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Mort d'Agnès :
appels au rétablissement
de la peine capitale...
Et voilà que ça recommence
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Peine de mort

Marine Le Pen s'est déclarée favorable dimanche au rétablissement de la peine pour "ceux qui tuent nos enfants" en référence au meurtre d'Agnès. La retenue devrait pourtant être de mise.

Eric Morain

Eric Morain

Eric Morain est avocat au barreau de Paris.

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Et voilà ça recommence. Toujours à partir d’un cas singulier, aucune hauteur donc, parce qu’au singulier on reste au ras des pâquerettes forcément. C’est la marque des discours extrémistes  entrainant les esprits moutonniers aux frontières de la souffrance humaine et de la révolte contre le mal qu’ils feignent de découvrir.

La France a aboli la peine de mort en 1981 après qu’un avocat ait donné la plus belle plaidoirie de sa vie à la suite du combat de sa vie. La France a ratifié la Traité de l’UE, la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’homme. Ces traités sont la parole donnée des Etats. Revenir dessus ce serait renier sa parole. C’est sans doute moins gênant quand il s’agit de commerce - fluctuant - mais quand il s’agit de la vie humaine même - immuable -, forcément on se doit de réfléchir.

On voit bien le risque de partir d’un cas particulier aussi dramatique soit-il. Il y a, à en écouter certains, d’abord les meurtriers et les violeurs d’enfants (mais comment faire quand les enfants en tuent d’autres ?) puis les tueurs de flics (mais rien pour les ministres, les parlementaires, les présidents de Conseils généraux et les maires ??), et après qui ?? Quelle est l’aune de la douleur ? Croyez-vous que l’homme qui vient de voir sous ses yeux sa femme et ses deux filles fauchées par un camion sur une bande d’arrêt d’urgence d’autoroute ait une douleur moindre que les parents de la pauvre Agnès morte dans les bois du Chambon-sur-Lignon?? Alors est-ce à l’Etat de décider l’aune de cette douleur qui est et reste indicible et personnelle comme un cas particulier. La norme pénale s’arrête à la vie de l’auteur de sa transgression fut-il l’auteur d’une atteinte à la vie sinon le pied est dans la porte comme le ver dans le fruit.

Robert Badinter disait que la peine de mort c’est couper un homme vivant en deux. Tout simplement. Tout horriblement. Comme aurait pu le faire ou l’ont fait un Hutu, un Serbe, un Tchéchène ou un Libyen.  Et même comme peut le faire Monsieur Michu, habitant du Gers, âgé de 65 ans et à la vie calme et tranquille. Comme peut le faire n’importe quel membre de la famille humaine - il n’y a pas de monstre seulement des actes monstrueux - , notre autre semblable qui nous renvoie à nos peurs, nos névroses et nos angoisses, et qui , par le mystère du passage à l’acte, va justement et tout aussi soudainement que mystérieusement passer à l’acte. Si nous voulons une justice comme une machine à distribuer des canettes avec distribution automatique de peines, gommons les acquits du passé, vivons dans cette vertu terrorisante, admirons ces Etats américains qui condamnent à vie des voleurs de pizzas récidivistes et condamnent à mort en une heure chrono.

Merci Monsieur le Procureur de la République de Clermont-Ferrand d’avoir appelé à la retenue face au déchaînement de haine illustré au travers du nouveau café du commerce que sont les commentaires des internautes sur des sites d’actualités. Sans compter une candidate à la présidentielle qui a oublié qu’elle fut avocate sans doute.

Sans être prophète du malheur il y aura d’autres meurtres odieux d’enfants, d’autres semblables violant et tuant nos semblables, il en est ainsi depuis que le monde est monde et l’élimination pure et simple a démontré tout autant son inefficacité que son inhumanité. Soyons dignes devant l’indicible, cherchons à comprendre pour mieux juger les mis en cause - parce que demain cela peut être nous ou nos proches- , donnons pleinement et judiciairement aux victimes le respect du à la douleur - parce que demain cela peut être nous ou nos proches- , que les dysfonctionnements soient sanctionnés - si ils sont avérés - pénalement, civilement, disciplinairement ou administrativement, éduquons nos enfants encore plus et encore mieux, et  restons  humains coûte que coûte, envers et contre tout, envers et contre tous, s’il le faut.

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