Mariage homosexuel : ces deux dérapages qui montrent l'autisme et la dégénérescence idéologique de la gauche<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de loi sur le mariage pour tous est discuté cette semaine en seconde lecture à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sur le mariage pour tous est discuté cette semaine en seconde lecture à l'Assemblée nationale.
©REUTERS/Christian Hartmann

Chimères

Deux déclarations de Jean-Pierre Michel, le rapporteur de la loi Taubira au Sénat, témoignent d'une curieuse conception de la démocratie alors que le projet de loi sur le mariage pour tous revient cette semaine en seconde lecture à l'Assemblée nationale.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Monsieur Jean-Pierre Michel, rapporteur de la loi Taubira au Sénat est depuis longtemps connu pour être un enragé du mariage homosexuel, après l’avoir été du Pacs.

Deux de ses déclarations récentes témoignent d’une curieuse conception de la démocratie. Quand Frigide Barjot lui a demandé d’être auditionnée par la commission des lois du Sénat, elle a essuyé un refus écrit, méprisant et injurieux, regrettablement passé inaperçu. Celle qui avait réussi le tour de force de faire descendre dans la rue sur ce sujet entre un et deux millions de manifestants n’intéressait pas le Sénat ! Que dans la réponse écrite qui lui a été faite, elle ait été traitée brutalement "d’homophobe" est désormais un grand classique. L’idée qu’être opposé à la loi Taubira puisse être une opinion légitime que l’on peut défendre par des arguments - et qui est d’ailleurs, selon les derniers sondages celle de la majorité des Français - échappe à ce genre de fanatiques. Toute autre position que l’adhésion pure et simple à leurs idées est, selon eux, frappée d’opprobre moral. Il y a la pensée unique et il y a les ténèbres extérieures ; les "vipères lubriques" de Staline ne sont pas loin !

Négation de la citoyenneté

Mais plus étonnante encore est cette remarque de la même lettre selon laquelle "les sommes dépensées pour l’organisation (des manifestations) auraient pu être largement être données à des organisations solidaires proches de l’Eglise catholique" (car l’auteur se dite catholique !).     

Etonnante rupture avec deux siècles d'histoire d’une gauche pour laquelle, au contraire, l’engagement citoyen, qu’il soit individuel ou collectif, en vue d’une bonne organisation de la société était l’acte par excellence au travers duquel l’homme exprimait son humanité, celui d’un homme libre vivant en République. L’action caritative, d’inspiration religieuse, était, elle, dans la tradition de gauche la plus authentique, tenue pour suspecte ou même jugée indigne d’un citoyen responsable dont le premier devoir était d’agir politiquement. Au minimum, c’était une prothèse venant suppléer aux défaillances provisoires de l’organisation sociale. Au pire, pour l’école marxiste, c’était une mauvaise action : au lieu de se battre pour changer le système, l’action caritative en prolongeait l'existence en la rendant supportable, tout en présentant comme un don ce qui, politiquement, était un dû. Qui se souvient encore que, dans les années soixante, dans les milieux de gauche, qui voulait donner une pièce à un clochard le faisait en catimini, comme un acte honteux ?

Même si on récuse cette logique, perverse elle aussi à sa manière, on n’en est pas moins frappé du reniement de l’esprit de la gauche historique dont témoigne la remarque acerbe et volontairement blessante de M. Michel. Il faut le dire : clairement, par rapport à l’authentique tradition de gauche, c’est Frigide  Barjot qui est du bon côté ! Mais la revendication du mariage homosexuel n’est-elle pas elle-même le signe d’une singulière dégénérescence de cette tradition ?

L’opacité érigée en principe

Deuxième dérapage : il a eu lieu le jour du vote de la loi Taubira au Sénat effectué de la manière scandaleuse que l’on sait, brusquement et à main levée, alors que beaucoup d’amendements avaient fait l’objet d’un scrutin public, une procédure à la hussarde tout à fait inacceptable compte tenu du caractère serré du scrutin et l’importante de l’enjeu, qualifié par Mme Taubira elle-même de "changement de civilisation" ! Mme Barjot demande qui a voté quoi. Quoi de plus légitime ? Réponse incroyable de M. Michel sur iTélé : "Mme Barjot demande des noms, comme on en demandait aux pires heures de notre histoire". Sous-entendu : Mme Barjot fait appel à la délation, comme on pouvait le faire sous l’Occupation. Pour M. Michel, qu’un citoyen veuille savoir ce que votent ses représentants, c’est du fascisme ! Quelle perversion incroyable de la démocratie ! Au moment même où le président de la République annonce une transparence généralisée (à laquelle personne ne croit, mais c’est une autre histoire), les citoyens n’auraient pas le droit de savoir qui vote quoi ! Les parlementaires sont les mandataires du peuple ; comment le peuple pourrait-il leur demander des comptes si, par des artifices de procédure, on s’arrange pour qu’il ne puisse pas savoir qui a voté pour un projet aussi essentiel que le prétendu "mariage pour tous".

