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Mais pourquoi tant de jeunes hommes sont ils incapables de faire l’amour sans avoir recours à des petites pilules bleues ?
©DOUANE FRANCAISE / AFP

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A partir de l'année prochaine, le viagra sera en vente libre au Royaume-Uni et une ordonnance ne sera plus nécessaire pour atteindre l'extase. Mais pourquoi donc le viagra est-il si populaire ?

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico: Comment expliquer la progression de la consommation de viagra chez les jeunes hommes en bonne santé au Royaume-Uni ? 

Michelle Boiron: Il me parait important de faire la différence en « être en bonne santé » et « une bonne santé sexuelle », même si aujourd’hui le lien est souvent fait entre ces deux états qui sont parfois corrélés. Le symptôme de la «panne sexuelle» dont on sait qu’elle peut se produire une fois dans la vie d’un homme, devient vite une angoisse quand elle se reproduit plusieurs fois.  

Il n’est pas question, si possible, d’en faire un drame. Néanmoins il faut consulter un médecin spécialiste pour évacuer toute pathologie médicale dont la panne serait le premier symptôme : les problèmes cardio-vasculaires, le diabète, le surpoids, le cholestérol, la dépression…  C’est peut être l’occasion de faire un bilan médical et de consulter, avant de penser à une cause psychologique.

Ceci étant dit, l’homme d’aujourd’hui est sur-informé ; il a connaissance de la petite pilule bleue. Il peut s’en procurer assez facilement auprès de son généraliste. Elle est prescrite, à mon sens, un peu trop systématiquement avant même qu’ait été menée une anamnèse poussée pour comprendre les causes de l’apparition de ce symptôme. Il n’est évidemment pas question de rester dans cet « état là » mais, en revanche, de se poser deux minutes avant d’utiliser cette béquille. L’âge du patient est évidemment à prendre en compte. Ces jeunes hommes de 20 ans qui souffrent de problèmes érectiles à l’âge où « ça » bande tout seul ne comprennent pas ce qu’il leur arrive et paniquent, à juste titre. 

Hélas c’est sur ce type de patients que les IPDE5 ne sont pas toujours efficaces parce que n’étant pas la bonne indication. Pour exemple ce patient tout jeune qui a eu des expériences avec deux jeunes filles très libérées et qui ont eu des exigences un peu hard pour un jeune homme vierge : pour l’une, alors qu’il était vierge, elle a imposé pour leur première fois une copine, et pour l’autre, aucun préliminaire mais une sodomie directement !

Pour certains hommes l’excitation auraient pu être à son summum dans ce genre de situation. Précisément parce que c’est lui qui l’aurait  décidé avec le doute de l’acceptation de l’autre et avec un côté transgressif. Mais l’incitation et l’injonction auraient pu aussi créer une panne pour des hommes chevronnés ! 

Un acte imposé par la partenaire est souvent dommageable pour l’homme.

A fortiori pour ce patient qui s’est vu imposer un acte à trois, l’injonction était effractante et il s’est senti à la fois piégé, s’il ne s’exécutait pas, et impuissant s’il fuyait…  Alors la première fois a été subie ; il s’est exécuté. Ces actes violents lui  ont laissé quelques séquelles, une image dévalorisée de la femme.  La petite pilule bleue dans ce cas précis ne pourrait résoudre ses difficultés.   

Ce même phénomène est-il visible en France ?

Je ne pense pas qu’au Royaume Uni la sexualité des jeunes hommes soit si différente de ce qu’elle est en France. En revanche, si la vente du Viagra devient libre, on peut craindre que la prise de ce médicament devienne systématique, sans rechercher les causes du dysfonctionnement érectile, alors même que la pilule bleue ne soit pas le bon traitement et donc que la prise soit inefficace et que le problème soit aggravé. Très souvent le fait de savoir qu’il y a un remède calme l’anxiété du patient. Comme le rendez-vous pris chez l’urologue améliore parfois le trouble. En France, on note une grande majorité d’hommes et aussi de jeunes hommes qui consultent car l’information est très largement diffusée. C’est le seul bon côté de l’intimité jetée en pâture sur la place publique. Cette exposition de l’intimité, je la trouve en revanche assez néfaste pour ce qui est de la performance sexuelle imposée à l’homme d’aujourd’hui.

