Marc de Scitivaux : "Ce gouvernement doit faire sa révolution intellectuelle"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Marc de Scitivaux
Marc de Scitivaux
©Capture My Boox

L'interview Atlantico Business

La BCE se réunit jeudi pour sa réunion mensuelle. Elle ne devrait pas modifier ses taux mais se montre inquiète du ralentissement inattendu de l'inflation qui pourrait pénaliser le financement des entreprises. Pour l'économiste Marc de Scitivaux, la BCE a peu de marges de manœuvre et estime, par ailleurs, que les solutions proposées par le gouvernement français pour soulager les entreprises seront sans effet.

Marc de Scitivaux

Marc de Scitivaux

Marc de Scitivaux est économiste, fondateur et directeur des Cahiers verts de l'économie. Proche d'Alain Madelin, c'est un ancien membre de son cabinet ministériel.

Voir la bio »

Atlantico Business : Est-ce que cette déflation peut contraindre, à terme, la BCE à baisser ses taux ?

Marc de Scitivaux :Déflation ou pas, nous sommes à un moment où la baisse des taux n'a plus une influence colossale comme auparavant. Le vrai problème, ce n'est pas le maintient des taux ou pas car la situation est différente en fonction des pays. L'idée qui consiste à dire que les taux auraient un impact massif sur l'économie, je n'y crois pas beaucoup. Tant que nous n'aurons pas une union bancaire, les banques connaitront des difficultés pour se refinancer et donc mettrons en difficulté les entreprises. C'est le cas en France : le problème c'est l'accès au crédit. Si vous interrogez des chefs d'entreprise, même ayant de bons résultats, ils ont du mal à trouver des crédits, même des crédits pour renflouer leur trésorerie. La BCE, malheureusement, n'a pas beaucoup de marge de manœuvre. On lui fait beaucoup de reproches qui ne sont pas justifiés. Elle a agit comme il le fallait, que peut-elle faire de plus ! 

Vis-à-vis de cette situation, comme le gouvernement doit agir ? Des mesures comme annoncées récemment sont-elles de nature à soulager les entreprises ?
Je crains, là aussi, que les marges de manœuvre du gouvernement ne soient limitées. Avec son pacte de responsabilité, M. Hollande a promis des choses contradictoires. Vous ne pouvez pas demander aux entreprises d'embaucher, et ensuite de leur baisser les charges. Ce qui est frappant dans son discours, c'est qu'il semblerait s'être rendu compte que l'emploi privé n'a rien à voir avec les emplois publics. C'est une bonne nouvelle, il se rend compte que les contrats aidés ne font pas tout. Une entreprise pour qu'elle embauche, il faut que ses carnets de commande se remplissent, que l'entreprise ait envie d'investir, chacun sait que la création d'emploi dépend de la capacité de production. C'est aussi, pour une fois, une simple question d'optimisme. Il faut que les entrepreneurs deviennent optimistes sur leur situation fiscale personnelle, qu'ils n'aient pas l'impression que s’ils gagnent de l'argent, on va le confisquer et là, on est bien loin des histoires de taux de la BCE.

Donc le pacte de responsabilité, par exemple, n'est pas de nature à améliorer la situation financière des entreprises ?

C'est franchement clownesque. Quelque soit les bonnes volontés affichées du gouvernement envers les entreprises on se rend compte qu'une révolution intellectuelle importante n'a pas été fait dans ce gouvernement. Avec ce pacte de responsabilité, on met la charrue avant les bœufs. Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. L'idée que les emplois sont en bout d'une scène qui commence par l'investissement, cette révolution-là n'a pas été faite. Elle a été faite dans tous les pays du monde depuis 25 ans mais pas dans l'esprit des dirigeants socialistes français. L'autre élément important, au-delà de la question de la fiscalité, c'est aussi la souplesse du marché du travail. Je crois vraiment que cette question de la flexibilité est plus importante que le coût du travail qui, lui, peut s'ajuster. Mais dès que vous prenez la décision d'embaucher, le fait de savoir que vous pouvez faire machine arrière est un élément fondamental.

Avec cette mesure et ses déclarations, François Hollande donne l'impression d'entamer un virage plus libéral. Cela vous parait-il sincère ?

Savoir si Hollande est sincère m’est relativement indifférent. Sincère ou pas, ça ne peut pas marcher tant que cette révolution intellectuelle ne sera pas faite. C'est une bonne chose qu'il commence à comprendre que ce sont les entreprises qui créer l'emploi mais il n'a pas encore compris comment il fallait le faire. S'il se penchait sur la question, il s'apercevrait que ce n'est pas aussi difficile qu'on ne le pense. Puisqu'il ne faut rien attendre de la BCE, il faut davantage de signaux autour de la fiscalité des entrepreneurs et sur la souplesse du marché du travail en France. Ce sont les deux seuls éléments qui vont peut-être inciter les gens à investir. Pour l'instant, nous sommes extrêmement loin de scénario.
Propos recueillis par Julien Gagliardi

Le sujet vous intéresse ?

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !