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Marcel Petiot : "Docteur Satan"
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36 quai des Orfèvres

L'affaire Marcel Petiot constitue le dossier criminel le plus important de l'après-guerre. Dans son livre, "36 quai des Orfèvres, des hommes, un mythe" dont Atlantico publie les bonnes feuilles, Mathieu Frachon s’intéresse à ce macabre docteur. Episode 2, la vie et l'arrestation du "Docteur Satan".

Matthieu Frachon

Matthieu Frachon

Matthieu Frachon est journaliste, spécialiste de l’Histoire de la police.

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Né en 1897, Marcel Petiot a passé son existence au bord de l’abîme, entre la folie et l’ambition. Réformé pour déséquilibre mental en 1917, il accomplit des études de médecine. Lors de son internat dans un hôpital psychiatrique, le médecin chef note sur son dossier : « Petiot a tous les symptômes d’un esprit dépressif, en proie à des pulsions sadiques. »

Massu est abasourdi. Il découvre que Petiot a été interné en 1936 après avoir volé un livre dans un magasin.

« Délire, état de démence, individu sans scrupule, dépourvu de sens moral. C’est une précaution d’ordre public de retirer Petiot de la vie sociale. » Telles sont les conclusions des médecins qui l’ont expertisé.

« Comment un tel dingue a pu exercer ? Il est médecin, il a droit de vie et de mort sur ses patients ! »

Le commissaire n’en revient pas. Il sait que le conseil de L’ordre des médecins n’a été créé qu’en 1941, mais tout de même… il épluche le dossier Petiot. Le docteur s’est installé dans l’Yonne, a été maire de sa ville, puis conseiller général, révoqué pour avoir détourné l’électricité et pioché dans la caisse. Il s’est ensuite établi à Paris, rue Caumartin, y a acheté cet hôtel particulier pour monter une clinique. Les Allemands lui apprennent qu’ils ont arrêté Petiot, qu’ils le soupçonnent d’être le Dr Eugène, chef d’un réseau permettant aux Juifs et aux « ennemis du Reich » de fuir la France. Durant sept mois, Petiot a été interrogé, torturé dans les locaux allemands de la rue des saussaies, au siège de la police nationale. La Gestapo avait chargé un indicateur juif de remonter la filière ; l’homme a disparu. On brise les dents de Petiot, il est plongé dans la baignoire, on lui arrache les ongles, mais il ne parle pas. Il a été relâché quelques jours avant que les policiers ne découvrent sa clinique de mort. Massu commence à comprendre, interroge deux hommes et une femme juive, les rabatteurs de Petiot. On inventorie les valises trouvées dans un garde-meuble en banlieue. Massu remonte la piste, en bon chien de chasse qu’il est. Une voisine de Petiot lui apprend que son mari a fui la France grâce au bon docteur. Il lui a même écrit d’Argentine. Oui, mais l’écriture est malhabile, contrefaite. Petit à petit, les hommes de la Crim pénètrent le fonctionnement de la combine du sadique médecin. Il fait miroiter sa filière d’évasion, recommande à ses victimes de convertir leur argent en or et en bijoux, de les coudre dans une doublure de leur manteau, puis viennent les vaccins, obligatoires. Alors, il les enferme dans la pièce étanche et par l’œilleton les regarde mourir, empoisonnées, titubantes, jusqu’à ce qu’elles ne soient plus que des corps inertes à terre. Petiot n’a plus qu’à les voler, à descendre les dépouilles au sous-sol, à les disséquer et à dissoudre les restes dans la chaux ou à balancer ce qui subsiste dans la seine. Perfectionniste, le docteur découpe le visage, enlève tout signe distinctif. La combine est belle en ces temps troublés où l’on ne sait plus qui est un voyou, un collaborateur, un flic, un résistant. Son prestige de docteur, sa force de conviction, sa mégalomanie, suffisent à ramener dans ses filets ses proies qui veulent sauver leur vie, fuir ce pays occupé, échapper aux rafles, à la déportation. Les hommes du 36 sont abasourdis par cet assassin qui leur échappe. Et qui les nargue : Massu reçoit une lettre du docteur – « Il court, il court, le Petiot! »

La Libération arrive. Massu est jeté en prison, soupçonné d’avoir collaboré ; Petiot est toujours en cavale. Il a profité de la confusion ambiante pour se glisser dans une nouvelle identité, celle du capitaine Valéry, grand résistant autoproclamé. Il s’est laissé pousser la barbe, porte l’uniforme et travaille tranquillement à la caserne Reuilly comme épurateur. Un article destiné à le piéger est alors donné à un journal : « Petiot, agent du Reich ! ». Il envoie une lettre, se justifie, affirme œuvrer pour la France, occuper un poste important. Les hommes de la criminelle et de la sûreté militaire ratissent Paris, cherchent dans les administrations issues de la résistance. Le 31 octobre, Petiot est arrêté à la station de métro Saint-Mandé par le capitaine Simonin, alias commissaire Soutif, un collaborateur qui sera condamné en 1946 – décidément, rien n’est simple durant la Libération.

Petiot, à son procès, affirme être le chef du réseau Flytox, n’avoir éliminé que des traîtres. Mais on a retrouvé dans les affaires de ses victimes un pyjama d’enfant :

 « Est-on un traître à huit ans ? », tonne le procureur. Petiot hausse les épaules. Parfois il dort ou il éclate de son rire de dément. On lui attribue formellement vingt-sept victimes. Il se dresse dans le box et hurle :

« Comment vingt-sept ? Soixante-trois ! Et tous des traîtres ! »

Le 25 mai 1946, Petiot dort. La voix du procureur le réveille :

« Petiot, c’est l’heure, soyez courageux.

Tu me fais chier ! »

 Son avocat, le grand René Floriot, raconte ses derniers instants :

« Pour la première fois, je voyais un homme marcher à la mort avec un naturel parfait. Petiot allait avec aisance, comme s’il se rendait chez le dentiste. »

La tête du « Docteur Satan » tombe dans le panier en osier quelques secondes plus tard. La plus terrifiante affaire criminelle de l’Occupation s’achève.

Les regards se focalisent sur une autre brigade du 36, quai des Orfèvres : la Mondaine.

36 quai des orfèvres, des hommes, un mythe, Mathieu Frachon (Editions du Rocher, 2011)

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