Il est essentiel de savoir que l’on a les moyens aujourd’hui de vous « faire bander », ce qui conduit l’homme à consulter et ne pas rester prostré dans sa coquille. Il y a des solutions, mais le remède doit être adapté à chaque cas. Le Viagra à 50 ans, pourquoi pas si nécessaire. A 20 ans, je serais plus réservée en première intention pour pallier cette défaillance. Ce qui est troublant dans cette enquête, c’est qu’une pathologie d’homme mûr atteigne les hommes de plus en plus jeunes. De là à accuser la pornographie à laquelle de plus en plus de jeunes enfants sont exposés, il n’y a qu’un pas. Ce n’est pas le sujet mais l’incidence des images pornographiques massivement déversées sur les écrans est réelle et joue sur les circuits d’excitation. 

Quelles peuvent être les conséquences sur la santé, qu'elle soit physique ou psychique ?

Elles sont très lourdes. Parlons d’évidence : s’il y a toujours eu une tendance à considérer l’homme actif et la femme passive, c’est parce que l’un des deux, l’homme, « acte » le processus et l’inaugure avec l’érection, et l’éteint avec la détumescence. Mais fallait-il pour autant en déduire la responsabilité totale de l’homme ? Fort de tout cela, lorsque le trouble érectile apparait l’homme s’effondre.

La norme non atteinte ; aujourd’hui plus particulièrement, entraîne culpabilité, honte, désespoir, crainte d’être quitté, pour objectif non atteint. Alors le scénario se met en place « Je prends une substance pour bander, et je ne lui dis pas car elle ne me comprendrait pas et surtout elle me jugerait impuissant… »

Les répercussions d’abord psychologiques peuvent être significatives sous ce diktat  de l’injonction à être un homme puissant. C’est déjà très invalidant pour les hommes qui ont de l’expérience ; on peut donc imaginer comment la défaillance est vécue par ceux qui commencent leur vie sexuelle. Ils sont d’une part élevés par la culture des films pornos et d’autre part sous la pression féminine qui exige la jouissance. Enfin, leur performance est mesurée comme lors des examens de leur cursus scolaires…

Aujourd’hui, on connait bien la physiologie de l’érection- et c’est un élément essentiel- et la médecine a trouvé un remède pour pallier le manquement. Agir rapidement pour que le symptôme ne s’enkyste pas et en profiter pour se poser et réfléchir à la sexualité en termes de relation sexuelle et non de performance, voilà ce que permet le Viagra.

Il me parait essentiel de redire que l’on n’est pas impuissant tout seul ! Ce qui pourrait sauver la relation sexuelle ? Un véritable échange adulte. Pour faire l’amour, il faut être deux. Quelque soit la défaillance la responsabilité est bien souvent de 50% chacun. La femme frigide et l’homme dont l’érection vient à défaillir : même combat. Le mot est lâché ; ils sont l’un contre l’autre, pas pour se compléter mais pour s’affronter. C’est la course, la compétition ; qui va gagner ? Hélas, dans ce concours, il n’y a que des perdants.

Pour conclure la parole et la communication circulent pour aider les défaillances sexuelles notamment de l’homme. Il est donc très important de réagir rapidement avec l’aide du monde médical : médecin, sexologue, urologue, et d’utiliser tous les moyens à disposition pour retrouver une bonne santé sexuelle.

Néanmoins il me semble que l’utilisation de substances pour pallier notamment cette défaillance érectile, a fortiori si elle devient libre, ne doit pas être le premier recours, au risque de passer à côté d’autres causes : physiologique, psychologique ou encore relationnelle, et d’administrer un traitement qui sera inefficace. Attention à ne pas considérer la « pilule bleue » comme une panacée !

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