Ces deux dérapages témoignent certes de la nature du personnage qui s’est voulu le porteur emblématique du projet de mariage homosexuel, en phase avec le caractère haineux et crispé des partisans de cette loi absurde : rappelons les propos criminels de Pierre Bergé, son mentor : "Si une bombe explose sur les Champs Elysées à cause de la Manif Pour Tous, ce n’est pas moi qui vais pleurer". Dans ce débat où les opposants sont continuellement confrontés à la règle des deux poids et deux mesures, que n’aurait-on pas dit si Frigide Barjot avait tenu de propos pareils à l’égard du camp d’en face ! Il est clair que, dans cette affaire, la décence est d’un côté et pas de l’autre.

Mais les deux déclarations que nous avons relevées témoignent surtout d’une profonde dégénérescence de la gauche dans son ensemble. Il y a la dégénérescence éthique qu’illustre le cas emblématique de M.Cahuzac (qui suit celui de M.Strauss-Kahn, trop vite oublié), il y a la dégénérescence de la préoccupation sociale authentique au bénéfice d’une revendication sociétale totalement différente qu’illustre l’importance prise par le projet faussement social de "mariage pour tous", mais il y a aussi la dégénérescence par rapport aux valeurs élémentaires de la démocratie que représente la dévalorisation de l’action politique au bénéfice d’un caritatif hypocrite et par l’assimilation invraisemblable de la demande de transparence sur le vote des élus à une revendication fasciste ou nazie !

Cette attitude est typique d’une classe politique enfermée dans un total autisme - les socialistes plus encore que les autres. Que des centaines de millions de Français soient assez motivés pour manifester contre un projet ne leur inspire aucune remise en cause, seulement de la rage et de la haine, avec la volonté de passer en force coûte que coûte. Que l’on cherche, pas même à leur demander des comptes, mais seulement à s’informer de ce qu’ils font de leur mandat, à savoir ce qu’ils votent, passe pour une prétention insupportable, de type fasciste, alors que c’est au contraire là un des fondements de la vraie démocratie.

Les effets pervers de l’idéologie

On ne comprendrait pas cette lamentable dérive si on ne prenait pas en compte la donnée idéologique. L’idéologie ? Hannah Arendt lui a donné un sens technique : elle est la politique inspirée par de idées fausses, voire folles, soit parce que ces idées sont trop simples (exemple : "la propriété, c’est le vol"), soit parce qu’elles reposent sur un vice de raisonnement (exemple : le passage de la légitime revendication de l’égalité des sexes à la négation absurde de la différence des sexes). Le socialisme du XXIe siècle, qui a entièrement sacrifié toute préoccupation sociale sur l’autel du mondialisme, ne se nourrit plus que de chimères idéologiques. Contrairement à ce que croit une certaine droite, plus attachée à ses biens qu’au bien commun, cette nouvelle gauche est bien plus dangereuse que celle qui voulait seulement nationaliser quelques grandes entreprises. Elle ne s’attaque plus à des intérêts, mais aux structurations fondamentales qui font que l’homme est homme.

Sachant au fond d’eux-mêmes qu’ils sont dans l’erreur, les idéologues, confrontés à des oppositions, ou tout simplement au réel, se crispent, deviennent méchants. Quand elle possède un homme, l’idéologie passe avant tout, notamment avant les principes les plus élémentaires de la démocratie représentative et de ce qu’Orwell, autre fin connaisseur du sujet, appelait la common decency. Voulant révolutionner la nature humaine, l’idéologue se croit investi d’une mission historique qui justifie tout et vis-à-vis de laquelle aucune barrière éthique, déontologique et même réglementaire ne tient. On ne comprendrait pas sans cette logique folle l’incroyable scène qui s’est passée au Sénat le 12 avril dernier et qui va sans doute discréditer un peu plus la démocratie représentative.  

Dans le genre idéologue, M. Michel avait, il est vrai, fait ses preuves depuis longtemps : comme président du Syndicat de la magistrature, c’est lui qui avait  porté autrefois les principales idées qui ont entrainé un profond égarement de notre justice : justice de classe inversée, acharnement contre tous les titulaires d’une autorité ou d’une compétence pour leur responsabilité involontaire (dont un des effets induits, principe de précaution oblige, est de rendre notre société  de plus en plus invivable à force de précautions juridiques, de réglementations tatillonnes et de parapluies tirés !) et de manière corollaire, affaiblissement du principe de responsabilité volontaire. Le bilan désastreux de ces idées contre-nature est encore à faire. Mais cela est une autre histoire.

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