’ordures putatifs n’est pas encore né, donc, mais un simple citoyen excédé d’avoir à vivre dans une ville aussi crasseuse a décidé de passer à l’acte. Enfin, je ne sais pas si c’est réellement parce qu'il n'en pouvait plus : je crois qu’il s’agit plus d’une certaine forme d’orgueil car, comme Marseillais, on s’habitue finalement assez bien à slalomer entre sacs plastiques, vieux matelas éventrés et crottes de chiens. C’est juste qu'on a toujours un peu honte en accueillant des visiteurs originaires de lieux plus civilisés ― genre Lyon, Strasbourg ou même Nice. C'est humain.

Le type, qui préfère rester anonyme (on ne sait jamais, une chute dans le Vieux-Port des baskets en ciment aux pieds est si vite arrivée), a déposé un recours devant le tribunal administratif exigeant le retour à la, hum, « normale ». Une initiative qui fait d’ailleurs bien rigoler l’avocat de la communauté urbaine, pour qui le fini-parti est « un usage historique qu'on ne peut pas abroger ».

Argument grotesque et irrecevable ? Parigot, va ! Le quidam hygiéniste vient justement de voir son recours rejeté au profit des éboueurs champions de vitesse même si la décision ultime est encore en délibéré. Notez qu'au final, ce n'est pas plus mal puisque les « poubelleurs », comme on dit sur la Canebière, se seraient probablement mis en grève et notre bonhomme n'en aurait guère été plus heureux.

Bon, sur ce, je vous laisse. J’ai fini mon édito, je me tire.

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